Le rapport de la police cite les LPR et des militants d'Ennahdha Elle menaçait depuis déjà quelques semaines de le faire, l'Ugtt vient de rendre public hier, lors d'une conférence de presse, le rapport final sur les évènements du 4 décembre 2012 à la place Mohamed-Ali, et ce, de façon unilatérale après les désaccords profonds entre la partie syndicale et la partie gouvernementale. Un rapport qui, sans surprise, incrimine les ligues de protection de la révolution (LPR). Mouldi Jendoubi, Mokhtar Trifi, Ahmed Souab, Chafik Sarsar et Mohamed Guesmi, représentants de l'Ugtt au sein de la commission mixte qui a vu le jour le 12 décembre 2012, se sont appuyés essentiellement sur le rapport du ministère de l'Intérieur sur les évènements dramatiques (reçu le 12 janvier par la commission d'enquête), qui cite, sans toutefois les accuser, les LPR et des militants du parti Ennahdha. «Le rapport du ministère de l'Intérieur présente une chronologie des évènements qui confirme la présence d'éléments appartenant aux LPR (des régions d'Ezzahra, Hammam-Lif et Tunis-Ville) et quelques militants du parti Ennahdha à la place Mohamed-Ali et les rues avoisinantes... A 13h15 quelque 200 personnes ont investi la place et ont tenté de s'introduire à l'intérieur du siège de la centrale syndicale», pouvait-on lire dans le rapport distribué aux journalistes à l'issue de la conférence de presse. Houssine Abbassi, secrétaire général de l'Ugtt, a par ailleurs accusé les assaillants d'avoir eu pour ambition de s'emparer du siège de l'organisation et de «remplacer ses dirigeants». Selon le même rapport, près de 800 personnes se sont divisées en deux groupes, le premier (composé de 500) a pris ses quartiers à la place Mohamed-Ali, le deuxième (qui compte 300 personnes) s'est installé à La Kasbah où se dirigeait comme prévu la marche organisée par l'Ugtt. «L'Ugtt a entrepris toutes les démarches juridiques avant le jour J et 4 réunions sécuritaires ont été organisées conjointement avec les autorités. De plus, le ministère de l'Intérieur a eu vent des menaces qui pesaient sur la marche», explique Mokhtar Trifi, avocat et président d'honneur de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme, qui déplore que la police avait préféré négocier avec les manifestants venus troubler la fête au lieu de les disperser avant que l'irréparable ne se produise. Usant de son humour habituel faisant grincer les dents de ses collègues qui voulaient un peu de sérieux dans ces circonstances, Ahmed Soueb, juge administratif, commente une vidéo de 12 minutes, qui montre plusieurs scènes de violence à l'encontre des syndicalistes et du siège de l'Ugtt. Deux noms, cependant, reviennent couramment lors de son intervention, il s'agit de Hichem Kannou, président du comité de protection de la révolution de Tunis, et de Aymen Ben Ammar, membre de la LPR et proche du mouvement Ennahdha, tous deux présents ce jour-là. Plusieurs individus déchaînés apparaissent dans cette vidéo, munis de bombes à gaz et de bâtons, dans une scène très violente, un employé est violemment tabassé avant d'être trainé sur quelques mètres, en signe de victoire. Quant à Chafik Sarsar, professeur de droit à l'université de Droit et de Sciences politiques de Tunis et membre de la commission d'enquête sur les évènements du 4 décembre, il explique que la commission d'enquête a pu constater, suite à l'étude du dossier juridique de la LPR, que plusieurs comités affiliés opèrent «hors du cadre juridique» en violation de la loi sur les associations. «Plusieurs articles inscrits dans les statuts des LPR s'opposent clairement aux dispositions de la loi sur les associations, en termes de transparence des activités mais également dans le sens où certains articles appellent à la violence», poursuit Chafik Sarsar. D'un autre côté, Houssine Abbassi explique que le dévoilement du rapport d'une manière unilatérale intervient plus de deux mois après la date fixée par l'accord ayant abouti à l'annulation de la grève générale et après que l'Ugtt a constaté l'inutilité de continuer le dialogue alors que la commission mixte a terminé ses travaux. «Nous étions convaincus dès le départ que l'attaque du 4 décembre 2012 est intevenue à la suite d'une stratégie bien pensée pour perturber et mettre à genoux l'Ugtt, notre responsabilité est de résister à ces pratiques, mais aussi et surtout d'éradiquer la violence en Tunisie tant que celle-ci se trouve encore dans son état embryonnaire», déclare le secrétaire général de l'Ugtt. Cependant, lors de cette conférence de presse, rien n'a été dit quant à l'éventualité de la présence sur les lieux de membres du front de redressement du processus syndical au sein de l'Ugtt, au moment des incidents du 4 décembre. Plus de 4 mois après les évènements, les versions se multiplient et certains espèrent que cette affaire ne sera pas vouée aux oubliettes comme celle de la répression du 9 avril 2012, chose que les syndicalistes refusent catégoriquement.