Premier bloc parlementaire d'opposition, le Front populaire compte jouer pleinement son rôle en dénonçant un rapprochement de plus en plus évident en ce qu'il appelle «l'alliance des libéraux». Les frontistes devraient, selon la loi, hériter de la présidence de la commission des finances. Dans cet entretien, Nizar Amami, chargé du contrôle du budget au sein du bureau de l'Assemblée, critique l'orientation libérale du gouvernement Essid et précise les ambitions de son groupe parlementaire à la tête de la commission des finances Êtes-vous satisfaits du poste attribué au Front Populaire dans le bureau de l'Assemblée ? On ne peut pas parler de satisfaction, car c'est une coalition entre Nida Tounès et Ennahdha qui prend forme de jour en jour, surtout au niveau de la distribution des postes de responsabilité. Ce n'est pas vraiment un consensus large, c'est un consensus restreint entre les deux blocs majoritaires qui veulent asseoir leur domination du paysage politique. Nous voulions un poste à responsabilité, car le poste de contrôle de l'exécution du budget reste interne à la gestion de l'assemblée. Les deux groupes majoritaires, ont obtenu les postes en relation avec les médias, la législation et tout le travail de fond de l'Assemblée. De toutes les manières le règlement intérieur ne nous donnait pas le choix. Vous aviez déclaré il y a quelques jours que qu'Ennahdha et Nidaa tenteraient de faire barrage au Front populaire pour la présidence de la commission des finances, est-ce que vous maintenez ces propos ? Jusqu'à présent, le règlement intérieur est en notre faveur et nous donne la priorité pour la présidence de la commission des finances, en tant que première force d'opposition au Parlement. S'il y a des manœuvres pour écarter le Front populaire, nous en parlerons en temps opportun. Maintenant, si nous décrochons la présidence de la commission des finances, nous formerons une force d'opposition créative et une force de proposition. La présidence de la commission des finances permettra au Front populaire de s'opposer au modèle libéral proposé par les deux partis majoritaires. Notre voix sera plus audible. Le modèle économique qu'on nous propose, basé sur l'endettement et les politiques d'austérité, ne permettra jamais de répondre aux revendications des masses populaires. Est-ce que vous pensez que le gouvernement Habib Essid va poursuivre des politiques d'endettement et d'austérité ? Il est évident que le gouvernement Essid n'est pas celui d'Alexis Tsípras en Grèce, qui a composé son gouvernement en 48 heures et annoncé des mesures obéissant aux revendications populaires et a négocié d'égal à égal avec la Troïka européenne. Lorsque le chef du gouvernement Habib Essid déclare que la première de ses priorités est d'honorer les engagements avec les bailleurs de fonds, nous comprenons qu'il poursuit les mêmes politiques socioéconomiques menées depuis une dizaine d'années et qui ont brillé par leurs échecs. Ce gouvernement ne va pas mettre fin à la crise, il va l'accentuer.