Hamadi Chérif, le maitre de la galerie qui porte en partie son nom Chérif Fine Art, nous surprend à chaque fois en nous proposant des artistes à valeur internationale, comme ce duo Mohamed Hachicha et Boujemaâ Belaifa. Le premier céramiste et le second sculpteur. Dimanche dernier, était le vernissage de leur exposition baptisée « Vivre ensemble ». Mohamed Hachicha, directeur du Centre national de la céramique d'art Sidi Kacem Jelizi, connait mieux quiconque les secrets de cet art millénaire auquel il donne une dimension artistique qui dépasse les frontières artisanales. Ses œuvres sont réalisées grâce à une technique de cuisson de poterie d'origine japonaise qui porte le nom de raku. Ce type de cuisson donne une certaine allure aux objets de formes plates, creuses, cylindriques, circulaires, coniques et rectangulaires. Certaines portent des calligraphies de poèmes de l'époque préislamique. Mohamed Hachicha s'est inspiré des marabouts ayant été ravagés dernièrement par des islamistes radicaux. C'es,t pour lui, une manière de réhabiliter ce patrimoine que d'en faire des représentations. Les motifs ont suivi un traitement traditionnel dans un premier temps puis émaillés et gravés. La calligraphie coufique orne de manière harmonieuse les plats, les sphères et toutes les autres formes d'objets. Les plaques de couleurs émaillées, les lignes droites, courbes ou brisées forment des tableaux singuliers et détournent les objets de leur fonction usuelle pour devenir tout simplement des objets d'art. Mohamed Hachicha allie ainsi technicité et créativité en osant développer de nouvelles approches de cet art. Il le réinvente en utilisant donc le raku qui permet des couleurs vert, jaune et brun, ce qui donne une modernité aux œuvres qui rappellent le passé lointain en même temps le présent contemporain, perceptible tout particulièrement dans les graphismes, les formes et aussi les couleurs. Mohamed Hachicha est allé loin dans la créativité tout comme son complice Boujemaâ Belaifa. Disciple de l'un des pionniers tunisiens de la sculpture Ridha Ben Abdallah, Boujemaâ Belaïfa a choisi en 1969 de quitter La Tunisie pour la France afin de préparer le diplôme de sculpteur à l'Ecole des Beaux-arts de Paris. Au-delà de la sculpture, Boujemaâ Belaïfa multiplie les casquettes. Il est à la fois peintre, dessinateur, enseignant universitaire et artisan de bijoux. Ses sculptures sont de petites dimensions, mais d'une rare puissance. « Minérales et monolithiques elles portent en elles la force tellurique d'un paganisme archaïque, elles irradient d'étrange manière ». Une adaptation poétique et romantique de la matière marque les créations de ce sculpteur qui a réussi à mettre en évidence des matériaux sous une forme polie, lustrée, en courbes et volutes, mais qui restent rugueuses, volcaniques et éruptives. Le matériau chez Boujemaâ Belaifa se donne une nouvelle option, une vie autre transformée, régénérée parce qu'elle respire l'âme de son créateur. L'exposition dévoile une charge émotionnelle qu'il faut impérativement découvrir au plus vite jusqu'au 12 mai.