Les avocats de la défense se retirent Reportée à maintes reprises, l'affaire des martyrs et blessés de la révolution n'a pas encore révélé tous ses secrets. Et la vérité désespérément recherchée ne semble pas voir le jour, laissant entendre, auprès des familles des victimes, des voix de mécontentement et de protestation. L'audience prévue hier matin, à la cour d'appel militaire de Tunis, dont on aurait pu attendre le verdict final, a eu lieu dans un climat inhabituel, sans la présence des avocats de la défense des familles plaignantes. Regroupés en comité, sous l'égide d'un coordinateur général, Me Amor Safraoui, ces avocats ont boycotté l'audience, annonçant leur retrait définitif. Joint au téléphone, Me Charfeddine Kellil revient sur les raisons, déplorant que les demandes formulées auprès de la cour n'aient pas été satisfaites. «Il y a deux revendications que nous avons adressées au tribunal. La première consiste à reporter le procès à une date ultérieure, de manière à ce que nous puissions préparer en bonne et due forme nos plaidoiries, tandis que la seconde concerne le changement de la salle d'audience afin de permettre à toutes les familles des victimes d'y assister. Ces demandes sont susceptibles de réunir autant que possible les conditions d'un bon déroulement du procès, dans l'équité requise, loin de la précipitation et du laisser-aller », a-t-il fait valoir. Et bien que ces exigences semblent légitimes, poursuit-il, la chambre pénale du tribunal n'a pas hésité à les rejeter. Ce refus a obligé les avocats de la défense ainsi que leurs clients à ne pas se rendre à la salle d'audience, en signe de protestation. Et pourtant, affirme Me Kellil, la séance n'a pas été levée, l'audience a continué, laissant le champ libre au parquet militaire et aux avocats des accusés. « Nous, en tant que comité, nous avons décidé de nous retirer pour sauver l'honneur des martyrs, sans pour autant accepter de jouer le rôle du comparse dans cette affaire», fait-il valoir. Me Kellil se montre très critique face à l'appareil de la justice militaire et à son ingérence flagrante dans le déroulement des procès. « La cour d'appel militaire demeure encore soumise aux instructions qui viennent d'en haut, de l'administration de tutelle notamment. C'est dire qu'elle n'arrive pas à fonctionner dans l'indépendance et l'impartialité requises. Quitte à retomber dans l'instrumentalisation politique», lance-t-il. A leur sortie du bureau de la chambre pénale, les avocats de la défense, selon la version de Me Kellil, ont été la cible d'agressions verbales émanant des familles des accusés qui sont venues assister à l'audience d'hier. « C'est indigne et humiliant», s'étonne-t-il. En réaction à ce qui s'est passé hier, et par rapport à la position de la cour d'appel militaire, le comité de défense s'est réuni, dans l'après-midi, pour annoncer leur retrait. Dans un communiqué rédigé pour l'occasion, les membres dudit comité ont dénoncé les conditions défavorables du procès et l'équivoque persistante qui l'entoure. Pour rappel, il y a mille jours que cette affaire traîne, sans que les familles des martyrs et blessés de la révolution dans le Grand-Tunis ne trouvent leur compte. De report en report, ce dossier n'a pas fini de les tenir en haleine. Et l'on s'interroge: jusqu'à quand ? Pour avoir réponse à cette question, nous avons tenté de contacter à plusieurs reprises le ministère de la Défense, mais sans résultat. De même pour la direction de la justice militaire, qui s'est contentée d'exiger une autorisation pour l'accès à l'information. Les familles des victimes auront-elles le droit de savoir, un jour, qui sont les assassins de leurs enfants ?