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Un Tunisien à l'honneur: Habib Kazdaghli à Paris
Publié dans Leaders le 13 - 12 - 2014

Correspondance spéciale de Paris pour Leaders- Il avait été la cible des salafistes. Il avait subi la morgue et l'indifférence de Moncef Ben Salem, cet inénarrable ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Le gouvernement de la Troïka n'a pas levé le petit doigt pour défendre un grand commis de l'Etat assiégé par la meute des rétrogrades. Il avait été soumis aux affres d'un long et inique procès, «le procès de la gifle imaginaire» comme il le qualifie. Il s'est même trouvé un procureur qui lui en fait voir, des vertes et des pas mûres, en interjetant un appel… dans lequel le piment piquant de la politique ne devait probablement pas être tout à fait absent! Ses opinions politiques et ses champs d'investigation scientifique n'ont pas l'heur de plaire à ceux qui dégainent dès qu'on parle de culture, de savoir et de libertés académiques. S'intéresser en historien au Parti Communiste Tunisien (PCT), aux Grecs, aux Juifs, aux Russes, aux femmes, au fait religieux, dans notre pays fait voir rouge aux salafistes et à tous les rétrogrades… oublieux qu'au IVème siècle « On ne construit plus des temples, mais des églises. En Tunisie, elles se comptent par centaines et l'archéologie n'a pas fini d'en révéler; sept ont été découvertes à Fériana, autant à Sbeïtla, une douzaine dans la région de Carthage ». (Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhoja et Abdelmajid Ennabli « Histoire Générale de la Tunisie », tome I, p. 334, Sud-Editions, Tunis, 2003
Mais aujourd'hui, jeudi 11 décembre 2014, le voilà sur la scène du théâtre Bernard-Marie Koltès de l'Université Ouest Nanterre La Défense (Paris X). Revêtu de la toge safran, le doyen Habib Kazdaghli est là. Le Président de l'Université, M. Jean-François Balaudé, déclare, à l'ouverture de la cérémonie, après un magnifique prélude musical : «C'est avec fierté et émotion que nous aurons le plaisir de décerner les titres de docteur honoris causa».
Occasion rare - on fête les 50 ans de cette Université, indissociable de mai 68, de son vent de liberté, de ses espoirs libérateurs et de sa révolte contre de Gaulle et son ministre de l'Intérieur Christian Fouchet.
Habib est là… mais en quelle illustre compagnie, mon dieu !
Inespérée !
Angela Davis d'abord, un mythe vivant ! La philosophe et la militante afro-américaine des droits de l'homme, la communiste au pays de Wall Street, l'infatigable combattante contre la guerre du Vietnam, contre le racisme et la ségrégation aux Etats Unis, contre la peine de mort, contre la misogynie, contre l'occupation de la Palestine, contre l'islamophobie. Trois membres de sa famille ont été tués par les racistes du Ku Klux Klan! Elle parle de son étonnement de découvrir à son arrivée à Paris, en 1961, que la ségrégation est une fleur vénéneuse qui ne pousse que dans son pays, les Etats Unis ! Angela Davis que la mobilisation internationale arrivera pourtant à arracher des griffes de l'oncle Sam, après 16 mois de prison purgés suite à un procès haineux qui visait à la mettre sur la chaise électrique. Elle évoque évidemment le meurtre de Michaël Brown par un policier à Ferguson (Missouri) dont Leaders a traité cet été, souligne que, depuis, neuf autres Noirs ont été abattus par des agents blancs et parle du « racisme institutionnel » aux Etats Unis, affirmant : « We are waiting for justice ». Ce qui ne l'empêche guère d'appeler à « la créativité, à la paix, à la liberté, au travail pour tous ».
Mais comme on est à Nanterre, la contestation ne saurait être complètement absente : des étudiants lui ont demandé - apprend Angela Davis à l'assistance - de ne pas accepter ce doctorat honoris causa car « l'Université est liée au capitalisme » !
Habib est aussi en compagnie de la grande sociologue argentine Elisabeth Jelin qui a su préserver un espace de débat critique malgré la dictature dans son pays et qui collabore avec l'ONU et l'UNESCO. Il est en compagnie de l'immense anthropologue brésilien des sociétés indigènes d'Amazonie Eduardo Viveiros de Castro qui a « appris au centre à apprendre de la périphérie », distingué par l'Académie Française et qui a vécu les années de plomb de la dictature - torture, exil, répression - mais milite aujourd'hui contre « la destruction de la planète ». Last but not least, Habib est en compagnie de Daniel Cohn-Bendit dont le nom est indissociable de mai 68, des barricades de la rue Gay-Lussac et de l'occupation de la Sorbonne, au cœur du Quartier Latin, du Parlement Européen et des Verts (die Grünen). Il est un peu chez lui, ici, à Nanterre car il est membre du Conseil d'administration de l'Université. Mais moment d'intense émotion quand même lorsque « Dany le Rouge » ne peut retenir ses larmes à l'évocation de cette période à la tribune ! Lui qui pourfend lobbys et multinationales et veut « faire des choses sérieuses sans se prendre au sérieux » !
« La marraine » du doyen
Madame Florence Bellivier, professeur de droit privé, co-directrice de l'UFR et Secrétaire Générale adjointe de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH), est « la marraine » de Habib et il lui échoit de le présenter à l'assistance qui remplit à ras bord le théâtre : professeurs en toge et en costume de ville, étudiants, chercheurs, journalistes et… beaucoup de Tunisiens de Paris et d'ailleurs, heureux et fiers de voir un compatriote honoré une fois de plus, en 2014, après le prix « Courage to think** » décerné à Amsterdam par le réseau Scholars at risk (SAR)*** qui relie 330 établissements universitaires promouvant la liberté académique et la protection des chercheurs.
Documentée et sensible, la présentation du Pr Bellivier - qui brise la glace en rappelant que son arrière-grand-père égyptien portait aussi le doux prénom de Habib - brosse magnifiquement l'admirable parcours scolaire, universitaire et de recherche de notre doyen, « un homme de paix » - historien de son état - et les évènements de mars 2012 autour du niqab à la Faculté de la Manouba. Elle loue la diversité de ses centres d'intérêt, « son éclectisme… à l'heure où la spécialisation nous étouffe ». Elle évoque « le séminaire itinérant » de la « Caravane de la mémoire » qu'il a monté avec des collègues de Nanterre, d'Algérie, du Maroc, du Liban, de Serbie et conclut, sous les applaudissements nourris de l'assistance : « Je le félicite chaleureusement et je lui souhaite, malgré ses responsabilités de doyen, les incertitudes et les pressions politiques… de pouvoir continuer avec détermination et enthousiasme son activité de professeur et de chercheur ».
Bien qu'on le sente ému, dans sa réponse, Habib Kazdaghli remercie le Président, le comité de sélection et tout le personnel de la Faculté pour « l'octroi de ce prix prestigieux à [sa] modeste personne » et qui honore toute « la Tunisie du savoir… la Tunisie des Lumières qui combat vigoureusement l'obscurantisme et l'extrémisme ». Puis, il évoque l'impact des idées d'Angela Davis et de Daniel Cohn-Bendit - «des baliseurs » - sur son parcours. Il brosse à grands traits les efforts de notre pays en faveur de la connaissance et du savoir, son ouverture sur les autres cultures, les autres langues comme le prouvent en premier lieu la fondation du Collège Sadiki en 1875 puis l'Université tunisienne dès 1956, Université dont il est un pur produit, de la propédeutique au doctorat. Habib, issu d'un milieu modeste, a eu « le bonheur d'avoir été formé par l'école de la République ».
Ce qui lui a permis de « savourer les chefs-d'œuvre de la littérature arabe ainsi que les fleurons de la littérature française ». Il orientera sa recherche universitaire - «sa passion » - sur « l'histoire du mouvement ouvrier et communiste, sur l'histoire des femmes, sur l'histoire des minorités et des communautés de Tunisie » affirmant sa « détermination à les faire aboutir en dépit de l'hostilité des fanatiques de tous bords, obstinés dans la défense d'une vision figée et sclérosée et catégoriquement opposés à la liberté d'enseignement et de recherche».
Dans sa conclusion, le doyen Kazdaghli a « une pensée émue » pour tous les martyrs de la Révolution dont son avocat Chokri Belaïd et le député Mohamed Brahmi. Il voit dans cette distinction honorifique, à la veille des élections présidentielles du 21 décembre 2014, « un signe de bon augure pour un dénouement heureux de la période de transition avec l'avènement d'une république civile et démocratique » affirmant sa détermination à œuvrer… pour le renforcement des libertés académiques et du rôle d'avant-garde joué par l'école et l'Université de la République ».
Confraternelles et amicales félicitations pour ce doctorat honorifique au doyen Habib Kazdaghli, cet homme de « l'espérance lucide » cher à Aimé Césaire.
Qu'on nous permette de rappeler ici que le Pr Mohamed Ridha Bouguerra, spécialiste de la littérature maghrébine d'expression française à l'Institut Supérieur des Langues de Tunis, a obtenu, le 8 décembre 2011, un doctorat honoris causa de l'Université Blaise Pascal de Clermont Ferrand ainsi que son collègue, le Pr Tom Conley, professeur of Romance Languages and Literatures à l'Université Harvard (Boston).
Mohamed Larbi Bouguerra
** « Le courage de penser »


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