TEHERAN (Reuters) — La Russie s'est agacée hier de la "démagogie" du Président iranien Mahmoud Ahmadinejad, après l'avoir entendu critiquer durement le soutien de Moscou à de nouvelles sanctions internationales contre son pays. Dans un discours prononcé à Kerman, dans le sud-est du pays, et télévisé, Mahmoud Ahmadinejad s'est livré à une critique peu habituelle de la Russie, jugeant "inacceptable" qu'elle puisse envisager des sanctions contre l'Iran et invitant son homologue russe, Dmitri Medvedev, à revenir sur sa position. L'Iran a été tacitement rabroué par la Russie et la Chine la semaine dernière, lorsque les Etats-Unis ont fait part du soutien des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu à un projet de résolution peu après la signature de l'accord de Téhéran sur un échange de combustible nucléaire. Jusqu'à récemment, Russie et Chine restaient réservées quant à de nouvelles sanctions et elles continuent de plaider pour des mesures moins lourdes que les Occidentaux, en tentant notamment d'assurer que le secteur pétrolier, vital pour l'Iran, ne sera pas affecté. Mais le président iranien a accusé Dmitri Medvedev d'avoir cédé aux pressions de Washington pour resserrer l'étreinte sur son pays et a remis en cause leur proximité. "Si j'étais le président russe, lorsque je prends des décisions sur des sujets liés à une grande nation (l'Iran), j'agirais plus prudemment, je réfléchirais davantage", a dit Ahmadinejad. "Dernier mot" Les Russes "sont-ils nos amis et nos voisins ? Sont-ils avec nous ou cherchent-ils autre chose ?", a ajouté le président iranien. "Nous ne devrions pas voir, en ces temps troublés, notre voisin soutenir ceux qui sont contre nous, qui nous ont témoigné de l'animosité pendant 30 ans." "Ceci n'est pas acceptable pour la nation iranienne (...) J'espère que les dirigeants et les autorités russes prêteront attention à ces propos amicaux et rectifieront le tir", a conclu Mahmoud hmadinejad, invitant la Russie à ne pas rejoindre "les rangs des ennemis historiques" de l'Iran. Considérée comme un allié de l'Iran dans la région, la Russie est engagée dans plusieurs projets avec la République islamique. Elle doit lui livrer des missiles sol-air, et contribue à la construction de la centrale de production d'électricité de Bouchehr, censée être mise en service en août. Des responsables russes excluent que les sanctions puissent entraver ces projets, mais la détérioration des relations diplomatiques pourrait de facto y mettre un frein. Réagissant aux propos d'Ahmadinejad, le principal conseiller du président russe pour les affaires étrangères a rejeté les critiques, affirmant que les décisions russes était dictées par l'intérêt national et non une inclination diplomatique. "Personne n'a jamais réussi à préserver son autorité par la démagogie politique. J'en suis convaincu, l'histoire millénaire de l'Iran en est la preuve", a déclaré Sergueï Prikhodko. "La Fédération de Russie est gouvernée par ses intérêts propres à long terme. Notre position est russe: elle reflète les intérêts de tous les peuples de la grande Russie et ne peut donc être ni pro-américaine ni pro-iranienne", a-t-il ajouté. Il a en outre fustigé en retour l'incapacité de l'Iran à convaincre la communauté internationale du caractère pacifique de son programme nucléaire. "L'imprévisibilité, l'extrémisme politique, le manque de transparence ou de cohérence dans la prise de décisions qui affectent et préoccupent le monde entier sont inacceptables pour nous", a-t-il dit. "Il serait bon que ceux qui aujourd'hui parlent au nom du sage peuple d'Iran (...) s'en souviennent." Dans son discours, Ahmadinejad a par ailleurs qualifié l'accord avec la Turquie et le Brésil sur l'échange d'uranium faiblement enrichi contre du combustible nucléaire d'"occasion historique" à saisir pour le Président américain Barack Obama. Les Occidentaux ont accueilli avec une grande prudence cet accord dont les termes ont été soumis cette semaine à l'Agence internationale de l'énergie atomique, et dont Ahmadinejad a prévenu qu'il était "le dernier mot" de l'Iran sur le sujet.