Mehdi Jomâa a droit à une visite vivement sollicitée par l'establishment américain, plus précisément par le président Barack Obama Les Américains déroulent le tapis rouge devant Mehdi Jomâa, chef du gouvernement. La visite d'Etat qu'il accomplit aux Etats-Unis d'Amérique en est témoin. Peu d'infos ont filtré jusqu'ici sur la teneur des échanges et des accords en vue. Mais les signes avant-coureurs ne détrompent guère. Premier constat, Mehdi Jomâa a droit à une visite vivement sollicitée par l'establishment américain, plus précisément par le président Barack Obama. Le chef du Département d'Etat, John Kerry, est venu l'annoncer dans une visite-éclair et imprévue à Tunis. Ni les deux précédents chefs de gouvernement de la Troïka démissionnaire — Hamadi Jebali et Ali Laârayedh — ni le président de la République, Moncef Marzouki, n'y ont eu droit. Deuxième constat, la visite du chef du gouvernement à Washington coïncide avec le démarrage de la première session du dialogue stratégique entre les deux pays. Une innovation diplomatique et politique d'envergure depuis plus de deux siècles de relations soutenues. Troisième constat, le Département d'Etat américain a annoncé il y a deux jours la levée de la mise en garde sur le voyage en Tunisie, lancée le 15 septembre 2012. Après évaluation, «le Département d'Etat estime que la situation ne mérite pas de prolonger l'avertissement sur le voyage en Tunisie», selon un communiqué de l'Ambassade des Etats-Unis à Tunis. En septembre 2012 et au lendemain de l'attaque de l'Ambassade américaine à Tunis par des extrémistes religieux, Washington avait déconseillé à ses ressortissants de se rendre en Tunisie. Ainsi donc, le faisceau d'indices plaide en faveur d'un regain d'intérêt politique américain vis-à-vis du gouvernement tunisien. Une donne à considérer sur fond des évolutions géopolitiques en cours du Golfe au Maghreb, en passant par la Syrie et l'Egypte. Elles ont tôt fait d'ériger le monde arabe en véritable zone de tempêtes. Voire d'homme malade de ces débuts tumultueux et explosifs du troisième millénaire. Côté tunisien, on saute sur l'aubaine. La situation économique et sociale interne est catastrophique. Les caisses sont vides, les déséquilibres financiers empirent à vue d'œil, les investissements sont en net recul et les exportations stagnent. Çà et là, on frise la banqueroute. Depuis peu, sans s'en cacher, Mehdi Jomâa a pris son bâton de pèlerin pour solliciter l'aide financière indispensable au sauvetage. Parce qu'on en est, hélas, à la case sauvetage. Tournée dans les pays du Golfe, tournée prévue en Europe, visite aux Etats-Unis d'Amérique, conciliabules avec les experts du FMI et de la Banque mondiale. On cogite, on racle les fonds de caisse, on redouble de scénarios et de schémas. Au point de friser l'attitude de l'Etat mendiant. Parce qu'autant le tribut des déficits est lourd, autant le prix du sauvetage s'avère amer. Ne nous y trompons pas, nous sommes dans la posture de celui qui a le couteau sous la gorge. Et qui en est amené à passer sous les fourches caudines de partenaires en position de force et qui ne ratent guère l'occasion pour en imposer et sévir. Témoin, les conditions draconiennes émises par l'Union européenne pour débloquer un crédit d'environ 500 millions de dinars. Ou le traitement de choc préconisé par les experts du FMI et de la Banque mondiale. Le modèle social de la Tunisie moderne risque d'en pâtir profondément. Au risque de générer des chamboulements et des inadaptations à même de nourrir les terreaux privilégiés du terrorisme et du crime organisé transnational. En Amérique, le tapis rouge déroulé devant Mehdi Jomâa peut bien s'avérer trompeur en face des caprices de la géostratégie et de la haute finance et des arcanes de la géopolitique. Sans parler des éventuelles exigences militaires et sécuritaires américaines ou des diktats des instances financières ayant pignon sur rue à Washington. D'ailleurs, le ministre de l'Economie et le ministre chargé de la sécurité notamment, ont rejoint hier le chef du gouvernement en Amérique. C'est dire aussi qu'avec les perspectives brumeuses au Maghreb et des menaces terroristes en Libye, en Algérie et sous nos cieux, rien n'est exclu d'emblée et tout est possible.