Ils étaient absents ou quasi-absents dans les différents bureaux de vote. Les élections législatives et présidentielle, indépendamment de leurs résultats, se sont passées sans eux ou presque. Et pourtant, sur la Toile, dans le monde virtuel, il n'y a qu'eux ou presque. Sur les réseaux sociaux, ils font la pluie et le beau temps, ils sont adulés et redoutés, imités et traqués. Eux, ce sont les jeunes dont l'absence remarquée aux scrutins du 26 octobre et d'hier a été regrettée par tout le monde. Pour certains, la jeunesse est démissionnaire ; pour d'autres, elles est déçue par la politique et les politiciens au point qu'elle préfère s'éclipser de la scène nationale et se réfugier dans le monde virtuel pour mieux canaliser sa colère. Amine et Fadhel, deux jeunes observateurs représentants d'un parti politique, ne cachent pas leur mécontentement voire leur colère, mais pas pour les mêmes raisons. Amine est irrité par l'omniprésence des « vieux » dans tous les coins et recoins de la scène politique, dans les partis, à tous les débats, sur les plateaux de télévision et dans les studios de radios et sur les colonnes des journaux. « Vous, les médias, êtes complices de ce qui se trame contre les jeunes, c'est-à-dire leur exclusion de la vie publique », nous lance-t-il justifiant ainsi l'éclipse des jeunes et leur non-participation aux moments forts de l'histoire du pays, comme les premières élections démocratiques et multipartistes de 2014. Voter ou se taire «Ce n'est pas vrai, rétorque Fadhel, les jeunes sont démissionnaires et ils ont failli à leur devoir en s'abstenant de s'exprimer à travers les urnes ». Pour Fadhel, les élections étaient l'occasion de prendre position contre les dysfonctionnements et les dérives de la révolution, l'occasion de dire sa colère, sa volonté de changement et d'agir pour le changement. « Je suis en colère parce que les jeunes n'ont pas essayé d'influer sur les résultats du vote en allant voter, parce qu'on ne change pas le cours des événements en se cloîtrant derrière son ordinateur ; les jeunes ont prouvé qu'ils peuvent changer les choses quand ils agissent; pour ces élections, ils ont été, à mon avis, absents et devront par conséquent se taire pendant les cinq prochaines années ». Se taire ? Impensable pour Amine. « Maintenant que nous avons arraché la liberté de parole, nous ne nous tairons plus », avertit-il, mais non sans admettre que « voter, c'est s'exprimer, exister » et qu'à chaque étape, sa révolution. Pour Amine et Fadhel, la mission d'observation qui est la leur est une autre forme de liberté et une opportunité de plus pour agir et pour exister en tant que citoyen à part entière.