Le recours à des mécanismes de lutte contre la pauvreté qui ont montré leur efficacité dans des pays comme l'Iran, l'Inde ou le Maroc permettrait de mieux cibler les familles vivant dans l'extrême pauvreté La révolution de 2011 et les mouvements sociaux qui s'en sont suivis ont mis en exergue les inégalités persistantes et exacerbé les demandes sociales. La pauvreté — voire l'extrême pauvreté — est une réalité dans le pays : en 2011, 15,5 % de la population tunisienne se trouvait en dessous du taux de pauvreté. Pour autant, ces 15,5 % de ménages pauvres ne perçoivent que 12 % de l'enveloppe totale des subventions accordées par l'Etat. En effet, le Tunisien pauvre ne perçoit individuellement que 64,8 dinars par an, alors que le Tunisien riche perçoit, quant à lui, 86,9 dinars par an. Ce constat, implacable, remet en question la performance des systèmes de transferts sociaux existant en Tunisie. Une première analyse de l'impact des subventions alimentaires et des transferts sociaux directs a fait ressortir le fait que cet outil de lutte contre les inégalités n'a pas résolu le problème de la pauvreté extrême en Tunisie. D'où cette nouvelle étude que publie la Banque africaine de développement (BAD), intitulée « Subventions alimentaires et aides sociales directes, vers un meilleur ciblage de la pauvreté monétaire et des privations en Tunisie ». Objectif : formuler des solutions qui optimisent les transferts directs et les procédures de transferts sociaux. Reposant sur des méthodes approuvées et reconnues à l'échelle internationale, à l'instar de la méthode des privations multiples et de celle des "Proxy mean test", elle s'inspire de ce qui a pu se faire en Iran, en Inde et au Maroc, tout en tenant compte des spécificités de la Tunisie. Et les solutions existent. Pour peu qu'elles soient appliquées, on peut épargner à l'Etat tunisien des millions de dinars de dépenses qui grèvent son budget, tout en réduisant fortement la pauvreté dans le pays. Le rapport définit une nouvelle méthode de ciblage pour identifier les ménages tunisiens les plus démunis. In fine, l'efficience du Programme national d'aides aux familles nécessiteuses (PNAFN) s'en verrait améliorée. L'étude esquisse divers scénarios, permettant de répondre à plusieurs objectifs, dont la réduction de la pauvreté, la préservation du pouvoir d'achat de la classe moyenne et l'allègement du poids de ces transferts sur le budget de l'Etat. Toujours selon ce rapport, l'adoption des méthodes utilisées dans les pays connaissant un taux de pauvreté extrême et qui ont prouvé leur efficacité ramenerait le taux de pauvreté extrême à 1,5% alors qu'il est actuellement estimé à 4,6%. Le recours à ces mécanismes permettrait, par ailleurs, aux Tunisiens les plus pauvres de bénéficier de 52 % du budget total alloué aux transferts directs et indirects (contre 12 % aujourd'hui). Enfin, le transfert au Programme national d'aides aux familles nécessiteuses (PNAFN) de l'intégralité du budget réservé aux subventions, préconisé par le rapport, entraînerait des résultats spectaculaires : la pauvreté extrême en Tunisie serait éradiquée (avec un taux de 0 %) et le taux de pauvreté réduit à 4,1 %.