Diverses défaillances procédurales et un inventaire incomplet Primes superflues, cumuls de salaires, heures supplémentaires en sus, contrats non enregistrés avec certains fournisseurs, campagne de sensibilisation à 3,5 millions de dinars non justifiée et des dettes de l'ordre de 7,2 millions de dinars sur un total de dépenses de 42,2 millions de dinars. Les résultats du contrôle financier de la Cour des comptes en disent long sur la mauvaise gestion même si, en les présentant, l'équipe des juges n'a pas voulu dresser un bilan d'infractions, plutôt on a parlé de «défaillances» et d'«anomalies»... C'est finalement hier que la Cour des comptes a communiqué son rapport relatif aux résultats de contrôle des opérations financières de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), et ce, après l'avoir adressé aux trois présidences. Le premier président de la Cour des comptes, Abdelkader Zgolli, a indiqué, hier dans sa présentation des grandes lignes de ce rapport lors d'une conférence de presse, que le travail de la Cour des comptes a été effectué loin de tout tiraillement politique ou autres commentaires accompagnant les travaux de l'Isie. Il a, aussi, insisté sur la neutralité et l'objectivité de ce travail de contrôle qui a pris en compte le cadre juridique régissant les travaux de la Cour des comptes et les critères professionnels adoptés par l'Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques. Cependant, Zgolli a indiqué que les textes de lois délimitant les procédures et les péripéties du travail de contrôle de la Cour des comptes sur les opérations financières de l'Isie «ne couvraient pas la totalité des conditions de précision et de clarté, ce qui a obligé la Cour des comptes à entreprendre un travail d'interprétation pour s'assurer de la bonne gouvernance de l'argent public mis à la disposition de l'Isie». Le premier président de la Cour des comptes a estimé que le travail de l'Isie a comporté des points positifs en tant que première expérience démocratique en Tunisie mais aussi des défaillances, notamment «la dépense facile». Evitant le terme infractions et optant pour «anomalies», le rapport a relevé plusieurs défaillances, notamment la non-fourniture de la totalité des documents en relation avec l'exécution du budget ainsi que le défaut d'un inventaire complet. Dépenses non justifiées, emplois fictifs et autres infractions Selon le rapport de la Cour des comptes, les dépenses globales de l'Isie ont été de l'ordre de 42,2 millions de dinars dont 20,7 alloués aux salaires et primes et 21,5 dépensés pour l'octroi d'équipements et matériaux ainsi que pour les divers services. La part du lion dans ces dépenses a été allouée à la formation, au scrutin et au tri, avec 11,388 millions de dinars. 37 millions de dinars proviennent de la caisse de l'Etat. Alors que l'Isie a bénéficié d'aides en nature de la part de certaines institutions étatiques et d'ONG, dont seulement une partie a été inscrite dans les listes de dépenses (418 mille dinars). D'autre part, plusieurs dépassements d'ordre administratif et financier ont été signalés dans le rapport. Ils vont de la non-désignation d'un commissaire aux comptes au sein de l'équipe chargée du contrôle interne à l'Isie à la non-fourniture de tous les documents relatifs à l'exécution du budget à cette même équipe de contrôle, au cumul de salaires, de fonctions incompatibles, emplois fictifs, absence du principe de concurrence dans la sous-traitance de certains services, et jusqu'à l'absence de contrats pour certaines sous-traitances de services et bien d'autres infractions concernant la non-remise d'un bon nombre d'équipements. Zgolli a affirmé qu'un certain flou a accompagné le décret numéro 27 du 18 janvier 2011, donnant lieu à la création de l'Isie, et ce, notamment quant à la nature de cette instance et celle du système de contrôle financier qui s'applique à elle. «Certes, il y avait un souci de la part du législateur de lui donner une certaine flexibilité en matière de gestion et d'administration, cependant l'indépendance ne peut être dans le vague. Certaines règles générales de contrôle financier et de comptabilité doivent être respectées même si c'est une indépendance administrative et financière qui ne doit pas être régie par le système de gestion des finances publiques. Les principes de la bonne gouvernance et la bonne gestion ne changent pas et ils sont sujet de consensus national et international, plutôt ils sont proches des sciences exactes. Aussi, il y a des valeurs morales à respecter et c'est de là que la Cour des comptes a, par exemple, décidé de récupérer les salaires touchés par certains membres de l'Isie de leurs administrations publiques notamment, alors qu'ils touchaient aussi des indemnités et des primes importantes valorisées selon leurs salaires initiaux... Je peux dire que c'est une occasion de rectifier ce qui doit l'être dans le cadre juridique régissant la prochaine Isie avant l'entame de son travail pour éviter les défaillances enregistrées dans le travail de l'actuelle», a conclu le premier président de la Cour des comptes, Abdelkader Zgolli. Le rapport de la Cour des comptes tel que présenté hier, pas en détails, laisse présager une multitude de réactions par rapport au travail de l'Isie. Aujourd'hui même, une première réaction, celle de l'Isie elle-même...