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Pour une reconnaissance tunisienne de la Journée internationale des monuments et des sites
Publié dans Leaders le 18 - 04 - 2015

Il y a plus de trente ans, l'idée d'une Journée internationale des Monuments et des Sites est née en Tunisie. C'était à l'occasion d'un colloque organisé à Hammamet, en 1982, par le Comité tunisien du Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS). L'organisation non gouvernementale, qui œuvre sous l'égide de l'UNESCO, a entériné, en novembre 1983, la proposition formulée en Tunisie, en choisissant la Journée du 18 avril pour célébrer les monuments et les sites. Depuis, le monde entier célèbre, chaque année, la journée pour laquelle un thème est retenu par l'ICOMOS. A partir de 2001, Le Conseil international choisit des thèmes annuels en rapport avec sa mission qui consiste à « promouvoir la conservation, la protection, l'utilisation et la mise en valeur du patrimoine culturel dans le monde ». Le Comité ICOMOS Tunisie existe depuis plusieurs décennies mais les rapports entre notre pays et l'organisation internationale semblent, à travers de nombreux constats, faibles et invisibles.
La Journée internationale est superbement occultée en Tunisie
La Journée mondiale des Monuments et des sites n'a jamais été célébrée en tant que telle en Tunisie. Depuis 1992, elle a été anonymement choisie comme date du commencement du ''Mois du Patrimoine'', institué par l'Ancien régime sur proposition des experts de l'Institut national du Patrimoine (INP) qui monopolisent les rapports avec l'ICOMOS. La fin de ce ''Mois'' coïncide, tout aussi anonymement, avec la Journée internationale des Musées, fixée au 18 mai. Cette option tunisienne a eu, entre autres conséquences néfastes, l'absence de la visibilité de l'une et l'autre des deux journées. Elle a aussi privé la Tunisie d'une célébration organisée en symbiose avec les différentes nations.
Depuis quelques années, la dégradation de la gestion du ''Mois du Patrimoine'' est devenue criarde. Finie l'époque où des banderoles rappelaient aux passants l'existence de cette manifestation ! Les deux établissements du Ministère de la Culture et de la sauvegarde du Patrimoine qui ont la charge de la célébration du ''Mois'' sont l'INP et l'Agence de Mise en Valeur et Promotion du Patrimoine (AMVPPC). Au vu de la programmation et de la publicité qu'ils assuraient à la manifestation, ils semblaient, ces dernières années, plutôt la subir que s'y intéresser avec enthousiasme. Leur Ministère de tutelle qui leur délègue la tâche, ne s'en occupe lui-même que sur le plan protocolaire. Ainsi, le Tunisien attaché au Patrimoine a la plus grande peine à glaner des renseignements sur la 24è édition du ‘'Mois du Patrimoine qui a lieu cette année. A quelques jours de l'édition 2015, le site WEB du Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine est fermé pour cause d'entretien et celui de l'INP observe un silence total ; le site de l'AMVPPC annonce la manifestation dans une rubrique qui restait inaccessible, la veille du jour ''J''. Les mass médias diffusent l'information avec la plus grande parcimonie ; ils se manifesteront surtout en rendant compte, à leur manière, de l'inauguration et de la clôture qui seront, peut-être présidées par de hauts responsables gouvernementaux Pourtant, le thème du ''Mois'' semble avoir été arrêté depuis plusieurs semaines puisque des Commissaires régionaux de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine l'ont communiqué à des associations qui œuvrent dans le domaine du Patrimoine. La discrétion officielle s'expliquait peut-être par l'inachèvement du programme qui s'avère être d'une indigence et d'une redondance affligeantes.
L'occasion perdue et le manque à gagner
Une fois n'est pas coutume : l'ICOMOS a choisi, pour l'année 2015, à l'occasion de son cinquantième anniversaire, comme thème de la Journée internationale des Monuments et des Sites, sa mission, son fonctionnement et son rayonnement dans le monde. L'organisation a considéré que le cinquantenaire de sa création constituait une belle occasion pour faire connaître son activité, à grande échelle, et développer les liens entre les comités nationaux et la population de leurs pays respectifs. A cette occasion, elle a fait savoir que « tous les comités et membres sont invités à organiser des évènements afin de rendre public le jubilé mémorable ». Les comités nationaux sont tenus de célébrer le cinquantenaire de l'ICOMOS en utilisant le logo officiel de l'anniversaire pour tous les évènements accrédités « afin de garantir une identité visuelle cohérente aux célébrations qui auront lieu dans le monde entier ».
A nouveau, les établissements en charge du Patrimoine culturel de notre pays font manquer aux Tunisiens l'occasion d'être en communion avec le reste des peuples. La déception est d'autant plus grande que, abstraction faite du thème de la Journée 2015, nos sites et monuments, et particulièrement dans le contexte actuel, interpellent leurs connaisseurs et leurs non connaisseurs pour plus d'une raison : protection efficace face aux agressions de tout genre, formation adéquate en vue de l'étude et de la conservation, mise en valeur urgente dans la perspective du développement régional…
Rêvons un peu et imaginons que les décideurs tunisiens s'avisent soudainement de rallier la communauté mondiale en vue de célébrer la journée du 18 avril dont l'idée est, rappelons-le, née sur le sol de leur pays ! Une pareille décision ouvrirait des perspectives d'action heureuse en plus d'un domaine.
Un premier domaine d'action urgente consistera en un positionnement responsable vis-à-vis de l'ICOMOS.
Fêter la Journée du 18 avril voudrait dire que la Comité ICOMOS Tunisie honore ses engagements envers l'organisation mondiale, qui consistent d'abord à diffuser la culture et l'information qui en émane. C'est le cas par exemple du précieux Rapport mondial 2011-2013 sur les Monuments et les Sites mis en ligne sur le site de l'ICOMOS. Dans ce rapport, le Comité tunisien a publié (p.148) une contribution intitulée ''Le Patrimoine architectural soufi en Tunisie : une destruction programmée''. C'est également le cas de la Déclaration de Florence, issue de la 18ème Assemblée générale de l'ICOMOS qui s'est tenue dans la capitale de la Toscane, du 9 au 14 novembre 2014. La Déclaration concerne ''la valeur culturelle du patrimoine et des paysages en vue de promouvoir des sociétés démocratiques et pacifiques''. Sa diffusion et sa mise en œuvre incombent aux membres de l'ICOMOS à qui il a été demandé de ''coopérer activement à l'intégration des relations interculturelles sous forme de ressources techniques notamment par la publication de documents, de résolutions et de conventions sur l'amélioration de la qualité de vie par le biais d'une gestion adéquate du patrimoine culturel mondial''.
Œuvrer à la mise en place, au profit des monuments et des sites, de structures régionales à l'instar de ce qui existe en Europe serait une autre manière de fêter la journée du 18 avril. Les aires d'appartenance culturelle de la Tunisie sont nombreuses : les mondes arabe, islamique, méditerranéen et africain. Des initiatives pourront être prises au niveau de l'ALECSO, l'ISESCO, l'UMA, l'UM, l'OA. Ces organismes qui sont, pour l'essentiel, des coquilles vides, pourraient héberger une structure dédiée aux monuments et aux sites qui, à son tour, offrirait des opportunités de coopération multiforme : formation, échange d'expertises, plans d'action communs … Les désastres successifs subis par des sites archéologiques irakiens justifient à eux seul la mise en place de telles structures.
Un deuxième domaine d'intervention concerne les actions concrètes à entreprendre à l'occasion de la Journée du 18 avril, pour le grand bien des monuments et des sites tunisiens.
Dans ce registre, la première tâche devrait concerner la visibilité du Comité ICOMOS Tunisie. Note pays fait partie de la centaine de pays qui ont un Comité national mais il ne fait pas partie de la moitié de ces comités qui dispose de sites WEB. La visibilité du comité tunisien passera aussi par l'inscription d'évènements en rapport avec la Journée sur le site WEB de l'ICOMOS. Cette inscription suppose une accréditation qui n'est obtenue que lorsque les conditions requises sont remplies.
Le site WEB du Comité ICOMOS Tunisie gagnerait, une fois créé, à publier toutes les informations relatives aux monuments et sites du pays : réglementations, projets de plan de protection et de mise en valeur (PPMV). A titre d'exemple, toute information concernant l'avancement du PPMV du site de Carthage, exigé du gouvernement tunisien par l'UNESCO, intéresse les amis du Patrimoine. L'achèvement du plan, en gestation depuis des lustres, sauvera le site de Carthage d'un classement humiliant sur la Liste du Patrimoine mondial en péril.
Une bonne veille relative à l'état des monuments et des sites serait très bienvenue car elle est dans l'essence même de la mission de comités nationaux de l'ICOMOS. Au cours des années 2011-2012, les problèmes de conservation des monuments et sites tunisiens n'ont pas eu, pour seule origine, les attaques subies par le patrimoine architectural soufi, comme le laisse entendre le rapport du Comité ICOMS Tunisie. L'absence ou l'insuffisance du gardiennage ainsi que l'incurie ou l'incompétence de certains responsables ont été, fréquemment, la cause première des dégâts souvent irrémédiables.
Après la longue expérience malheureuse du ''Mois du Patrimoine'', utilisé depuis un quart de siècle comme un écran de fumée, le Comité ICOMOS Tunisie devrait se mettre en phase avec les nouvelles attentes culturelles du pays et innover en s'ouvrant sur la société. Les rencontres épisodiques organisées dans des établissements académiques ou administratifs ou dans des hôtels n'assureront jamais ni la bonne conservation des monuments et des sites ni l'attachement des citoyens à cet héritage inestimable. Dans le contexte actuel tunisien où les menaces de tout genre – y compris l'incurie et l'incompétence - pèsent sur les monuments et les sites, une réflexion de la plus grande échelle sur la sécurité des lieux s'impose. Elle nécessitera d'abord la diffusion de la connaissance des monuments et des sites dans les différents milieux outrageusement ignorés (scolaire, rural, ouvrier…). D'innombrables visites sont à programmer avec la préparation adéquate. Les découvertes qui en découleront ne devraient pas concerner seulement les monuments et les sites actuellement accessibles au public. Elles gagneraient beaucoup à englober des monuments et sites qui ne sont connus que des spécialistes et des monuments occupés parfois par des services administratifs. A titre d'exemples on pourrait citer le site archéologique antique de Segermes (situé dans les environs de Zaghouan et objet d'une importante étude tuniso-danoise, il y a plus de 25 ans), la superbe Dar Hussein qui est le siège de l'INP, le Palais du Gouvernement si chargé d'histoire. Les visites exceptionnelles des bâtiments historiques sont pratiquées, depuis longtemps, dans de nombreux pays. Les bâtiments qui sont des lieux de pouvoir ne doivent pas être totalement confisqués par ceux qui ont le privilège d'y travailler et d'y loger même parfois. Kheireddine Pacha, Premier ministre, faisait passer les examens du Collège Sadiki qu'il a créé, au Palais du Gouvernement. Le geste du grand réformateur n'était pas celui d'un ignorant.
Depuis longtemps, et particulièrement depuis la Révolution, des associations qui œuvrent dans le domaine du Patrimoine multiplient les initiatives et montrent le chemin pour ce qu'il y a à faire au profit des monuments et des sites en matière de protection et d'animation. Ne les a-t-on pas vues procéder au nettoyage des monuments et sites complètement délaissés par les établissements qui en ont la charge ? N'ont-elles pas collecté l'argent nécessaire à la restauration de monuments hautement représentatifs du Patrimoine tunisien. N'a-t-on pas, plus d'une fois, été charmé par de beaux programmes d'animation initiés par de toutes jeunes associations dépourvues de moyens. Ces titres de noblesse habilitent les associations à avoir la considération qu'elles méritent. De tels organismes philanthropiques et salutaires ne devraient pas servir uniquement de ''boîtes à idées'' pour les commissaires régionaux de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine, avides de ''programmations clef en main'' pour le ''Mois du Patrimoine'' mais être écoutés et associés de droit et de facto à tout ce qu'ils savent faire mieux que quiconque.
Les décideurs dans le domaine du Patrimoine gagneraient beaucoup à retrouver l'esprit pionnier qui a fait germer, en Tunisie, il y a plus de 30 ans, l'idée de la Journée du 18 avril. Ils n'y parviendront qu'en procédant à des révisions fondamentales et à des recentrages urgents sans lesquels la Tunisie sera en marge des nations et démunie face aux périls qui menacent son patrimoine culturel dans lequel d'innombrables monuments et sites occupent une position de premier plan.
Houcine Jaïdi
Professeur d'Histoire ancienne à l'Université de Tunis


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