Les événements terroristes de Jebel Chaâmbi mettent à nu nombre d'incuries sécuritaires. C'est on ne peut plus évident. On a annoncé hier que 37 individus en liaison avec le groupe terroriste de Chaâmbi ont été arrêtés. Maigre bilan. Sachant que le groupe de terroristes se composerait de vingt individus, dont 11 Algériens et 9 Tunisiens. Les autorités avaient bien annoncé que les membres du groupe terroriste étaient traqués depuis décembre 2009. Cinq mois pour aboutir à cela, cela laisse perplexe et pantois. Le Jebel Chaâmbi fait partie de la série de onze montagnes formant la fameuse Dorsale tunisienne. Culminant à 1.544 mètres, le point le plus élevé du pays, le Jebel Chaâmbi est presqu'une île. C'est dire qu'il pouvait être isolé d'emblée afin d'éviter les infiltrations des terroristes dans ses pliures. Ses quelque 260 grottes et cavernes sont connues et répertoriées. Elles sont périodiquement visitées. Il y a quelques années, quelqu'un avait préconisé de les boucher. Cela fut refusé pour motifs environnementaux, de protection de la faune et de la flore. Plusieurs espèces rares de chauve-souris notamment y ont élu demeure depuis l'aube des temps. Le Jebel Chaâmbi pouvait par ailleurs être isolé. En sa qualité de point le plus élevé du pays, il pouvait être déclaré zone militaire d'accès interdit, du moins partiellement. Sa face ouest, la plus abrupte et farouche, fait face à l'Algérie. Les voies de ravitaillement avec les éléments terroristes complices dans le Kasserinois et ailleurs pouvaient être aisément repérées et mises à mal. Autres incuries, structurelles cette fois : le département de la sécurité du territoire a été dissous au lendemain de la révolution. Au grand bonheur des terroristes de tout poil qui se sont avisés depuis d'entrer et de ressortir du pays comme dans un moulin. La Direction générale des services spécialisés comprenait notamment la Direction des renseignements généraux, la Direction de la prévention antiterrorisme, la Direction de sûreté de l'Etat, la Direction de la sécurité extérieure et des frontières en plus d'autres directions. La Direction antiterrorisme est une structure opérationnelle dirigeant les trois brigades d'intervention de la police tunisienne. Fondées en août 2007, elles sont destinées à la lutte contre les menaces armées. L'unité des commandos de la Sûreté nationale ainsi que l'unité d'intervention rapide de la Sûreté nationale ont fusionné au profit de la Brigade nationale d'intervention rapide (BNIR). Les artificiers et démineurs de la Brigade antiterrorisme (BAT) sont détachés pour créer une brigade indépendante, la Brigade nationale de détection et de neutralisation d'explosifs (Bndne). Une nouvelle structure a été formée à partir de ces trois brigades (BAT, BNIR et Bndne) au sein de la Direction générale des unités d'intervention de la Sûreté nationale : la Direction des unités antiterrorisme. Plusieurs observateurs se sont interrogés, à bon escient, «mais où sont ces brigades et unités ?». Est-il concevable qu'une semaine après le lancement de la traque des terroristes dans le Jebel Chaâmbi des mines antipersonnel aient encore explosé avant-hier ? N'est-il pas aberrant de procéder au dépistage des mines antipersonnel via le pilonnage au mortier ? Certains nous disent que la BAT ne peut intervenir que dans les villes et les prises d'otages. Soit. Mais c'est un peu comme empêcher un agent de la circulation d'intervenir contre un viol qui a lieu sous ses yeux. Aux Etats-Unis d'Amérique, il y a bel et bien 1.271 agences gouvernementales et 1.931 compagnies privées en charge de la lutte contre le terrorisme. Près de 850.000 Américains possèdent une security clearence niveau top secret. Près de 10.000 bâtiments et bases sécrètes assurent la sécurité du pays. Pas moins de 51 agences fédérales traquent le financement des réseaux terroristes. Chez nous, on ferme tout simplement les directions du renseignement antiterroriste, et on réduit des troupes aussi valeureuses que la BAT à faire de la figuration. En attendant que l'Etat s'effondre.