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Arabe 1 Vs. Arabe 2
Publié dans Leaders le 28 - 01 - 2014

Etrange en effet. Cette capacité qu'a le Tunisien de s'installer dans n'importe quelle culture. Il peut devenir américain, italien, français, saoudien, mais pas tunisien. Intelligent, hyper-connecté, renard, il prend le train du monde avec une colère rentrée du type en retard sur son temps et qui s'en veut. On le retrouve tout à un affairement extraverti.
Il y a eu toujours deux Tunisie: l'extravertie et la religieuse qui semble actuellement en plein divorce et que la seconde prend chaque jour l'avantage.
Existe-t-il une identité tunisienne hors de la religion? Vous avez les prétendus «laïques», des «sans Dieu», de l'autre côté des «fous de Dieu». Or, l'Islam n'est né ni trop tôt, ni trop tard, c'est un invariant du Monde Arabe. Ce «Romantisme», selon ce bon mot de R. Debray, a pris les choses en main lors du déclin et l'échec du Nationalisme Arabe et se voulant comme son dépassement. Or, faut-il les opposer l'un à l'autre. L'un réédite le Nationalisme Européen, l'autre se voulant l'ultime espoir. Dernière cartouche, en quelque sorte. Peut-il imiter Israël où la Torah règne, mais ne gouverne pas. Or, l'idéal maintenant, c'est l'Amérique, la science, le sport. Le pluralisme sera-t-il une idée tunisienne, une culture attrape-tout: «L'être vrai à l'être voulu», le «ramage au plumage».
Il est vrai que l'on se connaît mal entre nous. Dans ce face-à-face de se retrancher, chacun dans son rôle, que l'autre lui assigne. Le dévergondé (le séculier) et le fanatisé et barbu (le régulier). Le seul Dieu des uns sera «le principe de plaisir». Les autres ignorent totalement le «fun islamique». Appelons-les A1 et A2. A1 connaîtra le sort des Beurs en Europe. S'il est trop assimilé, il fondra comme un glaçon dans l'eau ou il peut (A2) vivre un désir effréné d'authenticité, de repli sur ses traditions avec, en sourdine, un besoin d'occidentalisation. Cela ne va pas de soi deux tunisiens. Comment les réconcilier ? La balance n'a toujours penché que d'un seul côté. «Est-ce bien du moitié moitié dont il est question?» Or, aucune moitié ne pourra gouverner l'autre ! Peut-on descendre vers les sources du fleuve originel, plus ou moins ensablés en surface.
Or, il ne faut pas prendre les Américains, ni les Saoudiens, d'ailleurs, pour vos cousins. Ceux qui font la pluie et le beau temps. Ton ambivalence envers l'Occident, on la retrouvera chez tous les Arabes (progressistes et conservateurs): «On les aime (les occidentaux) parce que c'est chez eux qu'on a appris à vivre et à penser librement. On les déteste parce qu'ils nous ont colonisés» (R. Debray).
Le Tunisien manque-t-il réellement de profondeur, de densité historique. Peut-il être lui-même, ou faut-il l'accréditer d'une croyance venue de plus haut (l'Islam)? Seul, peut-il tenir la route? Sommes-nous devenus, nous Tunisiens, les Arabes d'un système pan–-arabique qui n'a jamais pu triompher ? Des Arabes « déchus » par le Bourguibisme. L'Arabité s'est voulue un dispositif institutionnel, aussi une disposition de l'esprit. Mais, l'Arabe n'a-t-il pas gangrené la plupart de nos jugements sur la notion d'Arabe. L'Arabe, fasciné par ses mythes d'origine, il se ressasse une fable qui, pour d'autres, est perçue comme chimérique, voire ridicule.
Grand est l'avance ou le retard de son imaginaire sur sa réalité contemporaine. «L'obsession du passé est, en elle-même, un archaïsme, un futurisme inversé, ou plutôt le signe d'un progressisme retardataire qui nous renvoie au passéisme des pleureuses rétrogrades, n'inspirent que le découragement et la lassitude», Debray R.
Le Monde Arabe peut-il faire sa percée ? Faut-il croire au miracle, à la providence? L'Islam peut-il encore jouer ce rôle?
Faut-il désespérer de la Tunisie au nom de cet Esprit Arabe qui, naguère, avait la volonté de dominer? Cette nation qui semble incompatible, avec les autres, du point de vue de l'esprit communautaire et par son particularisme.
Or, pour instaurer loi et Etat Moderne, le Tunisien doit tuer l'Arabe en lui. Mais, de quel Arabe s'agit-il? Si l'Arabe est essentiel à lui-même, comme ces huiles essentielles qui, frelatées, donnent un précipité indéfini en forme et en couleur. L'Arabe arabe vivrait-il «un état de passivité complète, d'une laideur complète»? Hegel.
Il est évident que cette définition ne peut être que politique. Elle n'est ni culturelle, ni raciale.
D'Arabe, dominant en Coran et en Idées, il devint un peuple dominé en réalité effective.
La ruine des Etats Arabes prouve que l'Arabe ruine son propre Etat. Il veut tout et ne se satisfait de rien.
L'Etat conviendrait-il à l'Arabe?
L'Arabe n'a de cesse d'afficher une volonté de s'émanciper de la prétendue manière Arabe de s'émanciper.
Un jour que je traversai la Médina, je rencontrai un personnage en longue djellaba avec une barbe touffue qui le rendait inassimilable. Est-ce là aussi un Tunisien? Telle fut ma première pensée. Il m'examina à la dérobée, son regard se dirigea vers mon short qui m'habillait et qui pour lui me déshabillait. Une moue méprisante se dessina sur ses lèvres. Son regard n'était pas celui d'un homme à un autre homme. C'était celui de deux mondes différents. Son esprit devait lui dire: «ce quelque chose que j'ai devant moi appartient-il à une espèce qu'il faudra supprimer!» Je me surpris à me détester le détestant. Mon émotion prit aussi une autre forme: comment réassimiler les désassimiles? Sa vérité était-elle dans cette longue djellaba et dans sa barbe. Oui, mais l'assimiler à quoi? A la religion? Il n'en a plus, aveuglé d'avoir trop mal lu le Coran. Il n'est tranquille nulle part, ni dans le Coran, ni dans la révolution ! Son âge : dix huit à vingt ans. Il se veut prédicateur, il rêve d'entraîner les masses, de remonter à vol d'oiseau les siècles et fonder le Califat. C'est ce qu'on appelle l'histoire romancée, d'unir les désunis par le Coran. Comparée à la leur, notre pensée paraîtra courte.
Les maîtres penseurs ont inventé pour lui des théâtres sanglants (Afghanistan, Syrie, ...) pour y mourir à 20 ans. Oui, ils sont dans le divin, le divin qui n'est pas encore Dieu, mais nous en approche, autour duquel tout tourne.
L'Arabe arabe ne sera pas une simple opération de vase communiquant. L'Arabe n° 1 veut tuer l'Arabe n° 2 et inversement. Si l'histoire de leurs relations ne retient que leurs malheurs, plutôt que leurs bonheurs. Ils excellent en entente négative exprimée en des circonstances douloureuses: guerre des six jours, unions avortées. Chacun d'eux aura torturé l'autre, pas pour lui arracher sa vérité, mais pour qu'il la taise.
L'Arabe numéro un, sujet innocent, mais comme cible de l'Arabe numéro deux (objet) coupable et inversement, qui monte sur les épaules de qui? Qui fait la courte échelle à qui? Or, celui qui est monté ne s'occupera plus de l'échelle.
Que doivent-ils faire? S'autodiscipliner, ou bien se volatiliser dans une crise qui fera ressortir l'un deux (A1) : soit plus rationnel, calculateur et implacable gestionnaire, voulant faire son entrée dans la mondialisation qui sera américaine, sauf improbable et imprévu; ou A2, dont le vol d'oiseau qu'il a entrepris pour franchir les siècles et retrouver son âge d'or, deviendra de plus en plus anarchique et de plus en plus sanglant, «chacun ne voulant laisser l'autre faire le bien à sa place, chacun voulant transformer l'autre en chose et faire de telle sorte ce qui doit être fait ne soit pas fait» (Hegel). Car, aucun d'eux n'a plus rien d'original à dire et à nous apprendre sur l'avenir du monde arabe.
Souvent, il leur arrive de monter sur le ring. Ils sont frères ennemis et désunis dans le concept. Il leur arrive de déclencher une ascension aux extrêmes. Mais, ils ont une manière bien à eux. Ils sont comme ce serpent à deux têtes. Lorsqu'on cherche à le nourrir, ses deux têtes rentrent en conflit compétition, oubliant qu'ils nourrissent le même corps. «S'ils se déchirent c'est qu'ils sont prêts à s'entretuer. Quand ils se rencontrent, il faut les séparer, mais s'ils se séparent, c'est qu'ils se cherchent encore, le titre est en jeu» (Glucksman). C'est le combat du siècle. A1 occidentalise son jeu, A2 l'orientalise. Chacun prend la mesure de l'autre. Oriental en apparence, (A2) «l'Arabo-américain» Mohamed Masmoudi occidentalise aussi son jeu et vice-versa.
Ces deux perdants (A1 et A2) savent-ils qui a lancé la lutte? Sauront-ils la terminer? Se disputent-ils un enjeu qui les transcende et vole très haut au-dessus des combattants? Toutes les directions sont indiquées. Vous ne pouvez pas vous tromper, mais vous y perdre, oui ! Corps et âme. Le producteur du spectacle a bien agencé les choses, il a bien scénarisé l'action. Les choses sont bien goupillées, pas d'imprévu, tout se déroule comme prévu. Et tous de poursuivre ce même lièvre lâché par le maître penseur.
A2, aveuglé par une lecture politico-idéologique du Coran, prendra la direction (Arabie Saoudite, Kaboul, Syrie, Irak). A1, aveugle du Coran, cherchera la porte d'entrée du système international. Où est l'original, qui est le sosie?
En fait, A1 et A2 peuvent prendre indifféremment n'importe quelle direction, les deux les mèneront à leurs pertes. Le combat marquera-t-il une rupture entre humanisme et obscurantisme? Aussi, croit-on passer de A2 à A1, de l'empire de la nécessité (principe de rendement) à celui de la liberté (principe de plaisir) ou plutôt, et plus naïvement, d'une bêtise à une autre.
Faut-il s'en désintéresser comme simple non-sens : affaire de forme. «Ce que tu fais, tu le voudras».
A1 et A2, l'un est le sous-sol de l'autre où chacun d'entre-eux n'a le courage de s'y aventurer. La fin du fin tient-elle à ce que jamais l'un ne puisse rencontrer l'autre. Ce qui les relie, les met en même temps à distance. Le dialectique compte : un se divise en deux. Deux ne se réunisse pas en un. Alors, faut-il les mettre en parallèle. Cette incapacité de vivre simultanément deux mondes séparés, celui de l'idée de soi et celui du fait politique, que doivent-ils vouloir?
A1 et A2, voila donc deux mythes qui peuvent s'adapter au drame que le Maître Penseur a conçu pour eux. Aujourd'hui, encore le salafiste produit presque fidèlement et renoue les fils d'une histoire devenue autre, celle du vrai Arabe Mohammadi. Peut-on retrouver, un jour ou l'autre, un arabe vrai, sain, réconcilié avec lui-même, parfaitement étranger à A1 et à A2. Chacun d'eux ne cherchant à exorciser le mauvais Arabe, et surtout qu'il ne nous approche, ni ne nous tente. Peut-on fantasmer leur unité dont la perfection de l'un refoulera l'imperfection de l'autre. Il ne s'agit pas de vouloir faire l'ingénu ou l'imbécile à vouloir sauver une des moitiés (le bon A1 contre le hideux A2 et réciproquement). Or, deux moitiés de vérité ne font pas une vérité. L'Arabe, en fait, reste un et indivisible. L'Arabe, il reste d'hier, de demain peut-être, mais jamais d'aujourd'hui. «Il a tellement pris l'habitude de voir des idées occidentales passer chez lui que le chemin inverse l'effraye, que l'Orient – rien que l'orient – passe chez lui en force», Debrey le Wahabisme par exemple.
Vous êtes Arabes! Êtes-vous encore demandeur malgré les grandes humiliations? Ne l'oublions pas «l'âme aussi est une question militaire» (R. Debray, Guerre des six jours, première et deuxième guerre du Golfe). Ces jours-là, on pouvait être en deuil d'une civilisation. Les grands désastres sont toujours présents, même si on est, peut-être, peu nombreux à nous en souvenir. Est-ce un effondrement définitif foudroyant, et si «ces foudroyantes défaites venaient, non point de n'être pas à la hauteur, mais d'y prétendre» (Glucksman). [Le Monde Arabe est en retard sur les puissances actuelles], et même son système et organisation politico-économique le fait plonger dans les jours un peu plus dans le passé, avec l'émergence de tout ce qui est archaïque en lui [qui se «montrent grandes parce qu'effondrantes plus encore l'une sur l'autre que l'une par l'autre» (Glucksman). Les Maîtres Penseurs et si ces foudroyantes défaites «pouvaient à leur tour êtres défaites par ceux seulement – qui se défont – de toute hauteur» (Glucksman). Faire dans le «small is beautiful», il ne faut plus penser domination, union, annexion. «Le fait national identitaire résiste aux traités, aux discours, aux illusions et aux théories post-nationales (H. Védine).
Pour paraphraser Victor Serge «La Révolution», je n'y crois plus, mais ça m'intéresse toujours». Le Monde Arabe, je n'y crois plus, mais ça m'intéresse toujours. Tous les comas ne sont pas irréversibles. Ça peut repartir, on peut encore y croire. L'Arabité ne doit pas se réduire à des poussées de fièvre, à de l'amour-propre (poussée d'Arabité). Fidélité à ses ancêtres, à leurs gloires passées, avec l'impossibilité de les remettre sur selle, pour qu'ils puissent reprendre sa chevauchée. Cette «Arabité» dont la «poeïsis» est devenue lettre morte. Elle est devenue un « corps sans âme». Etre à la hauteur n'est pas uniquement physique, mais surtout «métaphysique». Il ne s'agit pas d'avoir des ingénieurs, des médecins, des machines de guerre pour être à la hauteur. «Pour être à la hauteur, il faut une humanité conforme à sa vérité métaphysique, «c'est-à-dire qui se laisse totalement dominé par l'essence de la technologie afin de pouvoir, de la sorte, précisément diriger et utiliser, elle-même, les différents processus et possibilités techniques» (Heidegger). Preuve par guerre des six jours et du Golfe à l'appui, oui il arrive à un peuple de ne plus être un jour à la hauteur de sa métaphysique, de son Coran, issu de sa propre histoire, au moment même où le Coran est redevenu un absolu. Avec l'Islam, nous sommes chez nous, oui mais sommes-nous rentrés dans un Islam autonome? La Tunisie n'a jamais oublié sa dimension musulmane.
L'âme Arabe est-ce réellement une opération de vase communiquant? Le niveau baisse lorsqu'elle a affaire au Monde, elle se replie sur elle-même, se retire. Mais, lorsqu'elle est confrontée à elle-même, le niveau monte dangereusement. Ah, ces Arabes qui savent si bien se battre entre eux et qui ne sont pas capables de former un seul Monde face au Monde. Rare est l'Arabe conquérant, en Coran et en idées, à l'heure où il n'y a que des Arabes divisés en Coran et en idées.
Pour nous, Tunisiens, y a-t-il neuf Arabes pour un Tunisien ou neuf Tunisiens pour un Arabe? L'opération vase communiquant fonctionne à plein selon les circonstances. Pourquoi a-t-on peur de faire cavalier seul et honte de n'être pas aux normes? Y aurait-il moins de différence entre un Tunisien et un Français qu'entre un Tunisien et un Arabe du Golfe, surtout réputé être notre cousin?
Or, A1 ne cesse de tenir compte de A2: modèle ou antithèse, l'un et l'autre ne cessent de se débattre l'un contre l'autre, chacun étalant ses différences. Ils se supposent mutuellement des intentions hostiles, les tenant cachées l'un par l'autre. Ne sachant plus ce qu'ils doivent l'un à l'autre, ni ce qu'ils doivent à eux-mêmes, compliquant et envenimant des relations rendues déjà si difficiles. Ils n'arrivent jamais à coïncider entre eux. Si, rarement, lorsque l'arabité de l'un se branche sur l'arabité de l'autre (guerre des six jours). Ici, l'opération vase communiquant fonctionne pleinement (entente négative: ils signent ensemble le certificat de décès du Monde Arabe), sinon, ils sont dos-à-dos, en position de duel. Sans Nasser, pas de déculottée, sans Staline, pas de Stalingrad, sans Churchill, pas de bataille d'Angleterre).
A2 a «découvert» le principe moteur de son action: la religion qui est un élément constitutif de sa personnalité de base. Elle lui permet la redécouverte de soi, celle qui trace le plus court chemin vers son identité profonde: un sur moi. Oui, mais il y a d'autres urgences: la réforme administrative, agraire, universitaire, les mathématiques, les techniques. «Pourquoi cette précipitation à ne plus vouloir utiliser les langues dites occidentales» (A. Memmi). Chaque siècle a eu sa langue. Le Moyen-Âge européen parlait latin, le Monde aujourd'hui parle Anglais. L'Arabe ne serait brillant que lors des «Mucharafet» (joutes poétiques)?
Il faudra savoir retrouver un passé non négligeable. Notre mental se porte mal. C'est aussi vrai que notre langue n'est pas en perpétuelle recréation.
Peut-être aussi faut-il accepter sa «négativité» sans la glorifier, sans la proclamer belle (Black is beautiful). «Tout sera-t-il à garder même le toxique» (Debray).
Les quatre vieilles (vieilles pensées, vieille culture, vieille croyance, veilles mœurs) sont-elles compatibles avec les rigueurs du développement. Nous aideront-elles à sur-travailler et à sous-consommer à l'instar de l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme (M. Weber).
Tout peut se justifier, puisque tout peut s'expliquer. A2 rebâchera une fable, la rumine et qui, pour A1 semblera vétuste, voir ridicule. A1 anticipe trop, il se projette dans l'avenir. A2, lui, ne se projette que dans le passé. Il croit que les «miroitements du passé vont libérer l'avenir».
Machine arrière, machine avant tout. «L'oubli du passé est mortel au progrès» (Debray R.).
A1 et A2 étant eux-mêmes des «modernistes retardataires», «un futurisme sorti de la naphtaline» (Debray R.), branché sur un progressisme dépassé en Europe.
A1 et peut-être A2 ont été nassériens jusqu'à la moitié du 20ème siècle, communisant et laïcisant à la fin du 20ème siècle (Baath : Syrie – Irak), Islamisant actuellement.
Les deux veulent le mieux, mais ils ne savent quel chemin prendre. Le doute s'installe au fur et à mesure. Ils ont surfé et surfent encore sur différents modes et qu'ils finissent par se rendre compte que c'était déjà pareil, avant, sinon pire maintenant. Devenons des plagiaires innocents, panurgiques de l'Occident, d'autres avant nous ont mis en pratique «du passé faisons table rase».
A2 «tentera son ultime soubresaut, son ultime chance: «l'Islamisme féerique». Il veut expérimenter une nouvelle relation du ciel et de la terre».
Que le peuple soit plus moral et il sera moins pauvre (Debray). Dieu sera pour la plupart des quémandeurs, la réponse à leurs questions, le remède à leur mal. Mais, la réponse de Dieu ne s'est pas fait attendre: tonnante, oui mais pas si étonnante: «C'est toi qui auras pour mission de me guider et je ne t'aiderai que si tu t'aides. Car, si je me sers de ma toute puissance, je ne respecterai pas les pouvoirs que j'ai attribué aux hommes». Respecter ce transfert de compétence signifie prendre en charge nous-mêmes notre devenir et non pas supplier constamment le Tout-puissant de prendre des décisions conformes à nos vœux. Vouloir infléchir la volonté de Dieu devient sacrilège. Deviens adulte et ne mêle pas Dieu à tes insuffisances.
A1 accuse A2 : « Au fond, à quoi cela nous a servi d'être Arabes, peut-être à prendre du retard sans plus ».
A2 : comment osez-vous ? Mon devoir est de durer, dans mon histoire, pour l'histoire. J'ai même opéré des rétablissements in extremis (le colonisation). Si pour vous la partie est plus grande que le Tout, le Tout pour moi est plus important que la partie. On sait jamais, je peux repartir.
En fait, ils restent «Deux infortunés », issus du même père et de la même mère qui ont l'un contre l'autre levé leurs lances triomphantes et obtenu part égale au trépas qui les a frappés ensemble» (Antigone).
«Antigone et Créon sont deux adversaires, mais ils se situent et situent l'autre dans cette communauté de langue et de mœurs dont ils se sont exclus. Les deux frères : il semble désormais que deux valeurs opposées règlent les rapports des personnages. Ils avaient oublié la cause de leur acharnement: leur fraternité. Tous deux savent être inflexibles, mais aussi renoncer, chacun prétendant atteindre la société dans sa réalité dernière et première». Ici naîtra le cercle qui les encerclera. Ils ne pourront plus sauter hors du cercle.
A1 et A2 combattront, chacun pour une certaine idée qu'il s'est faite de la société. Aussi, ils n'auront plus le sentiment de combattre contre leurs semblables, mais plutôt contre des hommes dénaturés, chacun se disant : «Ce ne sont pas des gens comme nous».
Croire qu'il puisse y avoir dans le Tunisien diverses tunisianités, n'est-ce pas s'être préparé déjà à vouloir en éliminer les moins résistants ou les plus nuisibles à leurs yeux!
Rien de plus rare qu'un Arabe qui soit arabe de toute pièce, «un pur sang... arabe ». Il sera aussi bien contingent qu'indéterminé, donc libre de choisir l'arabe qu'il sera. S'il est donc vrai qu'il y a diverses sortes d'arabes, il ne suffit pas de se laisser aller pour être un arabe. L'arabité se construit, se déconstruit, se reconstruit. Il faudra donc l'imaginer pour la choisir. Donc, être arabe, c'est sans cesse s'efforcer de l'être. Il ne peut avoir été imaginé une fois pour toutes. On le définit à mesure qu'on le configure, on le crée à mesure qu'on l'invente. Ce qui est vrai aujourd'hui sera faux demain, ne doit pas le dissuader de rouler la roche à nouveau vers le sommet (Sysyhe).
«L'erreur est une la vérité multiple».
Les chantres de l'identité narrative et les folkloristes du temps présent le cherchent – et le font – vivre dans les récits et les batailles de tant de siècles. A1 et A2 ne sauront résister à la narration identitaire. Vont-ils pouvoir nous dire chacun «je me mens». La civilisation du mentir et la civilisation du parler vrai: il faut avoir l'audace de penser contre son passé. On peut remonter jusqu'à Hutington et Fukuyama – Le choc de l'Orient et de l'Occident – le choc des deux cultures, ou plutôt le choc selon ce bon mot de J. Chirac de deux incultures.
L'Arabe doit cesser d'être cet arabe historique dont on ne retrouve plus les traces ; il doit s'accepter incertain dans un monde incertain. Ils doivent cesser de s'observer, de ne pas se quitter des yeux.
La punition de Zeus: Imaginez une sorte d'œuf parfaitement auto-suffisant. Si parfait qu'il devient ambitieux. Pour lui, interdire d'escalader le ciel, le roi de l'Olympe le coupe en deux. Et depuis, chaque moitié de l'œuf erre à la recherche de l'autre. Elle y passe son temps. Voila comment les dieux n'eurent plus à craindre une rivalité escaladeuse et impie».
Oui, ce sont «des êtres des frontières» des limites extrêmes où chacun rappelle à l'autre ses limites.
Je peux te tromper, tu peux me tromper, mais ensemble nous ne devons pas nous tromper.
Des combats de tant d'années inutiles ! Est-ce ainsi que meurent les civilisations, sans qu'on se rende compte de quoi que ce soit ? Se mordre les doigts d'avoir cru à tous ces sentiers (Nasserisme, Bâathisme, etc.) qui semblaient lumineux, se sont éteints les uns après les autres. On n'en est plus à une désillusion près.
Que faire? Tourner le dos à un monde arabe à «L'Etat gazeux» (Debray R.). A qui doit-on reprocher tant de rendez-vous manqués? Personne ne nous renouvellera notre Monde Arabe. Faut-il le désirer parce que cela ne servirait à rien. Personne pour présenter leurs condoléances, ni pour les recevoir. Dans le système international, les Etats marchent seuls vers leur tombe. Non pas seuls en vérité, mais soutenus par des Etats étrangers, achever leur coma dans le Système International.
Est-ce que le Monde Arabe touche à sa fin? S'en va-t-il? Il est devenu rempli de misère, de guerre... Manquera-t-il à personne, et aux Arabes en premier ? Son absence sera-t-elle aveuglante?
On a tellement pris du retard à en prendre conscience, qu'on peut prendre peur d'entendre seulement les échos du bruit que fait le mort. «Les personnes morales bougent encore après leur mort» (R. Debray). Mais, peut-être qu'il n'est pas mort et qu'il nous reviendra un jour. Ce printemps arabe annonce-t-il un renouveau ou est-ce bien le chant du cygne?
Ce monde qu'on cherche à faire disparaître, va-t-il s'ouvrir sur un autre monde plus palpitant, où les passions l'auraient enfin déserté? Mais, nous pouvons affirmer ceci : pour qu'un monde nouveau émerge, il faut que meure le monde ancien. L'intervalle qui les sépare peut être court ou, au contraire, si long que les Arabes finiront par en désespérer.
Les Arabes existent encore, mais leur monde n'est plus, ou est-il à mi-chemin de l'existence et du néant?
Est-il juste brutalement secoué? Un Arabe ne meurt pas comme ça ! Il est tenu d'avoir de l'ambition ou, tout simplement, «de vivre à l'époque du mainstream, cette culture, si l'on peut dire, ce divertissement américano-global préformaté qui a déferlé sur le Monde et qui plaît à tout le monde» (Védrine). Bref, «l'Américain Bluff».


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