De notre envoyée spéciale Samira DAMI Enfin le cinéma français sort du genre naturaliste pour styliser la réalité et jouer avec les codes. C'est là le parti pris de Michel Hazanavicius dans son dernier-né The Artist ou (l'Artiste), en lice dans la compétition officielle. Le réalisateur français, connu pour avoir commis deux films pastiches d'OSS117 : Le Caire nid d'espions et Rio ne répond plus, a réussi le pari de concocter un film de 1h40 nostalgique au temps du muet, reproduisant non seulement la magie du muet mais aussi du noir et blanc et de tous les codes de narration et de jeu des acteurs propres du genre. Grand admirateur d'Hitchcock, Lang, Lubitsh et Murnau, tous venus du muet, il a longtemps porté en lui son projet comme un «fantasme» avant d'être pris au sérieux après le succès des deux OSS117 et de pouvoir raconter à l'écran le récit d'une star du muet, George Valentin, des années 20, à qui tout souriait, mais qui sombra dans l'oubli avec l'arrivée du parlant et la montée des vedettes du parlant comme la jeune Peppy Miller, propulsée au firmament. Une histoire d'amour simple, basique, qui recrée le genre, à travers un mélo, restituant, quelque peu, la mémoire hollywoodienne, tant le film est nourri du cinéma muet américain, Fritz Lang, Von Stroheim, King Vidor, Murnan et renvoie à des personnages de stars comme Douglas Fairbanks, Gloria Swansson, John Crawford, Greta Garbo et autres. Un cinéma sans paroles, touchant, où seuls le cadre, le décor, la lumière et le jeu priment, entre comédie et mélo, sensations et émotions. Le personnage de Goerges Valentin est un clin d'œil direct à un Douglas Fairbanks flamboyant, virevoltant et plein de panache. Mais très vite, Georges Valentin, toujours sûr de lui, lumineux et en représentation va connaître la déchéance avec l'apparition du parlant. Il redeviendra, après avoir été une image, une tête d'affiche, un homme auquel ne reste que l'orgueil…mais un ange gardien veille sur lui… Pourtant ce film «anachronique et à contre-courant à l'heure des effets spéciaux, d'Avatar et en pleine explosion de la 3D porte un regard critique sur cette star du cinéma muet qui, à l'arrivée du parlant, n'y croit pas et qui renonce à accompagner la marche du temps et à accepter l'évolution technique. D'ailleurs, Georges Valentin finit, après avoir touché le fond, par sauter dans le wagon de la modernité en interprétant un duo de claquettes libérateur avec Peppy Miller, une scène clin d'œil au duo Gene Kelly et Fred Astair, qui exprime la renaissance de cet acteur du muet déchu par la danse. Un plan séquence époustouflant. Troisième film muet, après l'avènement du parlant (il y a eu auparavant Chantons sous la pluie, de Stanley Donen, en 1952, et La dernière folie, de Mel Brooks, en 1976), The Artist réunit dans les principaux rôles Jean Dujardin (Georges Valentin) et Bérénice Béjo (Peppy Miller), un duo de charme incarnant la période libre et joyeuse, innocente et heureuse des débuts du cinéma. Dujardin, quasiment dans la peau d'un Douglas Fairbanks, et Béjo, très inspirée par Marlène Dietrich, ont enthousiasmé, loin de tout surjeu, malgré le genre muet basé essentiellement sur le jeu et la musique. Une musique signée Ludovic Bourge, qui a su accompagner l'histoire et les émotions entre légèreté et sophistication. Bel hommage très applaudi au cinéma muet et à tous ses protagonistes que ce film à la forme et au format d'époque.