Demain dimanche, entre 11h30 et 12h30, mille «ballons de la liberté» s'envoleront dans le ciel d'El Menzah 6. A deux pas du lieu de l'assassinat de Chokri Belaïd. Une opération organisée par un collectif de journalistes et d'artistes indépendants, des mécènes, des femmes et des hommes de culture pour honorer la mémoire de ce chantre de la liberté d'expression et de la non-violence. A midi pile, d'autres ballons blancs et rouges, couleurs du drapeau tunisien, partiront de Sidi Bouzid, Thala, le Kef, Djerba... Et plus loin encore, beaucoup plus loin, de Marseille, Berlin, Genève, Brasilia... A Tunis, le lâcher de ballons, sur lesquels les organisateurs ont imprimé le portrait du leader politique, sera accompagné des sons de l'hymne national, joué par une petite formation de jeunes musiciens classiques. Un moment d'art éphémère, qui s'inspire des ambiances de l'art contemporain, dédié au recueillement, au souvenir et à la paix des âmes... encore bouleversées par la tragédie du 6 février. L'idée de rendre hommage en ce 41e jour de la mort de Chokri Belaïd, 48 ans, à l'avocat et au secrétaire général du Parti des patriotes démocrates, lâchement abattu devant son domicile de quatre balles, le 6 février dernier, est venue d'un collectif de journalistes et d'artistes indépendants. Des mécènes, des hommes et des femmes de culture rejoignent le groupe et soutiennent l'opération, qui très vite fait des petits, investit d'autres cercles et d'autres pays, avec pour seul slogan «Non à la violence». Ce slogan, presqu'un testament de celui qui n'a pas cessé, notamment les derniers mois avant sa disparition, de prôner le dialogue, comme seule alternative à la crise politique par laquelle passait le pays et d'appeler à l'organisation d'une conférence nationale contre la violence politique. Un défenseur convaincu des journalistes Et si des journalistes et des artistes prennent aujourd'hui cette initiative d'honorer la mémoire du chef des Patriotes démocrates par un geste d'une grande symbolique (le souffle des uns, qui donne forme aux ballons rejoignant et ravivant le souffle de Chokri Belaïd), c'est aussi parce que l'homme a toujours été là, passionné et engagé comme à son habitude, quand la liberté d'expression était menacée. Le 23 janvier 2012, le jour du procès de Nessma TV (accusée d'avoir diffusé un film d'animation «blasphématoire»), sa belle plaidoirie en faveur de la chaîne de télévision lui vaut une agression physique et des insultes proférées par des salafistes, qui ont envahi les alentours du tribunal de Tunis. Il continue à soutenir les journalistes en prenant part régulièrement au sit-in de Dar Essabah, entamé le mois d'août dernier par toute l'équipe des deux journaux Essabah et Le Temps à la suite de la désignation par le gouvernement de Lotfi Touati à la tête de l'entreprise de presse. Plus tard, il prendra la défense du journaliste d'Essabah Saber El Mekecher dans une affaire liée au dossier du promoteur immobilier, Fethi Dammak. Tous ne le savent peut-être pas : dans sa jeunesse estudiantine Chokri Belaïd a été journaliste à ses heures. Au journal Echaab, tout d'abord, à la fin des années 80. Puis en Irak, où, étudiant en droit, il collabore, en envoyant ses poèmes et des articles d'opinion, dans des revues nationalistes arabes. Lui qui a toujours brandi une parole libre et sans concessions connait bien les risques de ce métier de l'expression, surtout dans les pays où la lutte entre le pouvoir politique et les journalistes n'est jamais de tout repos... Demain, sur la place Chokri-Belaïd, les premiers ballons seront lâchés par sa veuve Bessma Khalfaoui et ses deux petites filles, Neyrouz et Nada. Dans le silence. Devant l'avènement d'un séisme, tel l'assassinat politique d'un leader de l'envergure de Belaïd, le sens des mots ne s'écroule-t-il pas ? Circulation : dispositions spéciales Le ministère de l'Intérieur a décidé l'interdiction du stationnement des véhicules, aujourd'hui 16 mars 2013, dans le pourtour du cimetière du Jellaz ainsi que sur l'avenue Moncef Bey et l'avenue de Carthage, et ce de 10h00 à 16h00, aux fins d'assurer le bon déroulement de la marche prévue à l'occasion des cérémonies du 40e jour de la mort de Chokri Belaïd. Selon un communiqué rendu public vendredi par le ministère, l'avenue de Carthage sera fermée aujourd'hui à la circulation de tous types de véhicules, de 13h00 à 16h00. Des partis politiques et des organisations des droits de l'Homme participeront à la marche prévue à 13h00. Le cortège prendra le départ du cimetière du Jellaz, à destination de l'avenue Habib Bourguiba.