« Les nouvelles technologies de communication et leur impact sur la création féminine », tel a été le thème de la 17e rencontre des créatrices arabes qui a eu lieu à Sousse, du 18 au 20 avril, dans un hôtel de la place. Par rapport aux sessions précédentes, les participantes étaient peu nombreuses. Leur absence est peut-être due aux contextes assez troubles que vivent certains pays arabes. Mais les invitées qui ont pu faire le voyage, ont bien voulu communiquer à l'audience leurs points de vue d'artistes ou d'universitaires sur l'utilisation de ces nouveaux outils électroniques et informatiques. Elles ont parlé de leurs propres expériences et de leurs réalités qui leur permettent ou pas d'accéder à ces outils pour renouveler leurs pratiques artistiques ou développer leurs intentions esthétiques. Certaines intervenantes ont donné des exemples d'artistes qui se sont emparés de ces outils pour exprimer leurs idées et créer des œuvres intégrant une multitude de médias et mettant de plus en plus en jeu la notion d'interactivité. Dans le but de sensibiliser ses étudiants à l'écriture littéraire, Fatma El Briki, enseignante universitaire aux Emirats Arabes Unis, a choisi d'utiliser Internet, cet espace virtuel dans lequel tous ces jeunes passent la plupart de leur temps. « Je voulais me rapprocher d'eux avec l'outil qu'ils aiment le plus », a-t-elle déclaré. Sa méthode aboutit à des écritures communes, construites comme un jeu de puzzle : un mot en complète un autre jusqu'à la création d'une histoire. Apport et risques du virtuel Hoda Ichkanani du Koweït, quant à elle, a traité le thème de cette rencontre d'un point de vue social. Les femmes de son pays, qui vivent encore sous la domination masculine, trouvent leur compte dans l'utilisation de ces nouvelles technologies. Elles leur permettent de communiquer ensemble, de publier et de partager leurs créations, en utilisant des pseudonymes et en affichant de faux portraits. Ces nouvelles géographies qui attirent de plus en plus de monde, constituent en elles-mêmes une planète entière où l'on parle un langage différent et où les chiffres et les lettres se mélangent pour donner un sens. Dans ces espaces virtuels, l'important est de communiquer, et d'établir le rapport avec l'autre le plus rapidement possible, en faisant fi de toutes les règles d'orthographe et de grammaire. La linguiste algérienne, Anissa Daoudi, de l'université de Birmingham (Grande-Bretagne), a analysé ce langage sans juger ceux ou celles qui l'utilisent. Elle nous a également appris que nombreuses sont les écrivaines arabes qui ont osé l'utiliser pour écrire et s'exprimer. Voulaient-elles être à la page ou étaient-elles tout simplement motivées par le besoin de « faire autrement» et évoluer? D'après Faten Chouba Esskhiri, artiste et universitaire, dont l'intitulé de sa communication était «L'emboîtement matriciel : une poïétique plastique », le monde est devenu transparent grâce à ces nouvelles technologies de communication qui sont le destin de notre époque. Mais elle craint que nous ne soyons en train de transgresser le réel au lieu de nous en approcher. Notre rapport humain au monde se distancie de plus en plus. Qu'adviendra-t-il alors de nos créations ? Faten Chouba confirme ainsi que les liaisons avec ces nouveaux outils sont parfois dangereuses. Ces derniers peuvent, en effet, nous éloigner du réel et de la réalité. Dans les arts, ils peuvent rompre le contact avec le récepteur au lieu de l'installer. S'ils ne sont pas immersifs et personnalisés, ils risquent de se transformer en éléments abstraits, incohérents, inaccessibles, et plus précisément, en des solutions-clé en main à nos problèmes de créativité.