L'association « Perspectives - El Amel Ettounsi Mémoire et Horizons » organise un colloque les 18, 19 et 20 décembre, intitulé «Perspectives, Amel Ettounsi : impact et résonance», au siège des Archives nationales (9 Avril - Tunis) En 1963, dans une Tunisie fraîchement libérée de l'occupation française, de jeunes militants de gauche créaient le mouvement Perspectives tunisiennes, à Paris. «Ces militants avaient des options égalitaristes, luttaient contre l'oppression et l'extorsion de la plus-value», raconte Zeineb Cherni, ancienne militante d' « El Amel Ettounsi ». Perspectives a, ainsi, vu le jour après les élections en 1963 de la section de l'Union générale des étudiants de Tunisie à Paris. «La gauche avait obtenu la majorité des voix et a été écartée injustement par une falsification des résultats», poursuit-elle. Zeineb Cherni a intégré le mouvement en 1970, alors qu'elle était encore étudiante à Paris. «Je suis rentrée en Tunisie en 1972, pour enseigner la philosophie dans un lycée. En 1973, j'ai été arrêtée, torturée et renvoyée de mon travail, mon époux et moi, et ce, pendant six années». D'autres comme elle ont été torturés, emprisonnés et exclus de leur travail. Certains ont purgé des peines à Borj Erroumi, un lieu réservé aux criminels. Les procès se succédaient dès 1968. «On avait créé la cour de sûreté de l'Etat pour « mater » les militants. Les peines allaient jusqu'à 12 ans d'emprisonnement. L'Etat se sentait menacé par des gens qui demandaient la démocratie, le pluripartisme et la liberté d'organisation et d'expression», témoigne l'enseignante. Devoir de mémoire Réprimé durant plusieurs années pour avoir «osé tenir tête à Bourguiba», critiqué le régime et dénoncé les abus, le mouvement a fini par être démantelé. «Certaines personnes ont continué à militer. Hamma Hammami, Nejib Chebbi, Mohamed Kilani et d'autres ont poursuivi leur lutte, soit dans un cadre politique, soit au sein d'organisations comme Amnesty International, la Ligue des droits de l'Homme, l'Association tunisienne des femmes démocrates ou l'Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement», affirme Zeineb Cherni. Mais le mouvement qui est né et a évolué dans la clandestinité est mis aux oubliettes. En 2011, d'anciens militants ont décidé d'y remédier en créant l'association «Perspectives - el Amel Ettounsi (ndlr: le travailleur tunisien) Mémoire et Horizons». «L'association a été fondée dans l'esprit de réactiver la mémoire ensevelie et la communiquer aux jeunes. Nous voulons aussi susciter l'intérêt des chercheurs et intellectuels pour qu'ils se penchent sur ce pan de l'histoire longtemps occulté», explique Mme Cherni, vice-présidente de l'association. La jeune organisation rassemblera lors de son colloque, les 18, 19 et 20 décembre à Tunis, des militants, historiens et politologues pour discuter et faire connaître le mouvement, aujourd'hui cinquantenaire. Des universitaires d'Algérie, d'Egypte, du Maroc, d'Italie et de France seront présents pour apporter un éclairage sur l'histoire de la gauche. En marge de la manifestation, une cérémonie sera organisée le 20 décembre, pour remettre les documents de l'organisation aux Archives et à la Bibliothèque nationales. Le 21, un après-midi culturel dédié à Hédi Guella, Mouldi Zalila et Ahmed Foued Najem est programmé à Dar Ben Abdallah (Tunis), à partir de 14h. Des artistes ayant milité au sein du mouvement Perspectives y prendront part, tels que Nouri Bouzid et Jamel Guella. «Nous avons un rôle de transmission, mais aussi de réflexion et d'élaboration d'horizons politiques dans une phase difficile», assure Z. Cherni. «La révolution on l'a rêvée, nous continuons à nous investir pour voir ce cheminement aboutir», conclut-elle.