Voici sans conteste l'une des expositions les plus originales et les plus enrichissantes de la saison. A l'espace Sadika, tout amateur d'art trouvera sa part de bonheur, rien qu'en effleurant du regard les centaines d'œuvres exposées dans les trois salles de la galerie : peintures sur divers supports, photographie, céramique, cuivre émaillé, installations, ver soufflé ou martelé, sculptures... Baptisé «AnouArtounès» (lumières de Tunisie), ce forum d'art pluriel et actuel est un événement culturel exceptionnel dont le programme comporte, également, musique et spectacles. Il a été organisé par Mohamed Chalbi, lui-même artiste plasticien et animateur de l'espace Aire libre d'El Teatro. Une fort belle aventure où talents tunisiens et étrangers se sont rencontrés dans la passion et la différence. Des personnalités et des techniques, très différentes, ont conféré à cette exposition un grand intérêt tant visuel que culturel. A mi-chemin entre la spiritualité et les connaissances, leur travail propose une rencontre au-delà du temporel. C'est ainsi qu'on y retrouve l'énergie de Mourad Harbaoui, la sobriété d'Olivier Derelevoy, la construction et l'analyse de Nadia Zouari, la densité de Kaouther Darghouth, l'intégrité de Nejib Belkhodja, l'originalité et la réflexion de Michela Margherita Sarti qui nous plonge dans son univers gothique, la beauté de la sculpture de Najet Guermessi et la richesse chromatique et émotionnelle de Bady Ben Naceur. Et la liste est bien longue... Reconstruction d'une humanité fragile Des œuvres aux multiples facettes où l'humain occupe une place importante et recouvre sa force vitale, où l'émotion prend vie, sous la forme de figures différentes : tantôt acérées pour exprimer la colère et la révolte, tantôt douces et plutôt arrondies pour projeter et aspirer à des moments de quiétude. Chaque toile est un fragment de vie qui laisse toute latitude à ceux qui la contemplent de l'interpréter à leur guise. Fer ciselé, sculptures en bois, en bronze et en verre, les travaux exposés ne laissent pas indifférent. Ils interpellent par leur originalité et leur subtilité et nous donnent l'impression qu'une vérité se dégage de ces structures, nous incitant à forger, à notre tour, notre propre sculpture intérieure. Baudelaire ne disait-il pas que nous devons «contempler des ouvrages d'art non pas dans leur matérialité, facilement saisissable, mais dans l'âme dont elles sont douées»? Aux techniques différentes, s'accompagnant d'une créativité tendre et séduisante à la fois, les sculptures en métal nous propulsent dans un monde où la matière et l'esprit s'unissent dans un mariage réussi. Côté peintures, les couleurs vibrent au sein des formes, s'agitent, se côtoient, se mélangent parfois, faisant ainsi naître les couleurs sous-jacentes de l'être. Celles que l'on ne perçoit pas ordinairement, celles qui reflètent notre subconscient. Une nouvelle reconstruction —sous une autre forme et au cœur d'un même ouvrage— d'une humanité fragile et éparse. L'œuvre achevée n'est-elle pas le parfait symbole de la réconciliation avec la vérité larvée qui est en chacun de nous? Plus qu'un message idéologique, l'œuvre d'art délivre et dévoile précisément cette vérité que nous ne pouvons qu'associer au mot liberté. Ce sont là la vocation et tout l'intérêt de cette manifestation qui se poursuivra jusqu'au 22 juin.