Mardi dernier, 30 avril, coïncidait avec la célébration de la Journée mondiale du jazz. La Tunisie n'etait pas en reste et la fête a bien eu lieu dans le prestigieux cadre du Palais d'Ennejma Ezzahra. Il y a eu, en premier lieu, une conférence intitulée «Universel Coltrane: l'homme et sa musique», donnée par Michel Delorme, journaliste et critique de jazz, suivie d'un concert assuré par les jeunes musiciens du Collectif du Jazz Club de Tunis. «Le monde se portait un peu mieux parce que John Coltrane en faisait partie», écrivait Charles Lloyd. John Coltrane (1926-1967), grand compositeur et saxophoniste américain, ne se confiait que rarement aux journalistes et avait une certaine défiance à l'égard des mots pour dire ce qu'il exprimait lui-même avec sa musique. «Son calme extraordinaire et son extrême modestie, qui contrastaient avec la force et la détermination de sa musique, donnent à ces entretiens une saveur particulière», nous apprend le journaliste et critique de jazz français Michel Delorme, lors de sa conférence où il a évoqué quelques détails des trois entretiens qu'il a eus avec le musicien dans les années 1960, à l'occasion de ses concerts parisiens. La conférence a été appuyée par la projection d'extraits inédits de quelques concerts de Coltrane, ainsi que par la diffusion audio de quelques airs peu connus de sa musique. Des jeunes qui montent, qui montent... La conférence a été suivie d'un concert d'une grande pureté, assuré par les jeunes du Collectif du Jazz Club qui ont interprété diverses compositions de John Coltrane. L'exercice n'était pas aisé et il fallait une certaine insouciance juvénile ou une belle confiance en soi pour s'attaquer à cet Everest du jazz. Mais quand le talent est à la hauteur des ambitions, on peut se permettre d'oser. Par une précision incisive, un phrasé souple et des rythmes toniques, à la vivacité légère et lumineuse, les solistes au piano, aux guitares, au saxophone et à la batterie ont su provoquer l'adhésion chaleureuse du public. On a pu apprécier des compositions de John Coltrane où les instruments des jeunes musiciens formaient un dialogue harmonieux, surtout entre les guitares de Jihad El Bedoui, Aymen Attia et Berhouma Wassim et la batterie de Nafaa Allam. Des sonorités vibrantes, foisonnantes de spiritualité et de vie ont charmé par leurs nuances, leurs couleurs chatoyantes, l'énergie dévorante qu'elles ont dégagée, le phrasé toujours lisible et par le sens de l'élégance, généreusement partagé. Les musiciens ajoutèrent leur vitalité expressive personnelle aux morceaux exécutés, ce qui n'était pas de trop. Les guitares parvenaient toujours à donner de l'élan et de la poésie à la composition. Le saxophone a apporté une belle intensité à l'ensemble des mouvements, parvenant à communiquer une sonorité voluptueuse et sensuelle. Le jeu d'ensemble était précis et bien accordé. Le pianiste a fait montre d'une technique éblouissante. Toujours très attentif au jeu de ses partenaires, il a assuré un rôle de lien et de présence aussi vigilante qu'expressive. La musique s'enchaîna, alors, avec cohérence et souplesse, tantôt chatoyante et dynamique, tantôt lyrique. Un concert agréable où le jazz a été rendu avec un bel équilibre, dans un jeu maîtrisé et subtil.