Le mois d'avril 2015 restera dans les annales comme le mois où tout le monde a goûté à la grève pour au moins deux jours Les gens de l'enseignement (primaire, secondaire et supérieur) ont débrayé et on s'attend à ce que les professionnels de la santé, de Tunisie Télécom et de l'Agence de télédiffusion rejoignent le cortège d'ici fin avril A l'époque de feu Hédi Nouira, Premier ministre de Bourguiba de novembre 1970 jusqu'à fin avril 1980, le mois d'avril était considéré comme le mois des négociations sociales. Il était généralement clôturé le 1er mai de chaque année, jour de la fête internationale du Travail, pour l'annonce des augmentations salariales tant attendues. Et ceux qui ont toujours cinquante ans ou plus doivent se souvenir de la fameuse formule «le rendez-vous d'avril», en arabe «Mawed avril», entendez «le temps des augmentations». De nos jours, près de trente-cinq années après, les régimes de Bourguiba et de Ben Ali faisant partie désormais de l'histoire, les gouvernements de la Troïka I et II et des compétences apolitiques ayant vécu et voici près de cinq ans que la Tunisie vit une révolution «permanente» et une transition démocratique qui construit toujours ses institutions, le mois d'avril a changé d'appellation et les Tunisiens y voient le mois des contestations de tous bords, des appels aux grèves interminables et des mouvements de protestation qui n'ont épargné aucun domaine de la vie politique, économique, sociale et culturelle. Un véritable tsunami organisé par ceux qui disent non à tout ce que le gouvernement Essid entreprend ou envisage d'entreprendre, qui s'élèvent contre les lois votées par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) ou dénoncent les projets de loi avant même qu'ils n'atterrissent auprès des commissions parlementaires censées les discuter et ne passent devant les députés en séance plénière. Et les chiffres sont éloquents quant à la vague de grèves que les Tunisiens ont vécue durant la première quinzaine d'avril. Les enseignants du secondaire, menés par le bouillonnant secrétaire général de leur syndicat, Lassaâd Yacoubi, ont séché les examens du deuxième trimestre qui devaient se dérouler à la rentrée des vacances de printemps et ont fini par avoir gain de cause en obligeant le ministère de l'Education à répondre à leurs revendications et à leur accorder les primes spécifiques qu'ils exigeaient, en attendant de bénéficier de l'augmentation qui sera décidée en faveur des 700.000 salariés de la fonction et du secteur publics (le gouvernement propose jusqu'ici 50 dinars par mois alors que l'Ugtt s'attache à au moins 70 dinars). Les enseignants du supérieur leur ont emboîté le pas les 13 et 14 avril pour demander au ministère de l'Enseignement supérieur de leu régler les arriérés que l'Etat leur doit depuis plus de quatre années et que les précédents ministres ont reconnus. «Malheureusement, souligne Hassine Boujarra, secrétaire général de la Fédération générale de l'enseignement supérieur, on attend encore qu'on soit payés pour les services rendus à la communauté et ça ne peut plus durer». Les instituteurs ont aussi tenu à participer à la messe générale et ont déserté leurs écoles et leurs élèves le 15 avril «pour faire comme les grands». Les télécommunications de retour Et le mouvement de se poursuivre d'ici fin avril. Les syndicalistes des télécoms, toujours conduits par Mongi Ben M'barek, le secrétaire général de la Fédération générale, annoncent deux jours de débrayage au sein de Tunisie Télécom les 27 et 28 avril, outre les mouvements de protestation quotidiens. Les travailleurs au sein des institutions hospitalières (médecins, infirmiers et auxiliaires de la société) observent eux aussi deux jours de grève les 28 et 29 en signe «de protestation contre la non-application des accords déjà conclus. Toutefois, la grève ne touchera pas les services des urgences». Les techniciens de l'Agence nationale de télédiffusion risquent, de leur côté, de susciter la colère des fans de l'Espérance et de l'Etoile qui pourraient être privés de suivre à la télé le choc ESS-EST prévu jeudi prochain à Sousse. En effet, les syndicalistes prévoient une grève de 10 jours qui démarre aujourd'hui, lundi 20 avril, et s'étendra sur 10 jours. Et si l'on ne parvient pas à un accord, les Tunisiens pourront vivre une dizaine de jours sans télévision. «Pourtant, les demandes des employés de l'agence sont faciles à satisfaire, concernent 119 agents uniquement et n'ont pas d'incidences financières. Il est malheureux de voir que le ministère des Télécommunications a renié les accords déjà conclus et refuse de reprendre le dialogue», assure le syndicat de l'agence. De leur côté, Saïd Aïdi, ministre de la Santé, et Noômane Fehri, ministre des Télécommunications, multiplient les visites sur le terrain pour découvrir eux-mêmes «les réalités, comme ils le soulignent, et prendre les décisions qu'il faut». Sauf que les syndicalistes qui se félicitent des bonnes intentions des nouveaux ministres veulent des actes concrets et «au moins appliquer les conventions déjà signées en attendant de lancer les grandes réformes». C'est le cas de la réforme du système éducatif dont les assises démarreront le mercredi 23 avril au Palais des congrès de Tunis. Samedi, Hfaïedh Hfaïedh, membre du bureau exécutif de l'Ugtt, a déclaré que l'Ugtt boycottera le dialogue national car «nous n'avons pas été associés à l'élaboration du programme du dialogue», et Mokhtar Khalfaoui, porte-parole du ministère de l'Education, de répliquer en soulignant : «Les syndicalistes ont participé à toutes les phases préparatoires de la consultation». La nuit a porté conseil et les syndicalistes sont revenus à la raison puisque le bureau exécutif de l'Ugtt a tenu, hier, une réunion pour décider de la participation au rendez-vous de mercredi prochain.