Par Abdelhamid GMATI Alors que les partis politiques, ainsi que leurs dirigeants, semblent ne se préoccuper que des prochaines élections présidentielle et législatives, une majorité des Tunisiens ne savent pas pour qui ils vont voter. C'est ce qui ressort du dernier sondage d'opinion publié mardi, par Sigma Conseil. Concrètement, pour ce mois d'avril, 55% des sondés sont indécis, alors qu'ils étaient 48,8% en février. Cela pour la présidentielle. Pour les législatives, l'indécision est encore plus prononcée : 63% n'ont pas choisi un parti. Notons que Caïd Essebsi continue à avoir les faveurs des intentions de vote avec 31,6%, alors que Mehdi Jomâa, qui en principe ne se présente pas à la présidentielle, se trouve en seconde position avec 21,1% d'intentions de vote. Hamadi Jebali, en troisième position, augmente son capital avec 10,9% contre 5,3% un mois plus tôt. Ce sondage, comme tous les sondages, révèle une tendance des choix des Tunisiens à un moment donné et ses résultats peuvent changer au moment du scrutin. Cela ne plaît pas à certaines parties, qui contestent continuellement ces mesures de l'opinion. On se rappellera que le président provisoire de la République, Moncef Marzouki, avait déclaré, il y a quelques jours, que « les sondages sont commandés et achetés et ils ne valent rien». Mardi dernier, le secrétaire général du Watad, Zied Lakhdhar, a exprimé des réserves concernant ce dernier sondage,qui «ne reflète pas la réalité du poids du Front populaire. Le Front populaire représente la troisième composante politique sur la scène et ne cesse d'accroître son rayonnement dans le pays». D'autres utilisent des moyens différents pour exprimer leur mécontentement et mieux se positionner. Ainsi, le journal Edhamir, proche des islamistes, a publié mardi un sondage supposé avoir été réalisé par le cabinet 3C Etudes. Il appert dans ce sondage que 46% des Tunisiens voteraient pour le mouvement Ennahdha alors que, selon Sigma, le mouvement islamiste n'obtiendrait que 13,1% des intentions de vote. Cependant, le cabinet 3C Etudes inflige un démenti et affirme avoir cessé de réaliser des sondages d'opinion depuis le mois de décembre dernier. Ce qui veut dire que le journal a inventé ce sondage. Et cela révèle que certains, qui prétendent ne pas accorder d'importance aux sondages, y sont au contraire très sensibles. Cependant, ce qui est intéressant dans ce sondage, c'est la question inédite et qui révèle que les Tunisiens, dans leur majorité, savent pour qui ils ne vont pas voter. Il appert que 74,3% ont déjà une idée sur ceux qu'ils vont exclure de leur vote. Le mouvement Ennahdha ne sera pas retenu par 42,6% des sondés, alors que 14,8% ne voteront pas pour Nidaa Tounes. La même tendance se retrouve dans les réponses des indécis. Les concernés devraient s'interroger sur ces opinions des Tunisiens. On retiendra, d'abord, le positionnement inattendu du Premier ministre, qui reflète une certaine approbation de son action durant ces deux derniers mois. C'est que, par ses démarches, le gouvernement semble convaincre les Tunisiens qu'il est crédible, qu'il ne leur cache pas la réalité de la situation et qu'il fait tout ce qui est en son pouvoir pour trouver des solutions aux nombreux problèmes qui se posent, notamment en ce qui concerne la sécurité, l'économie, le développement des régions, le chômage... En second lieu, il faut constater que, malgré tous leurs efforts dans cette campagne électorale prématurée, les partis et leurs leaders ne parviennent pas à convaincre. Il est vrai que les propositions sont pratiquement inexistantes et que seuls les diatribes, les accusations, les dénigrements ont cours. A l'image de ce qui se passe à l'ANC, où les députés se chamaillent pour faire passer l'exclusion inconstitutionnelle de leurs adversaires potentiels. Ils devraient cependant tirer les leçons de cet engouement, pratiquement unanime, au défunt président Habib Bourguiba. Pour les Tunisiens, la comparaison ne se pose même pas.