Le film raconte l'histoire d'un Arabe qui se réveille dans la peau d'un Français... Mais avec des techniques de tournage très simples : il fallait y penser ! Après Le fil, Je ne suis pas mort est le deuxième long métrage de Mehdi Ben Attia, cinéaste tunisien qui vit en France depuis plus d'une dizaine d'années. Grand prix au festival d'Angers avec une présentation au festival de Berlin, le film est passé par Tunis en espérant une sortie commerciale chez nous. Présenté lors des dernières rencontres des réalisateurs de films tunisiens, le film a marqué le public tunisien par son originalité narrative. En voici le synopsis : « Yacine, brillant étudiant en sciences politiques et d'origine modeste, obtient un soutien inattendu de la part de Richard, son professeur de philosophie politique. Celui-ci propose notamment de l'aider à décrocher un stage à l'Elysée. Mais, une nuit, Yacine se réveille paniqué. En transe, il se dirige vers le domicile de son professeur, où il apprend son décès. Etrangement serein, il s'emploie à rassurer la famille : Ne vous inquiétez pas, personne n'est mort. Je suis Richard ! ... Mais c'est aussi l'histoire d'un Arabe, Yacine, qui se réveille dans la peau d'un Français, en l'occurrence Richard». Avec beaucoup de subtilité, le film traite de la problématique de l'identité, et Mehdi Ben Attia nous le confirme : « C'est un drame de l'identité. C'est un film sur la folie identitaire française. En France, il y a une sorte d'injonction à se dire Français. Du coup, les gens veulent que vous soyez absolument Français, et meilleur Français que les autres Français. Il y a une espèce de folie dont les Arabes peuvent se sentir parfois les otages. Le personnage qui s'appelle «Yassine» n'est pas victime du racisme, mais on lui renvoie en permanence le fait qu'il n'est pas un assez bon Français, à travers de petits détails subtils. Ces petites remarques vont le rendre fou.» Mais Je ne suis pas mort est aussi un film fantastique, sans utiliser les vrais codes du genre. Comment faire ce genre de cinéma sans tomber dans des dépenses faramineuses et se contenter des budgets restreints du film d'auteur ? La réponse est peut-être dans ce film, où Mehdi Ben Attia raconte ce changement de peau bizarre de Yacine, en jouant sur l'habileté du montage et les moments précis où la musique joue un rôle d'agent hallucinogène. Il y a d'ailleurs un mélange de techniques originales dans le film, qui commence par une caméra portée et finit par des plans fixes. Mais il n'y a pas que cela ! Il y a aussi l'acteur, qui a sauvé cette technique de tournage. Mehdi Dhahbi est une vraie découverte dans le rôle de Yacine. C'est un acteur d'origine tunisienne qui a fait le conservatoire de Paris, de Londres et de Bruxelles. Tout le film est, en effet, porté par ce jeune et talentueux acteur, qui réussit la transformation étonnante par le simple jeu de son regard : «Je voulais faire un film où il n'y a pas les codes du cinéma fantastique, dit Mehdi Ben Attia. Je voulais faire un film auquel on croit. Je voulais faire entrer le spectateur dans un film naturaliste, avec un sujet social autour d'un jeune Maghrébin qui conduit un scooter pour gagner sa vie. Et puis, le tapis se dérobe sous ses pieds... et sous ceux du spectateur». C'est réussi !»