Les rencontres artistiques sont souvent surprenantes. Et retrouver sur les mêmes cimaises, confrontés aux mêmes regards, les univers si fondamentalement différents de Mohamed Hachicha et de Boujemâa Belaïfa, est une expérience intéressante Eux ont choisi de «Vivre Ensemble», selon le thème de l'exposition, et de faire cohabiter deux approches essentiellement diverses, mais qu'unit, et là est le lien, un talent incontestable. Boujemâa Belaïfa est sculpteur d'abord. Un excellent sculpteur que l' on regrette de ne pas voir assez souvent dans nos galeries. Et s'il choisit comme support le raku, c'est en sculpteur qu'il l'appréhende : puissance du geste, sensualité des formes, générosité de la matière. On l'imagine travailler de la même manière le bois, le bronze ou le marbre. Ses personnages sont humains, terriblement humains, faits de chair et de vie, de passion et d'expression. Ils occupent l'espace avec ampleur, déploient leurs corps dans des étreintes, des affrontements, des fusions. La matière choisie suit l'inspiration sans la canaliser, épousant ses débordements, et ses excès. Mohamed Hachicha, gardien du temple Sidi Qacim Jellizi, évolue, quant à lui, dans un tout autre univers: celui du sacré, des zaouias, des saints patrons des célébrations et des processions. Influencé par le contexte dans lequel il évolue et par le cours des évènements, il a choisi de rendre hommage aux mausolées profanés, et au premier d'entre eux, Sidi Bou Saïd, calciné. Mohamed Hachicha est, aujourd'hui, un de nos plus talentueux céramistes. Sa maîtrise des arts du feu, des émaux, des glacis, de l'oxydation et du lustre métallique, donne à son travail la qualité d'œuvre totalement aboutie. Ses recherches de matière se poursuivent néanmoins inlassablement et il introduit, pour cette exposition, la résine qu'il coule dans des moules de silicone pour ses personnages, ou les stèles qu'il présente. L'effet est étonnant et l'alliage avec le raku, entre autres techniques, superbe.