La discussion générale pourrait démarrer vendredi ou samedi prochains, sur fond de polémiques et de querelles Le texte définitif du projet de la future loi électorale sera soumis aujourd'hui, lundi 24 mars, au bureau de l'Assemblée nationale constituante qui fixera, dans quatre jours, la date de la séance plénière qui aura à en discuter les quelque 167 articles avant son adoption. Et comme attendu, les membres de la commission de législation générale, dirigés durant plus d'un mois d'une main de fer par leur présidente Kalthoum Badreddine, ont concocté un projet de loi électorale qui restera dans les annales comme un exemple en matière d'incohérence, de cacophonie et surtout de non-respect des dispositions de la Constitution du 27 janvier 2014 que nos constituants ont adoptée dans l'euphorie et l'allégresse. De la trouvaille des accompagnateurs des électeurs analphabètes dont le nombre avoisine les deux millions au parrainage de tout candidat à l'élection présidentielle par 10.000 citoyens électeurs repérés dans au moins 10 circonscriptions électorales en passant par le fameux article 15 excluant les Rcdistes (bien que le RCD n'existe plus légalement depuis mars 2011), de l'opération électorale et la détermination du seuil de représentativité fixé à au moins 3% des voix exprimées, le projet de la future loi électorale suscite déjà la polémique aussi bien parmi les experts en droit constitutionnel que parmi les partis politiques y compris parmi ceux représentés au sein de la commission de législation générale qui ont participé à l'élaboration du texte incriminé. Une bonne nouvelle tout de même. Nos constituants se sont, d'après certaines sources au palais du Bardo, rendus à l'évidence et ont compris enfin qu'il est inconcevable d'adopter la future loi électorale avant la création officielle de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois dont la mise en place est prévue par la Constitution et devant voir le jour impérativement avant le 19 avril prochain. En parallèle avec la discussion générale Mohamed Tahar Ilahi, constituant représentant le parti du Mouvement du Tunisien et membre de la commission de législation générale, révèle à La Presse : «La commission se réunira à partir d'aujourd'hui lundi 24 mars pour entamer l'examen du projet de loi portant création de l'Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois. Les membres de la commission ont déjà reçu une copie du texte du projet de loi et nous avons l'intention d'en débattre en parallèle avec la discussion générale du projet de la loi électorale. En principe, le bureau de l'ANC doit publier dans les quatre jours à venir (à compter d'aujourd'hui lundi 24 mars) sur le site web de la Constituante, le projet sur la loi électorale puis fixer une date pour la tenue de la séance plénière devant intervenir vendredi ou samedi prochains». Quant aux points de discorde relevés dans le texte de la future loi électorale, il n'y va pas par quatre chemins pour exprimer l'opposition «au retour de l'article 15 excluant les Rcdistes des élections». «Pour nous, l'affaire relève de la justice transitionnelle et il n'est pas question que les constituants, au sein de la commission de législation générale ou lors de la séance plénière, supplantent la justice et légifèrent pour écarter des adversaires politiques exerçant leur activité légalement», précise-t-il. Pour ce qui est de la disposition relative aux accompagnateurs censés renseigner ou aider les électeurs analphabètes, Mohamed Tahar Ilahi relève : «Il s'agit tout simplement d'une porte ouverte légalement à la falsification des résultats et à l'achat des voix des électeurs analphabètes à travers leurs accompagnateurs. Je m'élève également contre le fait que dans le même article il soit spécifié que le chef du bureau de vote a le droit de désigner lui-même un accompagnateur pour tout électeur analphabète qui ne sera pas soutenu par un quelconque accompagnateur qu'il aura choisi lui-même. Ce qui revient à dire que le chef du bureau de vote, censé être impartial et neutre, va se retrouver juge et partie, ce qui est contraire à l'esprit même de l'acte électoral». Le parrainage des candidats à l'élection présidentielle fixé à 10.000 citoyens-électeurs choisis dans 10 circonscriptions électorales au minimum suscite également la désapprobation du constituant du parti du Mouvement du Tunisien. «Il est impossible pour les petits partis ou pour les indépendants de rassembler ce grand nombre de parraineurs. De plus, l'Isie donne un délai de quarante-huit heures pour remplacer les parraineurs qui commettraient l'erreur d'accorder leur signature à plus d'un candidat. Il est donc impossible de voir cette disposition appliquée dans les faits. D'autre part, dans notre parti nous considérons que le parrainage constitue un vote avant terme». L'article 15 anticonstitutionnel Pour le professeur de droit constitutionnel et président du réseau «Doustourna», Jawher Ben M'barek, «le recours à l'article 15 est anticonstitutionnel puisqu'il est en contradiction avec les articles 34 et 39 de la Constitution qui fixent clairement les conditions d'inéligibilité». Toutefois, il insiste : «Les Rcdistes ne devraient pas participer aux prochaines élections comme si la révolution n'avait pas eu lieu. Je propose qu'on adopte le principe de candidature en contrepartie d'excuses. Ainsi, chaque responsable rcdiste voulant se porter candidat aux prochaines élections est tenu de s'excuser publiquement pour les erreurs commises avant la révolution. J'ai déjà soumis cette proposition à la commission de législation générale et j'espère qu'elle sera retenue lors de la séance plénière». «Avec l'institution du citoyen accompagnateur des électeurs analphabètes, ajoute-t-il, la falsification des résultats et l'achat des voix des électeurs sont pratiquement légalisés. Quant au financement de la campagne électorale, la formule choisie (recouvrement des dépenses après la proclamation des résultats) contribuera à l'exclusion des partis dits petits et des indépendants auxquels il sera très difficile de récolter le minimum requis, soit 3% des voix». Sur un autre plan, Jawher Ben M'barek considère que «seuls les grands partis politiques sauront trouver pour leurs candidats à l'élection présidentielle le nombre de parraineurs exigés, soit 20 constituants, 50 chefs de délégations spéciales (municipalités) ou 10 mille citoyens-électeurs. Je propose qu'on réduise ce dernier nombre à trois mille au maximum. L'objectif est d'éviter qu'on tombe dans la bipolarisation que certains semblent chérir alors qu'elle est nocive à l'esprit même de la démocratie».