Le problème de l'eau fut crucial à Kairouan, dominée par les sebkhas et se trouvant dans une dépression aride, mais balayée par des oueds intermittents. Depuis la fondation de la ville, les différents gouverneurs et princes ont pallié cette défaillance. Ainsi, plusieurs puits, citernes et bassins furent aménagés. L'alimentation des bassins des Aghlabides édifiés en 862 a.p. J.-C. fut assurée par un système peu coûteux : au moment des crues des oueds, les eaux de pluies sont captées par de petits barrages qui aboutissent à un canal d'adduction pourvu en aval d'un brise-lame qui permet une pénétration encadrée et facile de l'eau dans le bassin de décantation. Ce système a été amélioré en 961 a.p. J.-C., à l'époque du calife fatimide Al Muizz, qui édifia un aqueduc qui amenait les eaux souterraines se trouvant à Chrichira (à 40 km à l'ouest de Kairouan) jusqu'aux citernes de la ville afin d'alimenter les palais de Sabra El Mansourya et d'en acheminer une partie par une canalisation jusqu'aux bassins des Aghlabides. En parcourant imadat Chrichira Les eaux ainsi récupérées servaient à subvenir aux besoins de la population, notamment par période de sécheresse, mais surtout à approvisionner les caravanes et abreuver les troupeaux. Depuis cette époque et jusqu'à nos jours, Chrichira alimente le Sahel et la ville de Kairouan en eau potable. Or, certains douars de cette imada souffrent de la soif. Plus de 15 km séparent imadat Chrichira de la délégation de Haffouz. Notre véhicule avançait avec peine sur la piste cahotante et bordée de cactus. En arrivant dans certaines agglomérations, dont notamment Aouled Youssef et Ezzorg, nous avons pu admirer le spectacle des champs, des collines et montagnes qui flottaient à l'horizon. Les logements ruraux, les petites écoles, les boutiques et les dispensaires s'échelonnent avec nonchalance dans ce monde rural. Cependant, tous les villageois que nous avons rencontrés et que nous avons écoutés sont unanimes sur un seul point : «Le nom de notre imadat est toujours lié aux 10 sondages qui desservent la région du Sahel en eau potable. Alors que nous, nous continuons de manquer d'eau pour l'irrigation et pour la consommation personnelle. Beaucoup de familles, non desservies par la Sonede, ont recours soit aux fontaines publiques, soit aux services des GDA (groupements de développement agricole) qui distribuent de l'eau aux bénéficiaires dont le coût du m3 est calculé sur la base des dépenses relatives à la maintenance du réseau, à la consommation d'énergie nécessaire à la production de l'eau ainsi qu'au paiement des ouvriers...». Mêmes doléances du côté des douars de Slaïliya et d'Ezzorg. Ali et Ahmed M'tiri, deux ouvriers agricoles, résument les souhaits de tous leurs voisins : «En plus du problème de l'érosion qui menace nos terres, du chômage qui touche nos jeunes, nous continuons de manquer d'eau potable que nous devons apporter à l'aide de citernes... Cela sans oublier le fait que les GDA ont parfois une mauvaise gestion dans la distribution de l'eau, surtout en cas de factures non payées ou de vannes endommagées». Notons que la dispersion et l'éparpillement de la population à imadat Chrichira empêchent l'alimentation en eau potable par l'intermédiaire de la Sonede. De ce fait, la vente de l'eau aux habitants de plusieurs localités par l'intermédiaire des GDA est un mécanisme indispensable pour une exploitation judicieuse des ressources hydriques, surtout dans les localités qui ne répondent pas aux critères de raccordement au réseau de la Sonede. A titre d'exemple, si on doit débourser 20.000D pour alimenter en eau quatre familles, ce n'est ni rentable ni légal, car on doit toucher la grande majorité de la population...