Comme prévu, les listes candidates aux législatives ont multiplié les dépassements. Et les Tunisiens de découvrir des listes déchirées des affiches installées dans des endroits irréguliers et des panneaux vides de contenu. L'Isie menace d'appliquer la loi et les associations d'observation invoquent le manque de moyens humains pour pouvoir arrêter les dégâts La campagne électorale en prévision des législatives prévues le dimanche 26 octobre est-elle mal partie puisque les dépassements que tout le monde redoutait sont apparus dès le premier jour du démarrage de la campagne et les deux jours du congé de l'Aid El Idha (samedi et dimanche derniers) n'ont pas empêché les perturbateurs et les professionnels du déchirement des affiches électorales de se mettre à l'œuvre. Hier, lundi 6 octobre, troisième jour de la campagne électorale, les Tunisiens sortis enfin du congé de l'Aid El Kébir, ont découvert des panneaux encore vides puisque les candidats qui devraient y afficher leur déclaration électorale ou leurs photos tardent encore à la faire, des photos de candidats déchirés, des panneaux comprenant des vœux de bon Aid exprimés par certains partis politiques avec un appel aux citoyens pour voter pour les listes de ces partis et des panneaux installés dans des petites ruelles peu fréquentées par les passants alors que sur les grandes artères aucun signe montrant que la cité vit une campagne électorale. Un fait significatif : dans les circonscriptions électorales du Grand Tunis et des gouvernorats avoisinants (Ben Arous, Ariana, La Manouba), on avait le sentiment que les dépassements et les atteintes aux affiches électorales étaient programmés à l'avance puisque pas une région n'en a été exempte. Ce qui a poussé un citoyen à préciser : «Il paraît que nos partis politiques ont recruté deux groupes d'agents, le premier pour coller les affiches du parti, le deuxième pour défigurer celles des autres. Et le phénomène n'est qu'à ses débuts. En attendant les perturbations des meetings électoraux des concurrents». I'Isie face à ses responsabilités La question que l'on se trouve obligé de se poser est la suivante: que peuvent faire l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) et les associations de la société civile spécialisées en matière d'observation du processus électoral et d'intégrité des élections en vue d'étouffer le phénomène et de le stopper avant qu'il n'enfle et ne devienne incontrôlable. Pour le Dr Kamel Gharbi, président de la coalition Ofiya pour l'observation du processus électoral et l'intégrité des élections, «il est très difficile pour nos 1.000 observateurs, tous volontaires et agissant sur le terrain en dehors de leurs heures de travail, il est impossible de tout contrôler et d'aviser les Irie à temps. Il est malheureux que le déchirement des affiches électorales a démarré dès le premier jour de la campagne». «Il faut reconnaître tout de même, ajoute-t-il, que ce phénomène n'est pas spécifique à la Tunisie ni aux élections puisque même les affiches de notre coalition appelant les citoyens à s'inscrire sur les listes électorales ont été détruites. Il ne faut pas qu'on reste les bras croisés face à ce phénomène et il nous faut imaginer des solutions qui préservent les affiches. Pourquoi pas des panneaux à vitres qui résisteront aux casseurs». Et ces panneaux qui sont restés vides puisque les listes qui devaient y afficher leurs candidats ou leurs déclarations électorales répondent toujours absent. Kamel Gharbi réplique : «Notre crainte est grande de voir beaucoup de candidats de partis ou indépendants ne pas remplir les cases qui leur sont réservées et de se contenter d'empocher la première tranche de la subvention de financement public comme ce fut le cas en 2011. Sauf que cette fois, les choses ont changé puisque selon la loi électorale, ceux qui ne parviendront pas à réaliser 3% au moins des sièges du Parlement seront obligés de restituer à la trésorerie publique la première tranche qu'il ont encaissée. Pour ce qui est des vœux de bon Aïd, ils ont été placardés dans des endroits non-réservés à la campagne électorale et ils doivent être levés immédiatement». Jawhar Ben M'barek, coordinateur général du réseau Doustourna, aborde la question sur le plan de la capacité de l'Isie à faire front aux dépassements avec les moyens humains dont elle dispose actuellement. «2.000 contrôleurs relevant de l'Isie répartis sur l'ensemble du pays sont chargés de suivre la campagne électorale durant toutes ses étapes et d'aviser les Irie des dépassements et des excès à temps. Ce nombre est insuffisant vu le nombre des bureaux de vote estimé à 12 mille et le nombre des listes des candidats s'élevant à plus de 1.300. Pour moi, l'Isie devrait multiplier par au moins cinq le nombre de ses contrôleurs sachant que les infractions ne sont qu'à leurs débuts et l'on s'attend à ce que les candidats vont imaginer tous les stratagèmes possibles pour enfeindre la loi afin de multiplier leurs chances de succès. C'est à l'Isie d'assumer ses responsabilités et d'appliquer la loi avec fermeté et vigueur», relève-t-il. Les Irie peuvent recourir à la force publique Du côté de l'Isie, une source informée indique : «Nos contrôleurs sont tenus de fournir un rapport quotidien aux Irie dont ils relèvent. Ils doivent mentionner toutes les infractions constatées et les Irie doivent envoyer une notification aux contrevenants leur ordonnant de lever la contravention. S'ils refusent d'obéir, c'est à l'Irie en question de le faire et elle peut recourir à la force publique si elle est empêchée d'accomplir sa mission. Déjà, l'Irie de Béja a empêché la tenue d'un meeting à Béja que devait organiser le Mouvement destourien. Motif : le parti n'en a pas informé l'Irie comme le veut la loi».