Les déterminants socioculturels sont les principaux obstacles entravant l'accès des femmes aux prestations de santé sexuelle et reproductive «Le droit à la santé sexuelle et reproductive : entre besoins et accès aux prestations », tel est le thème de la conférence organisée, hier, par l'Office national de la famille et de la population (Onfp), et ce, à l'occasion de la Journée nationale de la femme. La présente conférence fait partie de tout un programme, coorganisé par le ministère de la Santé et le secrétariat d'Etat des Affaires de la femme et de la famille, qui s'étalera sur une semaine. Le thème choisi semble classique en apparence mais dévoile, une fois débattu, de multiples lacunes, touchant à la problématique du genre. M. Mohamed Salah Ben Ammar, ministre de la Santé, a salué le militantisme de l'Onfp pour la promotion de la santé de la femme et de la famille, appelant les responsables à adapter le processus d'intervention de l'office aux nouveaux besoins sanitaires de la population cible. Il rappelle que la santé féminine de première ligne comprend les maladies non transmissibles, la contraception, la ménopause, les cancers féminins (du sein et du col utérin), la fertilité et les infections sexuellement transmissibles. La santé féminine connaît, certes, une évolution positive. Toutefois, elle demeure bien en deçà des objectifs escomptés. En 2009, le taux de mortalité maternelle était de 44,8 pour 100.000 naissances. Ce taux s'élève, cependant, à 67 décès pour 100.000 naissances dans les régions du Nord-Ouest contre 27,9 cas de décès pour 100.000 naissance dans le Nord-Est. L'objectif étant, désormais, de réduire la disparité régionale en matière d'accès aux soins et de faire baisser ce taux à 25 décès pour 100.000 naissances à la fin de l'année 2015. Le ministre insiste, par ailleurs, sur les trois A à prendre au sérieux pour un mode de vie plus sain et plus équilibré : alimentation saine, activité physique régulière et allaitement maternel durant les six premiers mois de la naissance feraient la différence et apporteraient bien-être et bonne santé à la femme. M. Ben Ammar attire l'attention sur le tabagisme féminin, le qualifiant d'un phénomène inquiétant. Il rappelle, sur un ton dissuasif, que la consommation d'un narguilé correspond à la consommation d'une trentaine de cigarettes. Le ministre souligne l'ampleur que prennent deux phénomènes dans notre société : la violence et l'avortement. Les indicateurs relatifs à la violence à l'égard du genre sont plus qu'alarmants. D'où la nécessité de mieux conjuguer les efforts pour pourvoir la femme de la protection et du droit à l'autonomie et à la dignité. D'un autre côté, le recours abusif à l'avortement se traduit par un taux inadmissible. En effet, une grossesse sur trois est avortée. Pour une loi intégrale contre la violence à l'égard des femmes De son côté, Mme Neïla Chaâbene, secrétaire d'Etat chargée des Affaires de la femme et de la famille auprès du ministère des Affaires sociales et des Tunisiens à l'étranger, indique que la semaine célébrant le 13 août 2014 sera axée, essentiellement, sur l'aspect économique et sur les droits de la femme à l'autonomie. Aussi, un salon, concocté par le secrétariat d'Etat des Affaires de la femme, le ministère du Tourisme et le ministère du Commerce et de l'Artisanat, sera-t-il consacré à la commercialisation des produits des artisanes. Il aura lieu du 11 au 13 août 2014 à Sousse. Parallèlement, un plaidoyer dénoncera la violence à l'égard des femmes en présence de la société civile et de l'ANC, appelant les législateurs à l'instauration d'une loi intégrale contre la violence à l'égard du genre. Un texte qui exigera, outre la dissuasion et la pénalisation, prévention et accompagnement psychologique en faveur aussi bien des victimes que des acteurs de violence. Pour Mme Chaâbene, la situation de la femme tunisienne n'est à envier que sur le plan théorique, la réalité étant tout autre. « Il faut oser affronter la réalité et réfléchir sur les moyens, les mécanismes et les techniques pour lesquels nous devons opter pour agir en amont. Nous devons investir dans un projet qui tienne la route et pour ce, nous prendrons le temps qu'il faudra », souligne l'oratrice. Le Dr Salma Hajri, endocrinologue et chercheur dans le domaine de la santé reproductive consacre son intervention à la définition des déterminants influant l'accès des Tunisiennes aux prestations sanitaires et celles reproductives plus particulièrement. Elle pointe du doigt les inégalités sociales et culturelles comme étant les principaux déterminants entravant le droit de la femme à la santé. Ces déterminants sont, en effet, nourris par « des principes religieux et culturels, par la langue et le langage et par la qualité du relationnel soignant/soigné. D'autres facteurs entrent, par ailleurs, en jeu, comme la concurrence de l'offre des soins et les enjeux socioéconomiques dont la précarité ». Ces facteurs ne font que vulnérabiliser davantage la femme qui est, rappelons-le, la première catégorie sociale à souffrir des difficultés socioéconomiques et culturelles. Et pour preuve : « 40% des femmes âgées de plus de 48 ans souffrent de dépression et de pathologies psychologiques sévères et compliquées », souligne l'oratrice.