La loi antiterroriste doit être maintenue Les prédicateurs que nous invitons sont des messagers de paix Nous sommes prêts à revoir certaines nominations La loi sur l'immunisation peut être révisée En l'absence du secrétaire général du parti Hamadi Jebali, Ennahdha a tenu hier à la cité Ettahrir une conférence de presse dans laquelle le président du mouvement, Rached Ghannouchi, s'est exprimé sur les principaux sujets de la vie politique et à leur tête les graves évènements de Châambi, actualité brûlante du moment qui embarrasse le parti au pouvoir et scandalise l'ensemble de la classe politique. Tout en continuant à les qualifier affectueusement de «nos enfants», le «Cheikh» et son parti prennent visiblement leurs distances avec les salafistes qui rappelaient au président d'Ennahdha sa jeunesse passionnée. Rached Ghannouchi, condamne au nom du parti, les «crimes perpétrés par un groupe terroriste au mont Châambi» et déplore que ces actes surviennent à l'heure où la transition démocratique trouvait enfin sa vitesse de croisière. «La Tunisie n'est pas une terre de djihad, j'invite les jeunes à éviter les fatwas douteuses qui pervertissent les valeurs islamiques», dit-il. Preuve de cette démarcation avec les mouvements extrémistes, Rached Ghannouchi se prononce en faveur du maintien de la «loi antiterroriste» controversée en raison de son caractère potentiellement «liberticide». «La loi antiterroriste sera désormais dirigée contre les terroristes et non contre le peuple comme cela se faisait du temps de Ben Ali», explique-t-il, et ira même jusqu'à citer comme un exemple à suivre, la sanglante intervention des forces de sécurité algériennes lors de la prise d'otages de In Aminas. Défendant un gouvernement accusé de laxisme envers les groupes extrémistes, il rappelle que les autorités tunisiennes ont été fermes à chaque fois que la situation le nécessitait et notamment lors des évènements de Rouhia, de Bir Ali Ben Khlifa ou encore lors de l'agression contre l'ambassade des Etats-Unis. Toutefois, Rached Ghannouchi continue à défendre les prédicateurs salafistes qui arrivent en Tunisie, et les qualifie de «messagers de la paix » capables plus que d'autres à faire face au terrorisme car ils parlent dans un registre religieux» à même de convaincre les jeunes avec lesquels le dialogue reste ouvert. D'un autre côté, le président du mouvement Ennahdha ne manque pas de lier la montée du phénomène terroriste avec le développement économique en faisant un clin d'œil à la fois au gouvernement pour qu'il accélère la cadence des projets de développement et aux syndicats pour qu'ils évitent de bloquer des secteurs aussi stratégiques que la production de phosphate. «Le blocage de certaines activités stratégiques dans le pays incite indirectement au terrorisme», renchérit-il. Et comme pour lever toute équivoque, le communiqué officiel de la conférence de presse précise que «le pays se dirige à pas fermes vers la finalisation de la constitution et l'organisation des élections législatives et présidentielles avant la fin de l'année». La légitimité électorale ne suffit pas Le communiqué officiel souligne la nécessité d'une «unité nationale» pour protéger le pays et «bâtir la république et la réformer en dépit d'un lourd héritage». D'ailleurs, Rached Ghannouchi admet qu'en période de transition démocratique, le consensus est nécessaire comme complément de la légitimité électorale et non comme substitut, comme le réclament certains. Il ajoute dans le même sens que l'Ugtt est un interlocuteur incontournable qui guidera sans doute la deuxième phase du dialogue national dont la première phase sera bientôt terminée. En signe d'ouverture, le «Cheikh» n'a pas écarté la possibilité de revoir certaines nominations dans le cadre de la commission de la Troïka chargée de définir les politiques et réviser les nominations. Interpellé par les journalistes sur la loi dite «d'immunisation de la révolution», Rached Ghannouchi esquisse un sourire en rappelant la facilité avec laquelle une loi semblable en Libye est passée. Tout en s'attachant au principe, il émet l'éventualité d'une révision du projet de loi ou son intégration dans la loi relative à la justice transitionnelle.