Après le spectacle d'ouverture, assuré mardi dernier par la chanteuse jordanienne Makadi Nahas, les Rencontres internationales de musique alternative de Carthage (Mousiqa Wassalem) ont enchaîné, avant-hier, avec une deuxième soirée où le public est venu découvrir le jeune violoniste et compositeur tunisien Jasser Haj Youssef, ainsi que Alif Ensemble. Le premier fut une réelle découverte. Derrière ses allures timides se cache un musicien créatif dont les mélodies sont, à l'évidence, composées avec un grand soin, puisant dans les répertoires qui lui sont chers, à savoir les classiques universels, la musique orientale et traditionnelle, ainsi que le jazz. Et quand ces registres s'entremêlent, cela donne naissance à un produit métissé, comme c'est le cas de son dernier album, Sira (parcours), dont il a interprété plusieurs morceaux, accompagné d'un pianiste, d'un batteur et d'une contrebassiste. Le premier titre, intitulé Frigua, a annoncé la couleur panachée de son programme. Le violon était pour Jasser Haj Youssef comme une extension de son âme et de son corps. Il le caressait parfois, le chatouillait d'autres, l'amenant à céder aux désirs de son maître, au point qu'avec le dernier titre, l'instrument y a laissé une corde. Ce morceau, écrit par Jasser Haj Youssef alors qu'il avait 19 ans, a été, avant-hier, interprété pour la première fois sur scène. Les solos, pleins de justesse, ont servi de prologue à des pièces, dont une suite en quatre parties, inspirée de l'œuvre de Bach. Quant aux mélodies à dominante jazzy, elles ne sont jamais allées sans un zeste de rythmes orientaux, servis par le violon du compositeur qui a, souvent, pris les commandes, se mettant en avant, ou s'éclipsant quand il le fallait. Le quartet s'est retiré, ovationné par le public, cédant la place à l'ensemble Alif. Musique de laboratoire ? Le luthiste irakien Khayam Allami est monté sur scène pour annoncer l'arrivée de l'ensemble Alif, en expliquant que ce projet musical est né d'un workshop organisé en 2012 en Angleterre. Ce concert inaugure une tournée pour l'ensemble, a-t-il encore ajouté. Ce projet, comme présenté par le luthiste, est basé sur une recherche et un rapprochement entre les instruments orientaux et la musique électronique. Ces deux éléments viennent habiller la poésie de l'Irakien-syriaque Sargon Boulus et du Palestinien Mahmoud Darwish. Au chant, on retrouve Tamer Abu Ghazaleh qui était l'un des invités de la première édition de Mousiqa Wassalem. Avec l'ensemble Alif, le projet musical de ce compositeur-interprète semble plus poussé dans la recherche de rares alliages entre les paroles et les sons. Bien qu'il soit très bien pensé, le résultat ressemble davantage à de la musique de laboratoire à laquelle il manque une âme, où l'alchimie entre les ingrédients semble ne pas avoir opéré. Les textes choisis varient entre des hymnes à l'amour, comme Intadhirha (attends-la) de Darwish et des réflexions sur la condition humaine, portant comme titre Hounalika maouta (il y a des morts) ou encore Saqata Arrajoulou (l'homme est tombé). Pendant que l'ensemble Alif présentait son programme, l'esplanade du musée de Carthage a commencé à se vider. La soirée fut longue mais, tout compte fait, riche en découvertes.