Tout comme les autres pays du globe, la Tunisie a célébré, hier, la Journée mondiale de l'environnement, sous le signe de la responsabilité collective et partagée. Une journée qui coïncide, cette année, avec la finalisation de la dernière mouture du projet de constitution, consacrant le droit à un environnement propre et sain, en tant que partie intégrante des droits de l'Homme universels. A cette occasion, M. Mohamed Salmane, ministre de l'Equipement et de l'Environnement, a donné, hier matin, une conférence de presse pour faire le point de la situation dans ce domaine. Aussi névralgique soit-il, cet état des lieux déjà dégradé continue à empirer de plus en plus, en l'absence totale d'une volonté politique de réforme et en raison de l'esprit de laisser-aller des citoyens. En fait, tous les voyants ont viré au rouge, faisant montrer les signes avant-coureurs d'inévitables menaces biologiques et épidémiques si aucune mesure préventive n'est entreprise, à temps. Trop-plein de chiffres Dans son exposé sur les principaux indicateurs de 2012 et les priorités environnementales de l'année en cours, le ministre a avoué que les événements et les protestations sociales survenus dans une conjoncture révolutionnaire ont dû porter atteinte aux écosystèmes naturels et marins, devenus beaucoup plus fragilisés et sujets à des activités humaines abusives. Selon les dernières statistiques, l'on enregistre annuellement 2,2 millions de tonnes d'ordures ménagères et assimilées et quelque 150.000 tonnes de déchets industriels qui ont altéré l'image du paysage urbain et infecté la qualité de la vie dans les villes et les quartiers populaires. Pis encore, les systèmes de collecte, de transport et de traitement de ces déchets jetés pêle-mêle font parfois défaut, faute de moyens matériels et techniques manquant à la plupart des collectivités locales. Sachant que les coûts d'exploitation des décharges contrôlées ont été estimés à 35 millions de dinars par an. D'ailleurs, le ministre a indiqué que les vagues de protestation et de sit-in qui avaient sévi largement après la révolution ont causé la fermeture de plusieurs décharges à Jradou, Guellala, Ksour Essef et à Mornag. Pour les rouvrir, il sera procédé à des négociations avec les habitants et les représentants de la société civile concernés, en coordination avec le ministère des Domaines de l'Etat, afin de résoudre certains problèmes fonciers s'y rapportant. D'après lui, la bonne gestion des déchets impose l'extension de la capacité de traitement (73% actuellement) et le réaménagement d'un certain nombre de décharges anarchiques couvrant les gouvernorats de Nabeul, du Kef, Siliana, Jendouba, Monastir et de Gabès. D'autant plus qu'une stratégie de gestion durable de déchets est envisagée, alors que des interventions urgentes auront lieu, au cours de ce mois, dans la gestion des déchets de construction, avec une enveloppe de 3,5 millions de dinars au profit du Grand-Tunis, Nabeul, Gafsa et des régions du Centre-Ouest et du Sud. Bien qu'il ait à son actif 110 stations d'épuration et plus de 15 mille kilomètres de canalisations d'eaux usées, à travers 749 stations de pompage, le réseau d'assainissement urbain et rural laisse encore à désirer. L'eau, la terre et les hommes La protection des ressources naturelles est aussi une question qui n'est pas de moindre importance. La rareté des eaux, sous l'impact des changements climatiques, se pose en défi majeur aussi bien pour les générations actuelles que futures. Aujourd'hui, nos réserves hydriques, à raison de 450 m3/habitant par an, sont jugées en dessous du seuil de pauvreté hydrique, alors estimée à 500 m3/habitant par an. Volet mobilisation, 91% de ces ressources sont qualifiées d'exploitables, dont 76% sont excessivement consommées par le secteur agricole. Par ailleurs, l'érosion hydrique, aux côtés des inondations et de l'expansion urbaine, a contribué annuellement à la perte de près de 20 mille ha de terres productives. Ainsi s'illustrent les caprices de la nature. De même pour la biodiversité. La richesse des zones protégées en faune et en flore n'est que l'arbre qui cache la forêt. Jusqu'à nos jours, l'homme n'a guère su se concilier avec son environnement. Ses activités de développement ne sont jamais compatibles avec les exigences naturelles. Et c'est là que le bât blesse. Car environnement et développement vont de pair. Sur les côtes, la situation n'est pas meilleure. Ce milieu, comme l'a présenté le conférencier, fait l'objet de pressions et de contraintes d'ordre démographique, industriel et touristique. Ce qui s'est répercuté sur la sauvegarde du domaine maritime public et privé, enregistrant 320 infractions en 2012 dues aux constructions anarchiques. Et d'ajouter que 400 km du littoral sont menacés par l'érosion marine. Dans la foulée, le ministre a abordé la propreté des plages, soulignant que le programme de tamisage du sable profitera à une centaine de plages dans toutes les régions côtières, sur 117 km. L'enlèvement des algues concernant 13 plages débutera à partir du mois prochain. La dépollution industrielle est l'un des phénomènes qui remontent à bien des années. Le phosphate du bassin minier, le golfe de Gabès, la sebkhat de Séjoumi, le lac de Bizerte et la cellulose de Kasserine constituent unanimement des sources de nuisance à éradiquer. Leurs impacts sont tels qu'ils pèsent sur la santé de l'homme et la nature. Face à ces problématiques environnementales, les efforts seront concentrés sur le renforcement des programmes de gestion des ressources naturelles et hydriques, la lutte contre la pollution en milieu urbain et rural, la coordination avec les collectivités locales, en approche participative avec les habitants et la recherche des financements susceptibles d'éradiquer les poches de pollution.