Face aux commentaires provoqués par les documents fuités des services de sécurité, un communiqué officiel a été publié. Il dénonce... Mais occulte aussi ! Vendredi soir est tombé, sur la page officielle Facebook du ministère de l'Intérieur, et en langue française, un communiqué relatif à des documents fuités qui ont circulé sur les réseaux sociaux. Ces documents avaient été révélés au public par un collectif constitué après la mort du député Mohamed Brahmi : l'Initiative nationale pour la recherche de la vérité sur l'assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi (IRVA). Ils laissent peu de doute sur le fait que les services de sécurité étaient au courant des menaces de mort qui pesaient sur la personne de Mohamed Brahmi. En effet, des données émanant de services de renseignements étrangers — la CIA pour être plus précis — faisaient état de telles menaces. Rappelons par ailleurs que le ministre de l'Intérieur, M. Lotfi Ben Jeddou, n'a pas nié l'existence de ce document daté du 14 juillet, soit 11 jours avant l'assassinat. Il a déclaré à ce propos que le document en question ne lui était pas parvenu. De toute façon pas «en temps opportun»... Qu'il était donc resté au niveau de la Direction générale de la sécurité. Le ministre avait fait une déclaration à ce sujet après une rencontre avec Mustapha Ben Jaâfar, vendredi dernier. Il y précisait que «rien ne certifiait le bien-fondé de la notification de l'alerte du 14 juillet» et, d'autre part, que «d'autres alertes se sont avérées fausses»... Dans le même temps, cependant, il indiquait qu'il avait ordonné l'ouverture d'une enquête sur les «raisons du retard» pris par la Direction de la sécurité publique pour vérifier le bien-fondé de l'alerte. Une initiative qui constitue l'aveu implicite d'une défaillance, au sujet de laquelle certains se demandent d'ailleurs si elle est suffisante : ne faudrait-il pas une enquête parlementaire ? Mais passons ! Le communiqué du ministère réagit visiblement à des commentaires sur les réseaux sociaux laissant entendre que la négligence n'était pas innocente. Qu'elle cachait peut-être une forme de complicité... Il appelle les citoyens à laisser l'institution sécuritaire en dehors des tiraillements politiques. Le texte évoque aussi son «droit au recours à la poursuite judiciaire contre toute personne qui veut porter atteinte à l'intégrité de l'institution ou des agents des forces de l'ordre» : ce qui vise plus particulièrement les auteurs de la fuite. Il est indéniable que l'institution sécuritaire se trouverait fragilisée dans son mode de fonctionnement si la loi du secret n'était plus respectée. Le ministère a tout à fait raison de s'inquiéter d'une tendance à enfreindre cette loi, aussi bien par certains de ses propres agents que par certaines personnes qui les y incitent de l'extérieur. Toutefois, face au scandale de ce que révèlent les documents fuités, il s'agit de savoir garder le sens de l'essentiel... Et l'essentiel, c'est que des négligences peuvent avoir lieu dans l'institution sécurtitaire sans que personne ne puisse les relever à temps, alors même que leurs conséquences peuvent être tout simplement catastrophiques. Bref, le communiqué du ministère de l'Intérieur comporte des propos fort pertinents sur bien des points. Mais la question est la suivante : face à la gravité de ce qui est révélé, n'est-il pas un nouveau visage du scandale, en ce qu'il cherche à faire diversion par rapport à l'essentiel ? Disons en tout cas que la question se pose.