Après avoir brossé les grandes lignes des spécificités architecturales du sud du pays, voilà que le ministère de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire s'intéresse au Nord-Est. Il vient de publier un second ouvrage sur les styles architecturaux couvrant une vaste aire géographique, allant des médinas du nord en intégrant les anciennes cités andalouses, aux zones de l'architecture berbère et rurale, et enfin à la zone de l'architecture occidentale, divisée elle-même en deux parties, l'architecture des villes et l'architecture des fermes. Parmi les objectifs de l'étude, il faudra citer une meilleure connaissance des caractéristiques des ensembles architecturaux anciens, l'identification des matériaux de construction et les savoir-faire anciens, ainsi que le repérage des ensembles des zones à conserver. Dans l'introduction de l'ouvrage, les auteurs — des architectes, des urbanistes, une historienne, un géographe et un sociologue — s'interrogent sur ce qui marque une «région architecturale» : «La région architecturale serait celle où les conditions socio-historiques et naturelles bénéficient d'une certaine homogénéité. Mais même cette définition, pourtant très large, ne résiste pas à la confrontation du terrain. Entre Testour, El Alia et Soliman, les divergences dans l'expression architecturale sont très profondes, bien que l'origine andalouse soit la même…». Un peu plus loin, les auteurs présentent un soupçon de réponse : «Peut-on dire que le matériau crée un style régional ? Il est certain que le matériau crée une ambiance, par sa couleur, la combinaison de ses éléments, sa mise en œuvre, mais cette ambiance pourra se retrouver dans deux régions différentes…Il semble donc opportun d'envisager une micro zonation du territoire avant de se hasarder à définir des ''régions architecturales''». L'étude relève d'autre part que, si une certaine continuité a imprégné la production architecturale du Nord-Est pendant des siècles, la première grande rupture survient à la période de la colonisation. Lorsque de nouveaux tissus urbains surgissent, différents dans leur logique et leur structure des anciennes médinas. En ces temps où la spéculation immobilière bat son plein, les ruptures vont se multiplier encore plus. Au niveau urbain, on assiste à la juxtaposition de plusieurs tissus : le tissu spontané, le tissu des cités populaires, celui des lotissements des agences immobilières et celui des hôtels sur les côtes de Hammamet. Au niveau architectural, deux constats émergent. D'abord, l'usage de matériaux modernes, comme le verre et l'acier. Ensuite, le recours à une architecture verticale. Résultat, une tendance à l'uniformisation du vocabulaire architectural imprègne l'ensemble du pays. D'où la perte progressive de la personnalité des villes et des villages. L'étude recommande de hâter la promulgation de plans de protection et de sauvegarde, de lancer d'autres secteurs sauvegardés et de consolider les entités administratives habilitées à appliquer les lois de la protection du patrimoine architectural. Elle dresse la liste des monuments en péril, parmi lesquels les fermes et les bâtiments coloniaux, les palais beylicaux, des noyaux de médinas et des villes andalouses. Croquis, photos, plans, coupes complètent ce document didactique et référentiel très utile pour les architectes, les urbanistes et également pour tous les usagers de l'espace bâti.