La mythique scène de Carthage a accueilli, avant-hier, deux artistes mondialement connus et reconnus. Deux artistes qui sont partis des musiques traditionnelles de leurs pays pour créer, chacun dans son genre, un style unique et original. Un vrai régal ! Le Théâtre antique de Carthage ne battait pas son plein dimanche dernier. Quelques centaines de personnes seulement (entre 500 et 700) ont consenti le déplacement pour assister au concert d'Ana Moura, doublé de celui de Tomatito. Qu'à cela ne tienne, ça a volé très haut ce soir-là, au grand plaisir des mélomanes qui ont répondu présent pour, probablement, l'une des meilleures soirées de cette édition du festival. Le flamenco espagnol et le fado portugais étaient justement à l'honneur avec deux dignes représentants de la musique ibérique. Et c'est la jeune et non moins talentueuse Ana Moura qui a ouvert le bal et assuré la première partie du spectacle. Accompagnée de quatre musiciens de renommée (bassiste, batteur, claviériste et deux guitaristes), la plus célèbre chanteuse parmi la jeune génération de fadistes a interprété, quarante minutes durant, des titres de son dernier album, un mélange de fado traditionnel, des airs jazzy, de pop music et d'autres influences musicales d'ailleurs. Avec sa voix caressante et timbrée, ses pas de danse gracieux, elle a transporté le public, visiblement conquis, dans un monde qui est le sien. Un monde sonore magnifique, une musique enchanteresse, venue tout droit de Lisbonne, où règnent « saudade », nostalgie, amour inaccompli, exil, chagrin... thèmes principaux du fado, du destin. Ana Moura, qui s'est déjà produite avec les mythiques Rolling Stones et Prince, a alterné chansons mélancoliques et d'autres rythmiques (comme Desfado) dans une ambiance intimiste et dans une grande complicité avec le public. Une prestation qui lui a valu applaudissements et standing ovations. Après un entracte qui a trop duré, le guitariste espagnol José Fernandez Torres, alias Tomatito, est entré sur scène avec son groupe pour assurer la deuxième partie de la soirée. Né dans une famille de gitans de grande tradition musicale, il a commencé à se produire dès l'âge de dix ans, il est aujourd'hui considéré comme l'héritier du grand Paco de Lucia, avec qui, il a beaucoup travaillé. Mais ce n'est pas tout. Tomatito a accompagné, pendant dix-huit ans, le si connu chanteur gitan Camaron de la Isla, joué avec Franck Sinatra et Elton John, collaboré avec de grands artistes du monde entier et décroché plusieurs Grammy. Ce soir-là, au Théâtre antique de Carthage, le public a vu s'épanouir en toute volupté la guitare flamenco de Tomatito. Avec ses cheveux longs, son attitude charismatique, il a enivré l'assistance avec des airs passionnants et prononcés, venant tout droit d'Andalousie. Des morceaux fruits d'un mix entre le flamenco, le jazz et la pop, révélant la grande précision rythmique et l'expressivité dans le jeu de l'artiste. Les voix exceptionnelles des deux chanteurs gitans, les battements des mains et les coups de talon et de pied n'ont fait qu'endiabler l'ambiance. Nous ne nous lasserons pas de souligner également l'excellence de la prestation de la danseuse de claquettes qui nous a présenté, avec fougue et vivacité, des tableaux d'une beauté que nous ne sommes pas près d'oublier... Petit public, grands talents. C'est de cette manière que nous pouvons décrire ce double concert. Des spectacles de cette dimension, on en redemande ! Quant aux absents, ils ont vraiment eu tort.