Il est déjà 23h, voici le récapitulatif des informations les plus importantes ayant marqué la journée du 15 juillet 2025 :    Clôture de l'année universitaire à Borj El Amri : hommage à la promotion « Hammouda Pacha »    e-Mouaten : une plateforme pour signaler les blocages administratifs    Un gâteau derrière les barreaux : le message du frère de Mossâab Gharbi après un an de prison sans procès    Incendie à Ben Arous : explosion d'un transformateur électrique en cause    66ème Festival international de Sousse: 25 spectacles dont trois étrangers au line-up    Sécurité Routière : Des lignes au sol qui sauvent des vies    Météo Tunisie - Pluies orageuses localisées et températures élevées cette nuit    Huile d'olive : la Tunisie exporte plus, mais gagne moins    Un séisme de magnitude 4,7 secoue le nord de l'Iran    Festivals et vente des billets sur le marché noir: des prix qui donnent le vertige!    Ouled Jebril : le projet de loi sur l'amnistie des chèques sans provision sera adopté avant les vacances parlementaires    Le SNJT soutient Francesca Albanese pour le prix Nobel de la paix 2025    Les villes tunisiennes les plus propres du pays en 2025    Non, les juges britanniques ne peuvent pas "prendre de l'argent dans les caisses de l'Etat"    La Tunisie appelle la France à faciliter une mobilité intelligente, productive et pragmatique, et à lever les entraves qui subsistent encore    Un propriétaire d'un laboratoire pharmaceutique devant la justice pour des soupçons de corruption    Condamnation à quatre ans de prison d'un huissier pour détournement de 80 000 dinars    L'Espérance Sportive de Tunis recrute Ahmed Bouassida pour quatre ans    Décès du plus vieux marathonien du monde à l'âge de 114 ans    Zied Maher défend le projet de création d'une banque postale    Objectifs environnementaux de 2030 : Progrès accomplis de LG en matière de développement durable    Samia Massoud : l'utilisation limitée des éthylomètres était liée à une question de conformité    Annulation de la grève des agents de la STEG prévue le 17 juillet    Concours 6ème et concours 9ème 2025 : accès aux collèges et lycées pilotes pour les élèves ayant obtenu une moyenne de 14 sur 20 ou plus    Tunisie 2025 : la récolte céréalière atteint son plus haut niveau depuis cinq ans    Investir malin en 2025 : pourquoi la bourse fait mieux que l'immobilier et l'épargne    Crise des dettes dans le foot tunisien : vers un règlement rapide pour éviter les sanctions de la CAF    Texas : le bilan des tempêtes atteint 131 morts, nouvelles alertes aux fortes pluies    Anne Guéguen au 14 juillet à Tunis : une ambassadrice, des valeurs, un message de paix et de coopération    Explosion dans un champ pétrolier en Irak : la production suspendue    Baisse des ventes : la FTAV propose un nouveau système inspiré des « chèques voyages »    Tunisie : vers la régularisation de 1 million de logements anarchiques pour un habitat digne    Et si l'Iran avait la bombe ?    Désenchanté par Poutine, Trump menace la Russie tout en maintenant le flou    Le spectacle Ragouj inaugure festival Hammamet 2025 : musique, danse, divers hommages et ode à l'amour    Le Quartet tunisien propose Francesca Albanese pour le Nobel de la paix    Tentative de victimisation : Atef Ben Hassine sous le feu des critiques    Sinner détrône Alcaraz et s'offre son premier Wimbledon    52e édition du Festival de Monastir : Voici la programmation officielle    Atef Ben Hassine prédit un « séisme de mesures » pour le 25 juillet    Rendez-vous visa : l'Ambassade d'Italie met en garde contre les arnaques payantes    Hend Mokrani : il devient très difficile de programmer des artistes internationaux en raison de leurs positions relatives à la Palestine    Attijari Bank signe la plus belle publicité qui touche le cœur des Tunisiens de l'étranger    Mercato : Le Club Africain renforce sa défense avec Houssem Ben Ali    Tunisie Telecom félicite Walid Boudhiaf pour son nouveau record national à -118 mètres    Tunisie Telecom félicite Walid Boudhiaf pour son nouveau record national à -118 mètres    Tunisie - Walid Boudhiaf établit un nouveau record national à -118 mètres    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Aimer trop le patrimoine peut tuer le patrimoine !»
L'entretien du lundi : Inchirah Hababou, architecte
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 12 - 2010

L'Association de sauvegarde de la médina vient de recevoir avec la municipalité de Tunis le Prix Aga Khan d'architecture pour le projet de revitalisation de l'hyper-centre (voir notre article du 2 décembre 2010). L'architecture est donc à l'honneur ces jours-ci, d'autant plus que ce prix décerné par un jury international a donné lieu à des reportages, diffusés sur plusieurs chaînes européennes et arabes, sur la ville de Tunis et ses bâtiments célébrant les plus beaux styles du début du XXe siècle.
Le parcours de l'architecte et urbaniste Inchirah Hababou, qui enseigne actuellement à l'Ecole nationale d'Architecture, est intéressant dans le sens où elle s'est spécialisée très tôt dans la réhabilitation du patrimoine quotidien tout en gardant un œil sur les pratiques contemporaines de l'architecture.
Son expérience professionnelle s'étend à l'aménagement urbain de plusieurs villes notamment en Afrique. Ici, elle vient de concevoir des études de circuit de visite de Béja et de Mahdia. C'est avec cette architecte passionnée et dont le regard critique sur la ville semble très juste que nous avons choisi de parler de l'art de bâtir et de concevoir les espaces de vie en Tunisie particulièrement.
Vous qui avez travaillé à l'ASM de Tunis, à l'Agence de rénovation et de réhabilitation urbaine (ARRU), que pensez-vous de toutes les actions de sauvegarde des anciennes architectures entreprises en Tunisie ?
Pour avoir vécu les évolutions dans ce domaine, je peux dire que nous avons plutôt bien travaillé. La Tunisie fait partie des premiers signataires des chartes archéologues. Depuis le projet Hafsia où on a testé nos outils d'intervention sur le tissu ancien, la conscience patrimoniale s'est beaucoup développée. Il me semble que nous vivons actuellement une période charnière. Le risque consiste à basculer dans un fétichisme primaire. Aimer trop le patrimoine peut tuer le patrimoine !
Sur quoi intervenir ? Et de quelle manière travailler sur les tissus anciens ? Voilà des interrogations fondamentales. Il faudrait, à mon avis, continuer à protéger mais en laissant l'empreinte du temps présent.
Nous disposons aujourd'hui de compétences et de connaissances, y compris par rapport au patrimoine immatériel. Les études sur les spécificités architecturales régionales réalisées par le ministère de l'Equipement ratissent large en matière de patrimoine.
Nous disposons d'un Code du Patrimoine, qui a essayé de trouver des solutions aux blocages que nous avons rencontrés en abordant le projet Hafsia, à savoir l'absentéisme des propriétaires étrangers, les locations anciennes, les problèmes liés à l'héritage. Mais on ne sait pas pourquoi il n'est pas toujours appliqué. Nous n'avons par exemple aucun Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV).
Le PSMV représente l'outil réglementaire opposable aux tiers, qui travaille sur le détail de médinas vivantes se transformant au fil des jours. Il est le garant de leur homogénéité et de leur cohérence. Une cohérence parfois en voie de disparition. Un PSMV demande des finances consistantes. Il semble peut-être rigide. Il y a quelques réajustements à faire pour qu'il devienne opérationnel. La situation peut paraître paradoxale si on conjuguait l'absence de cet outil avec un intérêt exacerbé pour le patrimoine.
Que faut-il faire à votre avis à ce niveau ?
Pour revenir aux médinas, la sauvegarde y est constante. Seulement, elle semble quelque peu dispersée. Il faut trouver les moyens pour que ces interventions soient canalisées, contrôlées et prises en charge par une structure qui nous manque aujourd'hui. Celle d'un corps spécialisé d'architectes qui dispose du droit de regard sur les évolutions des tissus anciens. Prenons le cas de la médina de Mahdia, petite ville fermée, très intéressante sur le plan historique.
Depuis une dizaine d'années, un phénomène ne cesse de s'amplifier : dès le mois d'avril, pratiquement chaque commerçant ayant pignon sur rue à l'intérieur de l'enceinte de la médina va vouloir «rénover» sa boutique. Il va ramener des matériaux étrangers à l'esprit de la vieille ville, introduire des structures en aluminium aux couleurs criardes, élargir les ouvertures… En imitant la Skifa El Kahla (entrée en chicane à l'entrée de la médina de Mahdia), ou un bordj (fort), les commerçants ne se rendent pas compte qu'ils déstructurent d'une part la médina et d'autre part font tort à la monumentalité et à l'unicité des monuments auxquels ils se réfèrent dans leurs transformations. C'est là où le corps spécialisé pourrait réagir en aidant les uns et les autres à mettre les signes de la contemporanéité sur les bâtiments anciens tout en préservant leur lecture historique.
Ne pas détourner ni injurier le passé et marquer en même temps les monuments de l'empreinte du présent est un équilibre que seuls des architectes spécialisés dans le patrimoine pourraient trouver. Ce corps ne peut pas fonctionner en l'absence d'ingénieurs, d'entreprises et de bureaux d'études spécialisés dans les bâtiments anciens. Savez-vous qu'aucune entreprise ne sait aujourd'hui en Tunisie construire un mur en pierre ou consolider un plancher en IPN ou en bois ?
Pourquoi la production architecturale nouvelle n'est-elle pas à la mesure de l'esthétique et de la sobriété des architectures traditionnelles?
Qu'on aille du nord au sud du pays, l'appauvrissement du paysage urbain est flagrant. Partout, dans toutes les villes et dans les divers tissus, qu'ils soient populaires, moyens ou supérieurs, nous relevons des maisons construites selon le même schéma : une façade en crépi ocre relevée d'une corniche en tuiles rouges, des fenêtres carrées, une large entrée avec deux colonnes en nakcha hdida (stuc) de Dar Chaâbane, s'y rajoutent parfois des escaliers extérieurs.
Est-ce cela le «style tunisien»? On devrait réfléchir sérieusement à cette problématique. Les études sur les spécificités architecturales ont retracé les différents patrimoines de la Tunisie : médinal, vernaculaire et européen. Comment les réexploiter pour créer une architecture de notre temps présent ? S'agit-il de les recopier ou d'en utiliser quelques éléments pour les développer, les suggérer dans une architecture contemporaine?
Mais qu'est-ce qu'une architecture contemporaine ? Quels seraient son vocabulaire et ses outils ?
C'est une architecture épurée, intégrée, non ostentatoire. Dans une logique de développement durable, on se doit de faire attention aux économies d'argent et d'énergie. C'est une architecture facile à entretenir, qui se soucie de l'avenir et veut préserver un environnement sain pour nos enfants. La monumentalité incarne un discours ancien, classique. Dans la contemporanéité, le dialogue avec la rue et avec l'espace urbain revêt une grande importance.
Justement, les architectes portent-ils une responsabilité par rapport à la ville et à la qualité de la vie qu'elle peut offrir aux citoyens ?
Oui, les architectes ont cette responsabilité mais tout autant que les urbanistes et d'autres corps de métier encore. Quand elle a été conçue, la ville de Brasilia au Brésil a tout de suite été marquée par la double signature de l'architecte Meyer et de l'urbaniste Costa. Mais si l'architecte crée son objet en négligeant l'espace urbain, sa responsabilité par rapport à l'harmonie de la ville devient très forte. Comment définir une rue sinon par le dialogue que cet espace urbain tisse avec les différentes façades ? La façade n'appartient pas au propriétaire autant qu'elle est le bien de tous.
A regarder de près l'architecture européenne, on remarque qu'elle présente un discours de rue. Elle est composée de façades, d'alignement d'arbres qui renforcent l'alignement de la rue, de la chaussée et des trottoirs. Dans nos villes nouvelles, les façades ne se rattachent nullement les unes aux autres, les alignements d'arbres dans les cités résidentielles ont disparu, chacun plante l'arbre qu'il veut, à l'endroit qu'il veut, grignotant sur la largeur du trottoir, le privatisant même en le considérant comme une aire de stationnement personnel.
Du coup, on oublie le piéton et son droit de marcher dans la ville…
Effectivement. La place des trottoirs dans une ville est primordiale. Si on les libérait et plantait correctement, les piétons n'investiraient plus la chaussée, provoquant une malheureuse cohue urbaine. Les villes gagneraient en qualité si leurs rues étaient réfléchies et prises en charge de telle sorte que les citoyens s'y épanouissent. Qu'ils puissent y faire de la marche, du jogging, du vélo… Au lieu de s'engouffrer dans des cafés enfumés, on circulerait dans des espaces plus sains. On y consommerait également moins d'essence puisque les gens ne seraient pas obligés d'utiliser leurs véhicules afin de faire la moindre petite course.
Vous qui enseignez à l'Ecole d'architecture, si on vous demandait de donner trois conseils à un jeune architecte, que lui diriez-vous?
Je lui dirais qu'un architecte n'a jamais suffisamment appris. Ce domaine est tellement vaste et en évolution constante… Je l'inviterais aussi, à chaque fois qu'il se trouve face à un nouveau projet à concevoir, à savoir s'intégrer dans le contexte où il se situe. A s'ouvrir sur le vingt et unième siècle tout en cherchant le bon équilibre entre l'authenticité et la contemporanéité.
A prendre également des leçons de l'architecture vernaculaire, qui a su trouver des solutions simples et pleines de bon sens par rapport à l'économie d'énergie: les orientations, la circulation de l'air, la protection contre le soleil, la récupération des eaux pluviales, la création d'un microclimat…Il ne faut pas lire les architectures anciennes au premier degré. Elles sont loin de représenter une simple image!


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.