Une grande exposition multidisciplinaire rassemble des artistes de la Méditerranée autour de l'épineuse question du genre masculin -féminin en Mare nostrum. D'abord le musée ! Une pure merveille architecturale. Il porte le nom de Mucem (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée). Construit à l'occasion de «Marseille capitale de la culture», il vient d'ouvrir ses portes, démarrant avec cette immense exposition qui s'étendra sur six mois. Ce bâtiment, situé à l'entrée du Vieux-Port de la Cité phocéenne, au pied du Fort Saint-Jean, est l'œuvre de l'architecte Rudy Ricciotti. Son implantation, sa relation avec le site — la mer, les collines, le ciel, le port et le fort —, la poésie de sa voilette noire, le plaisir de la promenade offerte, font de ce bâtiment une très belle histoire. Le Mucem ouvre donc son cycle de vie sur un des sujets les plus polémiques, les relations de genre en Méditerranée sous le titre «Au Bazar du genre». L'exposition ne tranche rien. Elle retrace un mouvement d'émancipation à travers des documents parfois amusants, toujours intéressants. Elle raconte aussi comment les genres assignés sont contestés par les uns et les autres. «On a essayé de se faire l'écho des débats les plus contemporains, mais aussi des profondes évolutions qui travaillent les individus dans leur part la plus intime, et les sociétés dans ce qu'elles n'ont de cesse de vouloir contrôler: les sexualités», dit Bruno Suzzarelli, président du Mucem. L'exposition est ambitieuse, donnant l'expression à toutes les disciplines (cinéma, vidéos, sculpture, peinture, photographie etc.), mais aussi à l'ethnologie, à l'histoire et à la sociologie. Résultat : un état des lieux stimulant qui éclaire les fondements de l'ordre des sexes, ainsi que les mutations, les différences et les similitudes qui s'observent aujourd'hui, en Méditerranée. On apprécie «Nana boule sans tête», cette sculpture de Niki Saint Phalle qui est une critique virulente du statut de la femme sans tête, à qui on dénie le droit de penser, une dénonciation de l'idée de femme-objet réduite à un tronc. Mais elle peut être vue a contrario comme une figure mythique qui tire toute sa force de son ventre, symbole de sa puissance créatrice. On se souvient encore de cette vidéo d'une femme retirant un à un les 26 voiles qui enferment son visage, tous plus beaux les uns que les autres, tous enroulés avec une gestuelle singulière. On ne retiendra pas non plus un rire surpris devant l'hymenshop.com, un site de vente en ligne d'hymens artificiels par lots. On aime aussi «le fauteuil à coup de foudre» de Philippe Ramet, une installation d'un fauteuil où un homme et une femme peuvent s'asseoir autour d'un paratonnerre et attendre, sans se toucher, le «coup de foudre». L'originalité de cette exposition tient aussi de la coloration de son propos qui rassemble plusieurs tons : grave, léger, humoristique, fantaisiste, émouvant ou poussant carrément à l'indignation.