Notre confrère accueilli par les «siens» à sa sortie de prison. En détention depuis vendredi dernier à la prison d'El Mornaguia, le journaliste Zied El Héni a été libéré hier, à 13h00, après le paiement d'une caution de 2000 dinars. Le Snjt (Syndicat national des journalistes tunisiens) et l'Ugtt ont tenu à payer la somme exigée, malgré le mouvement de solidarité de la société civile. Cela à travers l'organisation d'une collecte pour amasser le montant de la caution. Une citoyenne activiste, Raja Tabeï, a lancé un appel afin que chaque citoyen, «dans un geste symbolique, fasse don d'une pièce d'un dinar». L'épouse de Zied El Héni ayant refusé de payer la caution, considérant cette décision comme «une humiliation d'autant que son époux a été arrêté et incarcéré de manière illégale et abusive». Poursuivi en justice par le procureur de la République près le tribunal de première instance de Tunis, Tarak Chkiwa, et ce pour diffamation, propagation de fausses informations et atteinte à un fonctionnaire de l'Etat, le journaliste a fait l'objet d'un mandat de dépôt, vendredi dernier, et a été incarcéré sans avoir été auditionné par le juge d'instruction du 10e bureau qui a refusé également d'entendre les avocats de la défense. La libération provisoire sous caution de 2.000 dinars n'a été effective qu'hier après le paiement de la caution, l'administration et la recette des finances étant fermées le week-end. Devant la prison d'El Mornaguia, un grand nombre de journalistes, de figures politiques et de la société civile attendaient la sortie du journaliste. «Pas de retour en arrière sur la liberté d'expression» Une fois dehors, il a été chaleureusement accueilli par la foule. Sous les flashs des appareils photos, les projecteurs des caméras, il a notamment martelé dans une déclaration que «tous les procès du pouvoir en place n'y feront rien parce que les journalistes continueront à remplir leur tâche consistant à informer l'opinion publique et qu'il n'y aura pas, de ce fait, un retour en arrière concernant la liberté de la presse et d'expression, un acquis de la révolution». Et de poursuivre : «Le gouvernement a "décrété" le vendredi jour noir pour la presse et les médias, mais j'estime au contraire que c'était là une journée d'éclaircie extraordinaire qui a démontré la solidarité des journalistes et leur unité autour des principes sacro-saints de la liberté d'expression et de la parole». Il a fini, enfin, par remercier l'ensemble du secteur et tous les syndicats, organisations et figures politiques qui l'ont soutenu, notamment le Snjt, l'Ugtt, la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (Ltdh) ainsi que toutes les composantes de la société civile. Tous les présents se sont, ensuite, dirigés vers La Kasbah, place du gouvernement, où Zied El Héni a été chaleureusement accueilli par ses confrères journalistes et autres citoyens qu'il a vivement remerciés pour leur soutien. «La liberté de la presse : une citadelle imprenable» Direction, enfin, le Belvédère au siège du Snjt où Zied El Héni, très ému, a donné une conférence de presse, déclarant en substance : «Je suis fier d'appartenir au Syndicat national des journalistes tunisiens et à un pays où, dans un geste de solidarité et de soutien, de nombreux citoyens ont tenu à faire des dons pour réunir le montant de la caution exigée. J'ai appris que des enfants ont cassé leurs tirelires pour participer à cette opération de don. Ce mouvement de solidarité a montré que la liberté de la presse et d'expression constitue une citadelle imprenable sur laquelle se sont brisés les rêves de ceux qui veulent réinstaurer coûte que coûte la répression et la dictature. Car bâillonner les journalistes et la presse c'est bâillonner le peuple». Concernant son affaire en justice, il a souligné : «contrairement au communiqué du ministère de la Justice affirmant sa non-ingérence dans la justice, je persiste et signe que cette affaire est sortie des bureaux de ce ministère. A preuve : c'est le procureur général qui a fourni le dossier au procureur de la République qui est derrière toutes les poursuites des journalistes devant la justice». Enfin, évoquant les conditions de son incarcération durant les trois journées qu'il a passées en prison, Zied El Héni a affirmé: «Je me suis bien reposé, mais j'ai découvert les conditions catastrophiques du système carcéral, la souffrance des prisonniers et l'injustice qu'ils subissent».