El Makina, une pièce de théâtre qui vient compléter avec Infilet et Iltifef la trilogie théâtrale de Walid Daghsni, mêle la danse à un texte suggestif et met le doigt sur des questions d'actualité brûlante. El Makina, la troisième pièce théâtrale du metteur en scène Walid Daghsni, a été jouée devant le public du théâtre d'El Hamra, mardi dernier, et a ouvert la manifestation : «Le théâtre fête la révolution». Elle est jouée par une équipe composée de cinq personnages et relate l'aventure de ce groupe dans une embarcation, sur le point de couler. Une fois échoués sur une île déserte, les personnages, dont le capitaine et ses coéquipiers, se doivent de réparer la machine. Et à partir de ce moment-là, on devient le témoin d'un crime commis dans des circonstances énigmatiques et mystérieuses. Une journaliste parmi les passagers, rôle campé par Amani Belaaj, intervient alors et découvre, grâce à ses investigations, des complots, ainsi que des dossiers choquants sur la vie du capitaine. Elle se trouve d'ailleurs, malgré elle, impliquée et complice dans ce jeu malpropre. Et l'on assiste à un débat lancé par les différents personnages sur des problèmes intrigants, qui touchent la vie sociale et politique du pays, critiquant les défaillances des systèmes économique, politique, éducatif... Des postures figées, des moments de silence, des tirades et paroles chargées de sens, un rythme ascendant et un jeu d'acteurs bien mené, la pièce se veut comme une critique acerbe des abus du régime politique actuel et des partis politiques, qu'elle tourne en dérision dans certains passages. La pièce de Daghsni évoque ainsi des situations du quotidien, un vécu commun de tous les Tunisiens pendant ces quatre ans de révolution, avec des propos qui oscillent entre la peur et l'espoir. Les dialogues tournent autour du comportement du Tunisien, de la corruption, du conseil constitutionnel, du langage politique vidé de sens et de bon sens.... des thèmes chers à Daghsni. El Makina se joue dans le clair-obscur, une métaphore de l'absence d'une vision claire dans laquelle baigne le pays. El Makina est, donc, la métaphore d'un navire qui se noie petit à petit, et nous renvoie à l'image du pays qui manque de clairvoyance avec un texte très suggestif, chargé d'insinuations, et qui lance un appel à l'union et à la solidarité : il faut sauver la barque et sauver le pays. Sur un décor minimaliste, les acteurs ont mis en place des tableaux de danse, traduisant leur vision esthétique de la réalité. Il est à saluer la prestation dynamique des acteurs, Ameni Belaaj, Arwa Ben Ismaïl, Mounir Laâmari, Makram Sanhouri et Karim El Gharbi qui ont enchaîné les tableaux les uns après les autres. Ainsi, à travers El Makina, Daghsni offre sa propre vision de l'évolution de la situation politique en Tunisie et ses craintes face à un avenir incertain. Notons que la pièce El Makina a été sélectionnée pour participer au Festival du théâtre arabe qui se déroulera au Maroc ce mois-ci.