Après ajustement de l'article 35 de la nouvelle Constitution, les agents de la douane tunisienne perdent le droit de grève. Comment devront-ils réagir contre le silence des officiels et les attitudes discriminatoires ? Les douaniers sont en colère. Depuis jeudi dernier, ils s'agitent et perturbent les activités des importants ports commerciaux. Les agents de la douane tunisienne ont annoncé une grève ouverte et observé, hier vendredi, un sit-in devant le ministère des Finances, leur tutelle. S'agissant du corps de la douane, ce mouvement de protestation n'est pas le premier du genre ; depuis 2011, ce corps a pris le soin de défendre ses droits sociaux et professionnels comme tous les Tunisiens sans rien voir venir. En remettant cela la veille de l'annonce du nouveau gouvernement de compétences, en l'occurrence celui de M. Mehdi Jomâa, c'est qu'il y a «de bonnes raisons». Sur toutes les ondes radio, dès les premières heures du matin de ce vendredi 24 janvier, les représentants syndicaux et autres douaniers ont crié leur colère et leur sentiment de frustration. Exposés aux mêmes dangers que les forces de sécurité intérieure «Nous sommes victimes de discrimination», lance Mohamed Ghodhbane, «Tous les corps sécuritaires ont recouvré leurs droits et leurs augmentations de primes et autres, sauf les douaniers». En parlant au nom de ses collègues, le douanier dit être consterné par le silence des officiels qui plombe leurs revendications. «Aucun responsable ne bouge le petit doigt quand ce sont les douaniers qui protestent », affirment-ils. Pourtant, ce corps est aux premières loges de la lutte contre la contrebande et les trafics de tout genre dont les plus dangereux (armes, drogue...) et a, lui aussi, subi les contre-coups de la guerre contre le terrorisme, financé à juste titre par ces contrebandiers. «Le corps des douaniers est marginalisé, nous sommes victimes de discrimination par rapport aux autres corps de métier qui, comme les agents des forces de sécurité intérieure, ont obtenu tout ce qu'ils ont demandé; nous ne comprenons pas les raisons de cette injustice». Le douanier prend l'exemple des forces de sécurité intérieure car : «nous travaillons ensemble dans les postes frontières et nous sommes exposés aux mêmes risques et dangers», dit-il. Par ailleurs, ce corps de métier est la cheville ouvrière de l'économie nationale en assurant le respect des lois et des réglementations en termes d'importations et d'exportations, pour ne citer que cet exemple. Atermoiement de l'administration de la douane Trois années après le déclenchement de la révolution, les agents de la douane sont toujours en colère et protestent. Le président du syndicat des sous-officiers et des sergents de la douane, Ridha Nasri, dénonce sur les ondes de Jawhara fm «l'atermoiement de la direction concernant la régularisation de la situation professionnelle des sous-officiers et des sergents de la douane». Parallèlement, le projet de Constitution — fin prêt ! — ne reconnaît pas, après amendement, le droit de grève aux forces de sécurité, douaniers compris. Ce qui suppose que les douaniers n'ont pas besoin de faire du bruit, ni dans la rue ni ailleurs, pour acquérir leurs droits à l'avancement professionnel et aux primes dans une parfaite équité sociale. Si c'est le cas, les douaniers sont en droit de s'interroger sur le pourquoi «du silence officiel» et de l'apparente «négligence de leurs doléances». Et comment les douaniers vont-ils procéder désormais pour faire entendre leur voix, sachant que les protestations bruyantes qu'ils organisent de temps à autre n'ont abouti à rien ? Est-ce là le climat adéquat pour que ces douaniers puissent exercer leur délicate et importante mission, celle de préserver nos frontières des pratiques commerciales illicites qui minent l'économie et la sécurité nationales ?