Le problème de l'eau a toujours été crucial à Kairouan, dominée par les sabkhas et se trouvant dans une dépression aride mais balayée par des oueds intermittents. Depuis la fondation de la ville, les différents gouverneurs et princes ont pallié cette défaillance. Ainsi, plusiuers puits, citernes et bassins furent amenagés. L'alimentation des bassins des Aghlabides, édifiés en 862, par exemple, fut assurée par un système peu coûteux : au moment des crues des oueds, les eaux de pluie sont captées par de petits barrages qui aboutissent à un canal d'adduction pourvu en aval d'un brise-lame qui permet une pénétration encadrée et facile de l'eau dans le bassin de décantation. Ce système a été amélioré en 961, à l'époque du calife fatimide Al Muizz qui édifia un aqueduc qui amenait les eaux souterraines provenant des sources du Djebel de Chrichira, à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Kairouan, jusqu'aux citernes de la ville. Les eaux récupérées servaient à alimenter ses palais à Sabra El Mansouria, une partie étant acheminée par une canalisation jusqu'aux bassins des Aghlabides afin de subvenir aux besoins de la population, mais surtout à approvisionner les caravanes et abreuver les troupeaux. Depuis cette époque et jusqu'à nos jours, les sources de Chrichira alimentent le Sahel et la ville de Kairouan en eau potable. Or, certains douars de Chrichira manquent d'eau et souffrent de soif. Pour en savoir un peu plus, nous nous sommes rendus dans cette imadat. En parcourant la zone Plus de quinze kilomètres séparent imadat Chrichira de la délégation de Haffouz. En ce lundi 16 mai, notre véhicule avançait avec peine sur la piste cahotante et bordée de cactus. En arrivant dans certaines agglomérations de Chrichira, dont notamment Ouled Youssef et Ezzorg, nous avons pu admirer le spectacle des champs qui s'éveillaient et plusieurs collines et montagnes qui flottaient à l'horizon. Chrichira, enveloppée dans un paysage vert clair, se réveillait ce jour-là sur un nouveau jour, comme les autres. Les logements ruraux, les écoles, les petites boutiques et les dispensaires s'échelonnent avec nonchalance dans un monde rural, individualiste et sans fard. Cependant, tous les gens que nous avons rencontrés et que nous avons écoutés sont unanimes sur un seul point : «Le nom de notre imadat est toujours lié aux sondages qui désservent la région du Sahel en eau potable. Or, chez nous, nous continuons de manquer d'eau pour l'irrigation et pour la consommation personnelle. Et beaucoup de familles, non désservies par la Sonède, ont recours soit aux fontaines publiques, soit aux GDA ( groupement de développement agricol ) qui distribuent de l'eau aux bénéficiaires dont le coût du m3 est calculé sur la base des dépenses relatives à la maintenance du réseau, à la consommation d'énergie nécessaire, à la production de l'eau ainsi qu'aux paiements des ouvriers...» Mêmes doléances dans les douars de Slaïliya et El Zorg, où d'importants projets d'infrastructures ont été réalisés : aménagement de pistes agricoles, électrification de la zone, amélioration des logements, création de puits de surface et de lacs collinaires. Salah et Ahmed Mtiri, deux ouvriers agricoles, résument les souhaits de tous leurs voisins : «En plus du problème de l'érosion qui menace nos terres, du chômage qui touche nos jeunes, nous manquons d'eau potable que nous devons apporter à l'aide de citernes... Cela sans oublier le fait que les GDA rencontrent parfois des problèmes à cause de la mauvaise gestion dans la distribution de l'eau surtout en cas de facture non payée ou de vanne endommagée...» Du côté de la Sonede M. Rebah Mansouri, chef du district de la Sonede à Kairouan, nous explique dans ce contexte qu'à Chrichira, l'eau prend son départ grâce à la création de dix groupements de forage avec des conduites qui alimentent plusieurs villes et villages : «Or, la dispersion et l'éparpillement de la population à imadat Chrichira nous empechent d'alimenter tout le monde par l'intermédiare de la Sonede. De ce fait, la vente de l'eau aux habitants de plusieurs localités par l'intermédiaire des GDA est un mécanisme indispensable pour une exploitation judicieuse des ressources hydriques. En général, il s'agit de localités qui ne répondent pas aux critères de raccordement au réseau de la Sonede à cause de difficultés liées à leur dispersion géographique. A la Sonede, on élabore des études de rentabilité et il y a des priorités suivant la réglementation en vigueur. A titre d'exemple, si on doit débourser 20.000 DT pour alimenter en eau potable quatre familles, ce n'est ni rentable ni légal car on doit toucher la grande majorité de la population...» Notons que dans le gouvernorat de Kairouan, le taux de desserte en eau potable en milieu urbain est de 100% (réalisation de la Sonede) et de 49.7 % en milieu rural (génie rural et Sonede). Le taux global de desserte en eau potable dans tout le gouvernorat et de 93.6%, alors qu'il était de 84 % en 1999. A côté de cela, trois usines d'eau minérale ont été créées dans le gouvernorat de Kairouan dont les potentialités hydriques sont importantes (Sabrine, Jannet, Fourat).