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Procès Kazdaghli: Leçons et conséquences d'un acquittement attendu
Publié dans Leaders le 04 - 05 - 2013

Comme pronostiqué dans mon dernier article publié sur le site de Leaders intitulé L'acquittement du Doyen Habib Kazdaghli à l'horizon, la chambre correctionnelle du tribunal de la Manouba a rendu en première instance un verdict d'acquittement en faveur du défenseur emblématique des libertés académiques et de l'autonomie de l'institution universitaire. Nous l'avons appris le jour de la sentence, par hasard, sur Twitter peu après 13 heures par un internaute relayant vraisemblablement des journalistes bien informés et à l'affût des nouvelles provenant du tribunal de la Manouba alors que nous étions sur des charbons ardents à attendre le verdict dans le bureau du Doyen. Nous n'avons même pas eu le temps de nous interroger sur la véracité de l'information que l'un des avocats de la défense, d'une énergie débordante et qui s'est concentré depuis plusieurs mois sur l'affaire – il se reconnaîtra – appelle depuis le greffe du tribunal pour confirmer la bonne nouvelle. Des signes de bonne augure l'annonçaient depuis quelques jours, dont le bouquet prémonitoire de roses de l'Ariana, d'arômes et de menthe offert au Doyen par une collègue et amie quelques heures avant le prononcé du jugement et d'autres signes que je passerai sous silence de peur de m'autosuggestionner et de m'imaginer disposant de dons de médium !
Un épilogue attendu
Les amis du Doyen et les Tunisiens, qui suivent les péripéties du procès presque à la loupe, à travers ces chroniques ou qui collectent leurs informations à la source, n'avaient pas besoin de mes dons de médium pour être rassurés et confiants car tout plaidait en faveur de ce dénouement heureux. Le scénario ubuesque, imaginé et ourdi par la plaignante et ses complices, d'une gifle administrée sur la joue droite par un droitier laissant, plusieurs heures après l'agression, une trace encore visible sur une joue protégée par un niqab (sic !), n'a convaincu personne. Même la plaignante, pourtant interrogée à plusieurs reprises au sujet de la gifle, n'a pas osé, tellement la ficelle était grosse, tromper le juge en confirmant cette version rocambolesque des faits! Enfin, l'expertise établie par le Conseil de l'ordre des médecins a conclu que le certificat médical initial, pièce maîtresse de l'accusation, était un certificat de complaisance.

Dans ce scénario mal concocté, les marionnettistes salafistes et leurs alliés ont métamorphosé, dans une bizarre inversion des rôles et dans un tour de prestidigitation intellectuelle et morale condamnable, un agresseur qui reconnaît avoir fait irruption dans le bureau du Doyen en une victime ( la plaignante), et une victime coutumière des agressions salafistes pendant la crise du niqab en un délinquant de droit commun( le Doyen) . N'ont été dupes de la supercherie que ceux qui avaient bien envie de l'être, d'autant que la version du Doyen avait été corroborée par des témoins des plus crédibles.

Pour le Doyen et les défenseurs des libertés universitaires aussi bien dans le milieu associatif que dans la sphère syndicale, autant en Tunisie qu'à l'étranger, c'est la fin d'un long calvaire qui a duré quatorze mois en raison d'un procès aux allures d'un feuilleton interminable et connaissant des péripéties ubuesques – dont la requalification de l'accusation – qui ont failli ébranler notre confiance dans la justice tunisienne et dans sa capacité à redorer son blason après plus d'un demi-siècle de dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Nous sommes au bout du tunnel et le probable pourvoi en appel de la plaignante ou du ministère public ne changera pas le verdict prononcé par les juges de première instance, du moins pour le Doyen qui verra son acquittement confirmé.
Le couronnement d'un combat pour le triomphe des valeurs de la nouvelle République
C'est aussi le couronnement logique, laborieux et souhaité d'une longue bataille qui a pu parfois prendre l'allure d'une résistance émouvante et épique pour sauver un innocent que d'aucuns voulaient immoler à l'autel du fanatisme religieux et politique. Cette situation n'est pas, sans rappeler, toutes proportions gardées, les mobilisations de solidarité menées en faveur d'accusés célèbres traduits devant la justice dans des procès iniques ou les victimes passées à la postérité d'erreurs judiciaires en raison de l'acharnement de « l'Infâme » – comme dirait Voltaire – à les persécuter.

Révoltés par ce procès inique, les universitaires et les militants tunisiens de la société civile se sont mobilisés pour ce combat parce qu'ils étaient soucieux de réussir le nouveau rendez-vous avec la démocratie. Les amis de la Tunisie dans le monde entier, fervents amoureux du printemps tunisien étaient, eux aussi, désireux de voir le processus initié le 14 janvier 2013, couronné par la naissance d'une république civile et démocratique. Les Tunisiens et les amis de la Tunisie avaient tous la certitude que le procès intenté à Habib Kazdaghli était à fois le procès des libertés universitaires et le procès des libertés démocratiques.

Les motivations citoyennes de ces actions concertées, exprimées dès le début du procès, sont révélatrices des enjeux cruciaux d'une société en devenir qui aspire à la démocratie, à la diffusion et à l'exercice de la liberté de la pensée, de la liberté d'expression et de recherche, au développement de l'esprit critique, au respect de la différence et du pluralisme mais qui risque de voir, in fine, sa Révolution confisquée par un régime théocratique qui nie toutes ces libertés au nom prêt à penser, du dogme absolu, du monolithisme politique, idéologique et religieux. Dans ce contexte où tout peut basculer, l'Université se devait de jouer un rôle de premier plan dans une symbiose parfaite avec la société civile pour la défense des libertés fondamentales encore balbutiantes et pour aider à l'avènement de la démocratie. La crise du niqab à la Faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba lui a donné l'opportunité de défendre, à la faveur du procès intenté au Doyen Habib Kazdaghli, ces aspirations et ces valeurs de la République en gestation.

L'acquittement apparaît, de ce point vue, comme la consécration de l'attachement de l'élite tunisienne et des défenseurs des libertés à ces valeurs et la preuve de leur capacité à les faire valoir. C'est aussi une caution à la pertinence et à l'efficacité d'une stratégie du front et de la coalition à opposer aux tentatives de confiscation par l'islam politique des objectifs de la Révolution. Cette mobilisation quantitative et qualitative est, de fait, inédite dans l'histoire de l'université tunisienne. C'est la première fois que la société civile s'y investit d'une part. D'autre part, elle ne s'est pas essoufflée en dépit des manœuvres multiples et vaines pour nous avoir à l'usure. Elle balise la voie pour les combats à venir qui s'annoncent plus durs que celui de la défense des valeurs universitaires qui n'est pas encore achevé.
Une victoire de l'Etat de droit et des valeurs universitaires
L'acquittement du Doyen permet de poser les jalons de la construction d'une République nouvelle où le respect de l'Etat de droit et des institutions est une valeur primordiale. Les juges en charge de ce procès, en jugeant en leur âme et conscience, ont envoyé, par ce verdict, des signaux très forts à la société tunisienne pour la rassurer sur l'intention des magistrats tunisiens à contribuer à cette édification. Ils ont fait, à l'occasion de ce procès, honneur à la Révolution de la Dignité en passant avec un grand succès le test de l'aptitude de la justice à assurer sa neutralité et son autonomie. Nous avons, du reste, loué à l'occasion de cette chronique et à chaque audience du procès, le professionnalisme de ces juges et leur honnêteté. C'est sur ces qualités que nous nous sommes basés pour justifier notre optimisme quant à son issue.

Nous sommes en train d'assister, sur les ruines de l'ancienne justice, pas encore à la naissance d'une nouvelle justice républicaine (le chemin est encore parsemé d'embûches, voire d'obstacles), mais à un sursaut rageur, à un combat pathétique des juges, soucieux d'exercer la justice en toute indépendance et conformément aux normes internationales en vigueur. Les verdicts de procès d'opinion ou d'affaires mettant en cause la liberté d'expression ou la liberté de création, récemment instruits, confirment ce sentiment ainsi que les luttes des juges à travers leur syndicat et à leur association pour mettre fin à un demi-siècle de soumission au pouvoir politique malgré la volonté de mainmise de ce pouvoir sur le pouvoir judiciaire, particulièrement affichée au moment des débats sur la loi portant création de l'Instance provisoire de la magistrature. La société civile et les partis démocrates devraient se montrer plus solidaires avec les magistrats pour les aider à conquérir leur indépendance. Sans justice indépendante, point de libertés académiques, point de libertés démocratiques. C'est l'une des leçons à tirer du procès Kazdaghli.

La reconnaissance de l'innocence du Doyen, qui est un refus de l'instrumentalisation de la justice par les fossoyeurs des libertés académiques, va conforter, par ailleurs, la résistance des défenseurs de ces libertés, confrontés, particulièrement à la faculté des sciences, à une nouvelle « ghazoua ».

Un vent révolutionnaire semble aussi souffler sur le Conseil de l'ordre des médecins qui rompt avec les vieux réflexes d'indulgence vis-à-vis des fautes professionnelles commises par certains membres de la profession. L'expertise innocentant le Doyen est à l'honneur d'une instance qui semble décidée à faire triompher l'Etat de droit et à veiller au respect par les médecins du code déontologique de la profession.
De la nécessité de la vigilance
L'acquittement du Doyen, s'il confirme le bien fondé de notre combat pour les règles académiques, ne signifie nullement une victoire définitive sur ceux qui ne les reconnaissent pas, qui essaient asservir la connaissance et les moyens de sa transmission à leurs croyances religieuses sectaires et qui rêvent de transformer la Tunisie en Tunistan. Ce qui se passe en ce moment à la faculté des sciences de Tunis où un groupe d'étudiants, bénéficiant de l'appui du ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, revendique depuis plus de deux mois le droit des niqabées à suivre les cours et à passer les examens tout en portant le voile intégral, dans un remake très médiocre des évènements survenus au cours de l'année universitaire écoulée à la Manouba, est révélateur du long chemin qui reste à parcourir.

Réagissant à l'acquittement du Doyen , une cinquantaine d'étudiants affiliés à l'Union générale tunisienne des étudiants (UGTE), syndicat nahdhaoui, ont organisé, le lendemain du verdict, une assemblée générale à la Faculté des lettres des arts et des humanités de la Manouba pour appeler à « dégager »un doyen sioniste, ennemi de l'islam, persécutant les niqabées pour leurs convictions religieuses et leur niant leur droit à l'éducation en leur interdisant le port du niqab.

Le verdict du 2 mai 2013 est une décision de justice qui réconcilie les Tunisiens avec l'Etat de droit et des institutions et, par là même, avec l'esprit de la Révolution de la dignité et Elle jette les fondements d'une nouvelle République, celle dont rêvaient les martyrs. C'est une victoire qui a comblé de bonheur les Tunisiennes et les Tunisiens, qui se sont habitués à voir en Habib Kazdaghli une icône de la défense des libertés, de la femme et de l'enseignement. Elle balise la voie à d'autres conquêtes. Mais le combat est encore long !

Habib Mellakh, universitaire, syndicaliste, professeur de littérature française à la FLAHM
La Manouba, le 2 mai 2013


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