Les œuvres nous balancent le constat d'une réalité crue telle quelle mais, évidemment, vue et présentée par le regard du photographe Ils sont cinq jeunes photographes tunisiens : Tarek Marzougui, Mejdi Bekri, Moëz Ismail, Rahma Megarech et Wejden Jerbi, à prendre part à l'exposition photographique «Trop visible» abritée, depuis le 17 octobre, par la Maison des Arts du Belvédère. L'exposition est l'aboutissement d ́un atelier photographique organisé au printemps 2014 par le Goethe-Institut, sous la direction du photographe allemand Andreas Lützen sur le thème des déchets et sur les manières de raconter la cité et les déchets de l'homme. Un sujet plus que d'actualité sous nos cieux. Contexte Trop visibles, oui en effet. C'est le cas, depuis un bon bout de temps, de nos déchets et autres poubelles, entassés pêle-mêle, défigurant nos rues et autres quartiers, mais surtout menaçant la santé publique. Nos ordures et déchets règnent en maîtres des lieux et donnent, souvent, du fil à retordre aux éboueurs et autres agents municipaux. Invoquant l'alibi de la quasi-absence des poubelles installées par l'Etat, des habitants n'hésitent pas à semer leurs poubelles aux quatre vents. Les déchets augmentent et s'entassent, pour être, dans certains cas, broyés par les flammes infestant les rues avec l'odeur du plastique brûlé. «Les ordures ne sont pas triées, les déchets d'hôpitaux sont éliminés avec les restes de la boucherie d'à côté», écrit Sarah Alina Grosz, du Goethe Institut, dans le catalogue de l'exposition. Il est certain que l'Etat a un gros problème de gestion des déchets et quand la culture citoyenne n'y est pas, cela devient calamiteux et la tâche devient rude. Les déchets de certains sont, en même temps, le gagne-pain quotidien d'autres et «des filières entière se développent en fonction de l'état de nos rues. Les chiffonniers gagnent leur vie avec des bouteilles, du cuivre et des métaux vendus au kilo.» note encore S.A Grosz. Certaines décharges étouffent sous les montages de poubelles et sont le terrain de travail de femmes, généralement, qui, sans aucune mesure de protection, s'adonnent à des tris quotidiens pour gagner leur vie. Voilà ce qui a inspiré l'exposition et ses protagonistes sous la direction du photographe allemand Andreas Lützen. L'idée est de ramener une lecture esthétique autour de la cité et ses déchets. Raconter et réexposer le quotidien pour nous confronter à notre propre vécu. Ne surtout pas s'habituer à ce paysage ordurier nous disent les artistes et leurs œuvres en nous balançant en retour le constat d'une réalité crue telle quelle mais évidemment, vue et présentée par le regard du photographe. Raconter la cité et ses déchets Cinq séries de photographies pour nous raconter cela, exposées dans le «hangar» de la Maison des Arts. Une sorte de scénographie et de mise en espace accompagnant les œuvres. Trois poubelles (propres) à l'entrée (à gauche), cinq panneaux accueillant les œuvres et, au milieu, un équipement tentaculaire avec cinq écrans nous dévoilant les artistes filmés en train de parler de l'atelier, de leurs approches et de l'expérience en général. Tarek Marzougui, céramiste de formation, Mejdi Bekri s'est spécialisé dans ses études dans la photographie, Moëz Ben Ismaïl, ingénieur de formation, Wejdene Jerbi, artiste plasticienne et Rahma Megarech, architecte, nous ramènent une appréhension plurielle et diversifiée du sujet. Se plaçant selon l'angle de vue d'un chat, comme suggéré par leur encadreur mais gardant surtout une forme narrative, T. Marzougui s'est intéressé à la Médina de Tunis, M. Bekri a suivi pendant plusieurs jours, dans leur travail les éboueurs du quartier de Bab Bhar, M. B. Ismael s'est intéressé au dépôt final et est allé du côté de la décharge de Borj Chekir, R. Megarech a articulé son travail autour de l'architecture des déchets et l'histoire détournée et défigurée de bâtiments sans fonction et enfin W. Jerbi s'est lancée dans une sorte d'introspection sur des ordures ménagères. La jeune artiste s'intéresse à l'image de ces déchets disparates du quotidien photographiés dans des intérieurs, nous rappelant, dans l'approche, Arman avec sa série de «Poubelles» et ses accumulations d'ordures ménagères. L'exposition se poursuit jusqu'au 31 octobre.