«La facilité avec laquelle ils se déplacent et la célérité avec laquelle ils quittent les lieux où ils commettent leurs forfaits, sans laisser de traces et en évacuant même leurs blessés, montrent qu'ils maîtrisent désormais les villes où ils agissent» Avec l'attaque terroriste perpétrée samedi 2 août vers 23 heures par les terroristes contre la caserne militaire de Sbeïtla, l'on se demande s'ils ont décidé de quitter les montagnes de Chaâmbi et de Sammama où ils sont retranchés depuis près de deux ans pour passer à une nouvelle étape de leur guerre contre l'Etat et ses institutions les plus représentatives, dont en premier lieu l'institution militaire. En plus clair, les terroristes agissent désormais dans les villes et attaquent des cibles d'une symbolique évidente. Après l'attaque de la demeure de Lotfi Ben Jeddou, ministre de l'Intérieur, qui a duré près de quarante minutes avant que les renforts militaires et sécuritaires ne débarquent sur les lieux pour transporter les blessés vers l'hôpital de Kasserine, voilà que les terroristes investissent Sbeïtla et essayent de s'emparer de la caserne de la ville, à une heure — vers 23 heures — où les citoyens veillaient encore. Et les terroristes de récidiver hier en attaquant à Jebel Sammama, vers 10 heures du matin, une unité de l'armée nationale, blessant un militaire sans gravité, selon un communiqué du ministère de la Défense. Encore une fois, les spécialistes qui suivent l'évolution des terroristes et de leur façon d'agir tirent la sonnette d'alarme «sur le degré de disponibilité des terroristes dont le moral est au zénith après la réussite des opérations de la maison de Lotfi Ben Jeddou et du massacre de 15 soldats le 16 juillet dernier». Naceur Héni, expert en groupes islamistes et questions du terrorisme, fait part à La Presse de sa conviction que «les terroristes se trouvent au sein des villes et qu'il est impossible que des groupes retranchés dans les montagnes puissent commettre de telles opérations sans être soutenus par des cellules dormantes. Le modèle algérien D'ailleurs, la facilité avec laquelle ils se déplacent et la célérité avec laquelle ils quittent les lieux où ils commettent leurs forfaits, sans laisser de traces et en évacuant même leurs blessés, montrent qu'ils maîtrisent désormais les villes où ils agissent». Les terroristes s'apprêtent-ils à frapper de grands coups dans les grandes villes, plus particulièrement dans la capitale, comme le laissent entendre les révélations faites par certains éléments arrêtés ces derniers jours par les forces de sécurité? «Je suis convaincu que les opérations terroristes programmées par les jihadistes qui se terrent dans les jebels Chaâmbi, Semmama et Ouergha resteront concentrées sur la région ouest du pays allant de Kasserine à Tabarka, en passant par Le Kef. Les chefs qui dirigent ces groupes sont des Algériens et ils sont en train d'expérimenter le modèle algérien où, durant près de 10 ans, les terroristes frappaient dans les régions voisines des montagnes où ils se cachaient. D'ailleurs, l'opération de Raoued, sanctionnée par la mort de Kamel Gadgadhi et considérée par les terroristes comme catastrophique, ne se reproduira pas puisque dans leur stratégie, à chaque fois qu'ils s'éloignent de leurs bases, ils subissent des échecs retentissants». «Pour moi, la situation dans la région ouest du pays (Le Kef, Kasserine) reste maîtrisable comme ce fut le cas en Algérie. Au Sud, sur les frontières avec la Libye, la menace est par contre réelle. Ce qui s'y passe avec le chaos régnant en Libye peut inverser la donne de fond en comble puisque les groupes terroristes y sévissant agissent pratiquement sous forme d'armées structurées, dit-il en conclusion. Reste à savoir si la cellule de crise pilotée par Mehdi Jomâa dispose de moyens qui lui permettent d'adapter ses méthodes d'intervention à celles utilisées par les terroristes. Auparavant, Lotfi Ben Jeddou, ministre de l'Intérieur, promettait aux Tunisiens que les forces de sécurité ont décidé d'aller à la confrontation avec les terroristes là où ils se terraient. Maintenant que les terroristes investissent les villes, que feront nos forces armées et de sécurité intérieure? En d'autres termes, les terroristes ont-ils réussi à imposer leur agenda à nos forces sécuritaires ?