Il reste à savoir pourquoi le juge d'instruction s'est rendu au domicile du prévenu, sans autorisation préalable Auditionné par le juge d'instruction, hier à Tunis, l'homme d'affaires Kamel Letaief, accusé d'être derrière un complot contre la sûreté de l'Etat, a été maintenu en liberté. Il y a lieu de rappeler que Kamel Letaief est accusé de conspiration visant l'ordre public, suite à une plainte déposée par l'avocat Chérif Jebali. Ce dernier avance comme preuves des listings téléphoniques entre le prévenu et des personnalités politiques et sécuritaires et exige de le poursuivre en justice. Mais ladite affaire continue de nourrir l'actualité. C'est que le prévenu aurait heurté un agent de police lors de l'exécution du mandat d'amener émis à son encontre. Accusation réfutée par son avocat Nizar Ayed, qui a précisé que l'enregistrement des caméras de surveillance placées au domicile de son client atteste de son innocence. S'attardant sur les accusations portées contre son client par l'avocat Cherif Jebali, Nizar Ayed fait remarquer que les sms relatifs à des opérations terroristes qu'a reçus Kamel Letaief ont émané d'un numéro appartenant à un certain Youssef Chebbi, et qu'ils ont été également envoyés au maire du Bardo, par ailleurs candidat du Mouvement Ennahdha, Mongi Fekih, lors des élections du 23 octobre 2011. L'avocat ajoute que les résultats de l'enquête menée par la Brigade des investigations d'El Aouina prouvent que Youssef Chebbi n'a eu de contact ni avec Kamel Letaief ni avec Mongi Fekih. Interrogé sur la manière dont a procédé le juge d'instruction, l'avocat de l'homme d'affaires a indiqué que les erreurs de procédure lui ont valu un retrait du dossier. Les erreurs procédurales, selon les explications du même avocat, renvoient au déplacement du juge au domicile du prévenu sans l'autorisation préalable du ministère public et l'émission de la convocation pour comparaître devant le juge d'instruction avec un délai inférieur à 24 heures. Entre improvisation et respect des procédures L'avocat Nizar Ayed rejoint ainsi le magistrat Ahmed Rahmouni et les avocats Amor Safraoui et Charfeddine El Kellil, qui se sont exprimés à propos de la manière dont a procédé le juge d'instruction sur ces mêmes colonnes. Ils se sont référés à l'article 56 du Code de procédure pénale qui stipule que «le juge d'instruction se transporte d'office, ou sur réquisition du procureur de la République, sur les lieux de l'infraction, au domicile de du prévenu ou en tout autre endroit où l'on présume pouvoir trouver des éléments utiles à la manifestation de la vérité. Et que s'il se transporte d'office, il doit aviser le procureur de la République et nonobstant l'absence de ce dernier, il peut procéder aux opérations nécessaires. L'inculpé est transféré au lieu où s'effectue le transport, si sa présence paraît nécessaire». Ce faisant, et à la lumière de cet article, la question est de savoir quelles sont les raisons qui ont pu pousser le juge d'instruction à procéder de la sorte : se rendre au domicile du prévenu sans autorisation préalable. Réagissant à la question, le ministère de l'Intérieur a précisé, dans un communiqué publié hier, que suite à un mandat d'amener émis par le juge d'instruction concernant Kamel Letaief, une brigade de la Garde nationale s'est présentée samedi au domicile du prévenu. Selon le même communiqué, le juge d'instruction a remis au prévenu une convocation à comparaître... Une réaction qui n'empêche pas de songer à une interférence du politique, de la justice et de l'argent en ces moments d'incertitude où les repères paraissent de plus en plus brouillés, où l'improvisation semble l'emporter sur le respect des procédures en vigueur.