Chafik Sarsar a-t-il perdu le contrôle de l'Isie qui a publié, hier, à son insu, les listes des citoyens-parraineurs de certains candidats à la présidentielle. S'agit-il d'une faute ou d'un coup monté ? Heureusement, dans l'après-midi, les listes ont été retirées du site de l'Instance Encore une bourde commise par l'Isie et, paraît-il, selon certaines sources, à l'insu de Chafik Sarsar, président de l'Instance des élections. Hier, le site Internet de l'Instance supérieure indépendante des élections a publié les listes détaillées des citoyens-parraineurs qui ont accordé leurs signatures aux candidats à l'élection présidentielle : Béji Caïd Essebsi, Abderrahim Zouari, Mustapha Kamel Nabli, Safi Saïd et Farès Mabrouk, ce qui a permis de dévoiler l'identité de près de deux cent mille citoyens parmi les quelque sept cent cinquante mille qui ont parrainé les 70 candidats dans la course au Palais de Carthage (redevenus 69 à la suite du retrait officiel par Zied Heni de sa candidature). L'Isie avait-elle le droit d'agir de la sorte surtout que son président soutenait, jeudi après-midi, sur une radio privée que le Conseil de l'instance n'avait pas encore pris de décision sur la publication ou la non-publication des listes des parraineurs qu'ils soient citoyens ou électeurs ? Comment les acteurs du paysage politique et civil ont-ils réagi à la décision de l'Isie et que comptent-ils faire au cas où ils estimeraient que l'instance a outrepassé ses prérogatives ? Les parraineurs exposés aux représailles Abdelhaweb Heni, président du parti Al Majd et candidat à l'élection présidentielle, fustige la décision de l'Isie «qui a manifestement violé la loi sur la protection des données personnelles qui interdit strictement la publication des données relatives à la carte d'identité nationale. Elle a mis également en danger les citoyens parraineurs qui sont maintenant exposés à toutes les représailles possibles. Pire, elle a violé le principe même du secret du vote puisque le parrainage est aussi secret». Il relève, d'autre part, que l'Isie a dévoilé les listes des citoyens-parraineurs, mais a évité d'en faire autant pour les constituants parraineurs. «Pour moi, c'est un acte qui vise à ne pas dévoiler la stratégie de dilution et de subversion utilisée par certaines parties en vue de marginaliser l'élection présidentielle. Ce qui est plus grave encore, l'Instance supérieure de protection des données personnelles n'a pas levé le petit doigt face à cette violation. Pire, le président de cette instance, le magistrat Mokhtar Yahiaoui, a violé l'obligation de réserve et de neutralité à laquelle il est tenu en allant soutenir la candidature de son ami Abderrazak Kilani et à s'afficher à ses côtés au sein du siège de l'Isie». Au cas où l'Isie poursuivrait la publication les listes des citoyens-parraineurs, que peuvent faire les candidats s'estimant lésés ? «Au cas où cette dérive ne s'arrêterait pas, nous saisirons l'instance de protection des données personnelles pour exiger que l'Isie se conforme à la loi. Pour ce qui est de la transparence à respecter à tout prix, nous avons d'autres solutions comme l'utilisation du site web de l'Isie pour que chaque citoyen puisse découvrir si son nom ou sa signature ont été instrumentalisés à son insu. D'autre part, nous demandons à Chafik Sarsar d'enquêter sur ce dysfonctionnement et de sanctionner les auteurs de cette violation, l'objectif étant de reconstruire le lien de confiance entre l'Isie, les candidats et les électeurs». Non à la dictature de la société civile Jawher Ben M'barek, enseignant universitaire de droit constitutionnel et coordinateur général du réseau «Doustourna», est tranchant : «Tout citoyen dont le nom a été dévoilé peut ester en justice contre l'Isie qui a violé le principe de la préservation des données personnelles. Personnellement, j'ai déjà réagi et j'ai appelé Sarsar au nom du réseau Doustourna à retirer immédiatement les listes publiées sur le site de l'Isie, ce qu'il a, heureusement, fait. Il reste que c'est un acte de violation inadmissible des données personnelles». Quelle alternative peut-on mettre en œuvre afin de préserver le principe de la transparence, si cher aux associations de la société civile chargées de l'observation du processus électoral, dans toutes ses phases, et qui remuent ciel et terre pour tout savoir ? «Il se trouve une solution beaucoup plus facile, réplique Ben M'barek. C'est celle de la création d'une interface rattachée au site de l'Isie, pour que le citoyen puisse savoir s'il a parrainé ou non. Quant aux défenseurs zélés du principe de la transparence, ils oublient que la protection des données personnelles est au-dessus de toutes les considérations. Malheureusement, notre société civile et ses associations dites spécialisées poursuivent leur fuite en avant et n'ont pas compris que la démocratie est avant tout une culture et que le respect de la loi est sacré».