La démission des deux membres de la Haica a été confirmée par le président de l'instance, Nouri Lajmi. Mais qu'en sera-t-il de l'avenir de la Haica, faute de quorum ? Est-elle vouée à disparaître ? Rachida Ennaïfer et Riadh Ferjani, membres de la Haica (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle), ont présenté, hier, leur démission de l'Instance. Laquelle a été créée afin de réguler les médias audiovisuels et de garantir, outre leur indépendance, la qualité de l‘information, la liberté d'expression, le pluralisme médiatique et les règles de l'éthique et de déontologie du métier et enfin de renforcer, en tant qu'instance constitutionnelle indépendante, la démocratie. Les deux membres contestent, selon un communiqué commun, outre les licences accordées le 24 juillet 2014, les nouvelles licences octroyées le 20 avril qui, selon eux, constituent «un tournant qui sape le fondement même de la régulation des médias audiovisuels et particulièrement la garantie de la pluralité et de la diversité des médias». Face à ces dérives répétées qui, toujours selon les démissionnaires, «soumettent ces médias aux pouvoirs financier, politique et sportif et exploite la Haica à des buts autres que ceux pour lesquels plusieurs générations de journalistes et d'activistes des droits de l'Homme ont lutté durant des décennies». Ainsi, ces deux anciens membres de la Haica estiment que «l'octroi des dernières licences pour plusieurs chaînes de radio et de télé en date du 1er avril 2015 et également ceux en date du 24 juillet 2014 l'ont été sous des pressions exercées sur la Haica par des lobbies de la politique, de l'argent et du sport». Par conséquent, «ces autorisations de diffusion accordées par la Haica ne respectent pas les principes fondateurs de l'Instance qui sont la garantie de la diversité et du pluralisme des médias audiovisuels et d'un paysage médiatique professionnel, pluriel et transparent». Mais alors pourquoi ces démissions tardives qui suscitent des questionnements et interrogations sur leur véritable enjeu ? Rachida Ennaïfer et Riadh Ferjani répondent, en quelque sorte, à cette question dans le communiqué commun en expliquant que «même si les licences octroyées le 24 juillet 2014 représentaient à leurs yeux une infraction de la Haica qui aurait pu provoquer, alors, leur démission, ils ont décidé de poursuivre leur mission et d'agir de l'intérieur afin de rectifier le tir et d'empêcher les dérives pour préserver la crédibilité et l'efficience de l'instance, notamment lors des échéances électorales, législatives et présidentielle de 2014 qui nécessitaient le contrôle et l'évaluation de la couverture des médias audiovisuels». De son côté, Nouri Lajmi a estimé, dans une déclaration à Shems-FM, que «la manière de l'annonce des raisons de ces démissions n'est pas responsable outre que ces raisons relèvent de l'affabulation». Ajoutant «que ces démissions sont irresponsables et en contradiction avec les principes mêmes du décret-loi 116». Deux hypothèses Au-delà des justifications sur les motivations de ces démissions et de la réaction du président de la Haica une question urgente se pose : que faire faute de qorum qui est constitué de 6 voix ? Surtout si l'on sait que la Haica qui était composée de 9 membres ne compte plus aujourd'hui que cinq membres. Car outre les deux dernières démissions, rappelons que Mohsen Riahi a présenté sa démission de la Haica le 8 juillet 2014 alors que Raja Chaouachi a été désignée à la tête du Tribunal de 1ère instance de Tunis. Deux hypothèses sont possibles : la première consiste au remplacement urgent et imminent de ces deux derniers membres démissionnaires : Rachida Ennaïfer, candidate du Syndicat national des journalistes tunisiens, et Riadh Ferjani, candidat de l'ANC. La deuxième hypothèse, la plus grave pour la Haica, serait qu'elle se transforme en instance de gestion des affaires courantes sans aucun pouvoir de décision faute de qorum. Ce qui encouragera le piratage et instaurera le désordre dans le secteur. L'Instance permanente qui remplacera la Haica ne verra pas le jour de sitôt car le projet de loi qui est en préparation par l'actuelle Haica n'a pas encore été soumis à l'ARP (Assemblée des représentants du peuple). Il faudrait donc plusieurs mois pour la mise en place de la nouvelle instance permanente. Ce qui laisserait la porte ouverte à tous les dépassements et dérives dans le secteur. Maintenant la deuxième question qui se pose est la suivante : les autorités politiques agiront-elles en conséquence afin d'éviter le désordre et l'anarchie dans le domaine des médias audiovisuels ou assisterons-nous à la consécration du vide et de l'absence totale de régulation du secteur ? Tout est question de volonté politique.