Journalistes et patrons de presse reconnaissent que la profession est en danger. Ils appellent à une solution urgente Le secteur de la presse a-t-il fait sa révolution ? On ne le pense pas, du moins au niveau de la pratique purement professionnelle de l'employabilité qu'il offre. Car, quatre ans ont déjà passé, sans rien voir venir jusque-là. Sauf que toute la corporation, journalistes et patrons, n'a cessé de dénoncer la crise financière qui pourrait conduire à sa faillite. Mais ce constat, quelles qu'en soient les raisons, ne peut, en aucun cas, justifier un état de fait qui saute aux yeux : démission de bon gré ou licenciement forcé. Telle est la situation précaire dans laquelle s'enlisent, aujourd'hui, certains de nos confrères, dans plusieurs médias privés en particulier. Pas plus tard qu'hier, le Snjt, en collaboration avec le réseau Euromed des droits de l'homme, a remis la question sur le tapis, en se focalisant sur « l'emploi précaire dans le secteur médiatique : réalités et mécanismes de lutte ». Ce débat récurrent s'est ainsi instauré lors d'une journée d'étude organisée au siège du Syndicat des journalistes tunisiens à Tunis, à laquelle ont pris part les protagonistes de la profession et les syndicalistes, en l'occurrence la Fédération des directeurs de journaux (FDJ) et le Syndicat des entreprises médiatiques (SEM). Un représentant du ministère des Affaires sociales y était aussi présent, aux côtés des experts en code du travail qui sont venus lever le voile sur les cas d'injustices commises au nom de la loi, bafouant, ainsi, le droit au travail décent. C'est que sous prétexte de ne plus pouvoir supporter les charges des dépenses et d'assurances, des patrons-commerçants ont fini par limoger certains de leurs effectifs professionnels. A tort ou à raison ! Et dans les meilleurs des cas, ces chefs d'entreprises privées n'ont point hésité à faire subir à leurs journalistes, cheville ouvrière de l'industrie médiatique, toutes les formes de pression jusqu'à l'exclusion. Et même dans ce contexte révolutionnaire, pour ne pas trop revenir en arrière à l'époque de la dictature, pareils cas d'emploi déstabilisé sont assez multiples. Et des affaires similaires, encore en suspens, cherchent désespérément justice. L'emploi précaire ne donne guère la liberté Pourquoi parle-t-on, de plus en plus, d'instabilité professionnelle au sein de nos médias ? Aussi, est-il, aujourd'hui, vrai que la révolution n'implique pas forcément l'évolution des choses et que ce secteur, en perpétuelle mutation, a besoin plus que jamais de rattraper le temps perdu. La question d'emploi décent s'impose en tant que condition nécessaire, à même de favoriser un produit journalistique de qualité qui soit à l'image de la liberté d'expression acquise, l'unique faveur de la révolution médiatique. Cela est dû à quoi? A qui incombe la responsabilité ? Le président du Snjt, Néji Bghouri, a imputé ce vécu bien réel à certains réfractaires récalcitrants parmi les patrons des médias. Ce qui fait que leur politique de fuite en avant se répercute, cruellement, sur le gagne-pain des journalistes. Ces responsables, a-t-il ajouté, cherchent souvent à ne plus appliquer la loi. Cela est manifestement perceptible auprès des privés. Reste que les médias dits du service public, presse écrite et audiovisuelle, sont régis, dans leur fonctionnement, soit par la loi-cadre l'organisant soit par la convention collective dont ils dépendent. La protection des uns est tributaire de celle des autres Et Néji Bghouri d'évoquer également les contrats de travail en mode « SIVP » ou par le biais du « mécanisme 21 », lesquels sont devenus beaucoup plus contraignants. « Autant de pratiques détournées et abusives pour « légitimer » le refus d'intégration. Soit injustifier l'injustifiable pour ainsi dire...», a-t-il encore affirmé. C'est que le journaliste stagiaire se retrouve, au terme d'un stage loin d'être évaluatif, condamné au chômage prolongé. Cela pourrait durer des mois et des mois, le laissant livré à lui-même. Un scénario qui risque de se répéter mille fois, au vu et au su de toute la profession. Sans que personne ne puisse bouger le petit doigt. « Un journaliste dont la situation professionnelle est vulnérable n'est plus considéré comme libre et maître de soi... », s'indigne-t-il, faisant rappeler les mauvaises manières de la défunte Atce. Le président du Snjt a appelé à faire valoir les réflexions communes que toutes les parties prenantes s'engagent à mener à bien, afin de résoudre ces problèmes. D'après lui, l'on pense sérieusement à orchestrer une vaste campagne de lutte contre l'emploi vulnérable dans le secteur médiatique. Le cheval de bataille d'une action commune pour défendre les droits sociaux et économiques des journalistes. « C'est un message que l'on veut passer à tous nos partenaires, mais aussi au gouvernement et au parlement pour les sensibiliser au danger de l'emploi vulnérable», a-t-il conclu. Mme Amel Mzabi, présidente du Syndicat des entreprises médiatiques (SEM), semble en être consciente, avouant que le secteur vit, de nos jours, une crise financière alarmante. Au point que plusieurs entreprises, prévient-elle, sont menacées de mettre la clé sous le paillasson, ce qui pourrait porter atteinte à la pluralité du paysage médiatique. Elle recommande d'alléger le fardeau des entreprises (taxes douanières, impôts, retenue d'assurance sociale), dans le but de pérenniser son autonomie et garantir sa survie. Car, selon elle, la protection des journalistes est tributaire de celle des patrons.