Les constituants révèlent, encore une fois, leurs tiraillements et posent beaucoup de conditions traduisant les agendas de leurs partis La séance plénière de l'ANC consacrée, hier après-midi, à l'accord de la confiance à Mehdi Jomâa et à son gouvernement n'a pas dérogé à la règle. Tous ceux qui ont pris la parole ont déballé ce qu'ils avaient sur le cœur. Ceux qui soutiennent le Dialogue national et les résultats auxquels il a abouti, dont en premier lieu la désignation de Jomâa au poste de chef du gouvernement, ont rappelé les concessions que leurs partis ont consenties et ont réitéré les conditions sur la base desquelles ils sont disposés à accorder leur confiance à l'équipe gouvernementale. En premier lieu de ces conditions, le respect strict de la feuille de route du Dialogue national. Toutefois, leur soutien sera critique et peut être retiré au cas où Jomâa ne respecterait pas ses engagements. Et dans tous les cas, Jomâa ne bénéficiera pas d'un chèque en blanc. Quant à ceux qui n'ont pas adhéré au processus du Dialogue national et qui tiennent toujours à la légitimité électorale issue du 23 octobre 2011, ils ont fait savoir à Mehdi Jomâa qu'ils ne lui accorderont par leur confiance et qu'il n'est pas question que son gouvernement soit supervisé par le Dialogue national, l'ANC demeurant à leurs yeux la seule institution constitutionnelle chargée de contrôler le gouvernement et de lui retirer sa confiance à tout moment. D'un autre côté, les constituants qui ont annoncé qu'ils s'abstiennent de voter la confiance à Mehdi Jomâa (principalement Tayyar Al Mahabba) n'ont pas manqué de formuler leurs conseils à la nouvelle équipe ministérielle et à lui tracer la voie à suivre «pour mériter la confiance du peuple et pour concrétiser les objectifs de la révolution délaissés par les gouvernements précédents». Où est le changement promis ? «Les barons» autoproclamés stars de l'hémicycle, chacun à sa façon et selon ses propres convictions, ont aussi marqué de leur empreinte la séance plénière. Azad Badi (Wafa) a fait savoir à Mehdi Jomâa que «la révolution dispose de ses gardiens qui ont découvert que son gouvernement comporte des ministres compromis avec le régime déchu, alors que d'autres appartiennent à certains partis politiques et ne peuvent être considérés comme indépendants. Pis encore, une ministre est connue pour être partisane de la normalisation avec Israël qu'elle a déjà visité à plusieurs reprises». Sahbi Attig (chef du groupe parlementaire d'Ennahdha, estime qu'il «n'y a plus de majorité ou d'opposition au sein de l'ANC». Il rappelle: «N'oublions pas que le gouvernement Jomâa est le produit d'un consensus. Mais il ne disposera pas d'un chèque en blanc. Ennahdha a consenti beaucoup de concessions douloureuses dont celle de quitter le pouvoir auquel elle accédé à travers les élections. Toutefois, notre soutien sera critique et conditionné à la concrétisation des engagements convenus». Maya Jeribi (Al Joumhouri) reproche à Mehdi Jomâa d'avoir oublié de s'engager dans sa déclaration «à dissoudre les ligues de protection de la révolution» qu'elle appelle «les ligues du terrorisme». Elle tempête : «En maintenant dans votre équipe, certains ministres ayant déjà échoué lors des gouvernements précédents et en choisissant d'autres connus pour leurs relations avec le régime de Ben Ali, je me demande où est le changement que vous avez promis». D'autres intervenants, à l'instar de Kamel Ben Amara ou Moëz Belhaj Rhouma, appellent Jomâa à ouvrir immédiatement «les dossiers de la corruption et celui de l'énergie» et dénoncent l'incompétence de certains ministres désignés dans des postes où ils n'ont aucune expérience (Najla Moalla, ministre du Commerce et de l'Artisanat, venue de la Biat et n'ayant aucune relation avec le monde du commerce). Khemaïs Ksila (Nida Tounès) réclame un train de réformes urgentes en vue de réinstaurer la confiance du peuple et implore Jomâa d'opérer «un audit général pour ne pas avoir à assumer la responsabilité du lourd héritage des gouvernements Jebali et Laârayedh».