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Mustapha Khammari : Meriem Kebiri: Une économie Naphtaline dans un pays de Jasmin
Publié dans Leaders le 23 - 05 - 2016

Les médias regorgent de reportages par ailleurs forts instructifs concernant la situation sociale déplorable de régions marginalisées, de jeunes et moins jeunes sans emploi.
C'est tout à fait utile pour qu'on en prenne conscience et que l'Etat et la société civile mesurent l'ampleur des défis à relever pour créer les conditions de la dignité ,un des principaux titres et objectifs de la révolution.
Il n'en demeure pas moins vrai qu'il est tout aussi utile de dénicher les « succes stories », de les faire connaître pour susciter l'émulation et faire comprendre aux demandeurs d'emplois que la réussite est au bout de l'effort et que la fonction publique –par ailleurs sur saturée, n'est pas le paradis et que le secteur privé est l'avenir parceque plousplus valorisant et rémunérateur.
Il est important de découvrir ces jeunes compétences et de les associer aux efforts de remise en état du pays. Ces jeunes ont l'avantage de l'enthousiasme créateur. Même s'ils épaississent les traits de ce qu'ils considèrent comme éculé et négatif, Ils sont dégagés des obsessions historiques et querelles séculaires de leurs ainés, regardent l'avenir et le présent avec lucidité. Volontaires et résolus, ils sont le présent et l'avenir de la Tunisie.
L'interview qui suit présente une jeune tunisienne, Meriem Kebiri, a 15 ans d'expérience dans le conseil aux entreprises internationales, ses missions se sont étendues de Dubaï à New York en passant par Paris, Rabat, Alger, Doha, Koweït ou Libreville. Aujourd'hui elle est revenue au bercail, où elle se consacre á la restructuration financière et opérationnelle d'entreprises en pré-liquidation ou qui connaissent d'importantes difficultés structurelles.
Ce qu'elle dit dans l'interview qui suit mérite d'être écouté comme doivent être davantage écoutés d'autres jeunes de notre pays qui portent en eux l'amour de la Tunisie et la ferme volonté de la hisser au niveau des réussites économiques et sociales qu'ils ont pu apprécier de par leur séjour à l'étranger ou tout simplement de par leurs études. Ils piaffent d'impatience de contribuer à l'essor de leur pays et poussent des coudes autant que faire se peut pour être admis dans « l'usine de transformation » des réalités socio-économiques et politiques de leur Nation.
Le problème est que l'on ne voit pas souvent ces jeunes là où ils devraient être, c'est-à-dire dans les cercles du pouvoir, de planification, de réflexion et de décision qui leur permettent de contribuer à la construction du devenir de la Tunisie.
Reconnaissons le sans détour : L'image que donne le pays ,au moins en apparence est vieillissante : Très peu d'opportunités - à moins de rectifications par des sondages fiables-sont accordées aux jeunes et l'ascenseur administratif et politique est rétif aux changements et en tous cas peu accueillant pour la jeune génération.Le moment est tout indiqué pour faire participer les jeunes à la chasse aux solutions des problèmes qui les concernent.
Donnons leur la parole et surtout écoutons les!:
1- Vous avez obtenu un MBA de la prestigieuse Columbia Business School. Que pouvez-vous dire à propos de cette grande école américaine pour y intéresser peut être de jeunes tunisiennes et tunisiens?
Pourquoi Columbia? 48 professeurs prix Nobel à Harvard, 82 à Columbia. En choisissant Columbia les probabilités de côtoyer un prix Nobel un jour étaient plus élevées. A cette époque-là je ne pouvais pas anticiper le Quartet!
Plus sérieusement, l'environnement de ces Ivy Leagues est vraiment unique. Des professeurs d'une valeur inestimable, et en même temps très accessibles.
Au top dix des moments à Columbia, le jour où je déjeunais à côté de la bibliothèque, un monsieur barbu au visage très sympathique s'est assis à coté de moi, nous avons parlé plus d'une heure de la Tunisie – c'était Joseph Stiglitz, prix Nobel d'Economie. Il connaissait mon pays mieux que moi.
Les universités comme Columbia investissent en moyenne $800m par an dans la recherche et recrutent les meilleurs professeurs à travers le monde. Nous avons l'honneur d'avoir deux Tunisiens qui enseignent à Columbia.
Il y a aussi le réseau d'entreprises, de personnes, d'associations, une source intarissable d'idées, de créativité, de motivation qui pousse a beaucoup, beaucoup de travail.
Mes deux années à Columbia ont été extraordinaires.
2- Maintenant que vous êtes rentrée en Tunisie quelle est l'idée que vous vous faites de la situation de ses difficultés économiques et peut être aussi des moyens de s'en sortir?
Notre économie sent la naphtaline et le tabac froid. Elle s'est installée dans la recherche de rente. En favorisant les monopoles, le népotisme bancaire, les ententes et assistances aux plus privilégiés, nous avons créé un système qui manque de concurrence saine, qui s'est longtemps sclérosé autour de secteurs « en vogue ».Nous connaissons l'histoire de la banque, du tourisme, de l'immobilier, des « franchises ». Un modèle économique qui crée par lui même l'inégalité, l'inflation et le chômage que nos politiques macroéconomiques ont longtemps toléré.
Aujourd'hui 13% des ressources bancaires vont aux PME – en Corée du Sud 70%. Ce chiffre est alarmant et révélateur du peu d'importance accordée à l'entreprenariat. Il faut donc réallouer les financements aux PME. Mais ces financements doivent se faire aussi avec plus de rigueur, et plus de transparence. Aujourd'hui 16% en moyenne des créances des entreprises Tunisiennes vis a vis des banques sont douteuses, au Maroc 2%. Ce chiffre marginal en soi est révélateur d'une mauvaise gouvernance doublée d'une crise de trésorerie structurelle.
La règle veut que 30% de la croissance économique provienne de l'innovation technologique. En 2014, 176 brevets on été déposés en Tunisie, 6500 en Turquie, 72300 en France. J'ai déposé une demande d'augmentation de capital pour une entreprise dont j'ai la charge de sa restructuration, auprès de la BCT. On m'a demandé de déposer le dossier physiquement, ou - pour accélérer les choses – par fax… par fax!… La naphtaline encore et toujours.
Les réformes doivent donc être un réel support à la création, à la croissance des entreprises et aussi à l'innovation. J'insiste sur l'innovation, locale, régionale ou mondiale. Notre économie doit innover pour créer de la valeur ajoutée réelle et à long terme.
Aujourd'hui notre compétitivité internationale est basée sur le prix, et donc la structure faible des couts. En réalité cette différentiation n'est pas viable. Innover pour augmenter la productivité, la qualité et le rendement est le seul moyen d'être compétitif à long terme. En Tunisie la productivité de l'industrie et de l'agriculture sont presque les mêmes, ce qui est alarmant et qui témoigne de la vétusté de notre appareil industriel et du très faible niveau des investissements en R&D.
Je ne suis pas exhaustive bien sûr et les axes de développement sont multiples: il y a l'allègement de l'administration y compris la douane, la réforme fiscale, celle de la caisse de compensation qui absorbe 20% de notre budget, l'intégration de l'économie informelle qui sclérose presque 60% de notre économie – perte nette pour tout investissement - la décentralisation et le développement économique local. Toutes ces solutions sont indispensables.
Pour moi les trois axes principaux sont la sortie de l'économie de rente, l'accélération de l'innovation et le soutien à l'entreprenariat.
3- Quel message pouvez-vous adresser
a. Aux entrepreneurs Tunisiens pour qu'ils aient davantage d'ambition et de gout d'entreprendre.
Travaillez, travaillez, travaillez sans relâche, rien ne vous est dû. Le monde est injuste et nous serons peut-être annexés à la Lybie l'année prochaine. Il n'en reste pas moins que si nous ne travaillons pas, tous les jours, pour avancer, nous scellons notre destin à la médiocrité.
Le travail ne mène pas toujours au succès mais c'est la seule chose qui l'en rapproche. Travaillons avec persévérance et humilité.
Toujours remettre en cause ses idées, et sans cesse s'ouvrir au monde, connaître la concurrence ici mais aussi ailleurs, s'élever au niveau des meilleurs et ne pas se laisser aller à la médiocrité.
Savoir prendre des décisions dures, ne pas sombrer dans le quotidien et toujours avoir une vision à cinq, dix ans, quitte à la modifier, se fixer toujours des objectifs.
b. Aux politiques dans notre pays aujourd'hui confronté à de graves défis?
Quelqu'un a dit en parlant des économies en développement « aujourd'hui ce sont les entrepreneurs qui changent les nations et non les gouvernements ». Je crois fondamentalement en ce principe.
Il me semble difficile que l'Etat ait un rôle d'acteur économique déterminant sur les 5 à 10 prochaines années. C'est un Etat pauvre et fragmenté. D'autant que ceux qui le dirigent sont en proie à des luttes intestines ou alors à un immobilisme effrayant.
Il n'en reste pas moins que nous en avons besoin. Cet Etat devrait jouer son rôle politique en définissant une identité nationale qui unisse notre pays autour de valeurs fondamentales, sur la base d'un projet inter-partis, commun.
En 1991 Singapour a forgé son identité nationale en décidant de principes et valeurs de base pour lesquels l'Etat œuvre concrètement au quotidien, ces valeurs sont enseignées à l'école et renforcées par des textes de loi. Une d'entre elles, la ténacité, définit cette culture de travail et d'endurance.
Par ailleurs, l'état devrait aussi jouer un rôle de facilitateur économique. Cela passe par la définition d'un projet commun, et d'initiatives communes qui vont soutenir par le droit, la fiscalité et les procédures administratives, les initiatives privées.
En ce qui concerne l'éducation par exemple, notre système éducatif est malheureusement en faillite et il est crucial que l'Etat joue un rôle pour réguler les nouveaux acteurs privés de manière à s'assurer de leur efficacité, équité et pérennité.
Autre exemple, 0,2%- c'est le pourcentage d'entreprises Tunisiennes qui ont réussi à s'internationaliser. En 2015 c'est un chiffre déplorable. La politique du contrôle des changes et des investissements étrangers doit être repensée.
Par ailleurs, notre gouvernement doit arrêter de quémander des aides financières internationales, il doit plutôt trouver de nouveaux marchés et faciliter l'investissement étranger. Depuis 2011, 2600 entreprises ont quitté la Tunisie, soit près de 40000 emplois disparus.
Mais bien sur, il y a une chose que nous exigeons de l'Etat, à défaut de toutes les autres: notre S.E.C.U.R.I.T.E.
Cela passe aussi par des alliances politiques internationales sages et visionnaires, personnellement je ne pense pas que l'Arabie Saoudite soit du bon coté de l'Histoire – l'avenir nous le dira.
4- Enfin quelles ambitions avez-vous, vous-mêmes pour votre pays et comment compter vous agir pour contribuer à leur réalisation?
En 1970 la Corée du Sud et la Tunisie avaient le même PNB par habitant,290 USD, l'Argentine 1,320 USD. Quarante ans plus tard, La Tunisie est arrivée à 4,300 USD, l'Argentine à 14,700 USD et la Corée du sud à 26,000 USD. Six fois celui de la Tunisie et presque Deux fois celui de l'Argentine.
La Corée et l'Argentine sont deux pays qui ont vécu des coups d'Etats, des crises économiques graves, des soulèvements populaires et qui sont aujourd'hui a deux stades de développement radicalement différents : l'un figure parmi les pays les plus riches, développés, avancés et économiquement solides du monde; l'autre accumule les crises économiques, les soulèvements populaires, n'honore pas sa dette et figure parmi les Etats les plus corrompus du monde.
Il y a quarante ans, la Tunisie et la Corée du Sud avaient le même PNB par habitant. Aujourd'hui? notre pays peut prendre cette voie ou celle de l'Argentine.
Je crois que dans 20 ans nous pouvons devenir la Corée du Sud.
J'ai trouvé en Tunisie une réelle volonté de la part de plusieurs groupes industriels, entrepreneurs, entreprises, d'agir, de créer, d'innover malgré la récession interne dans le contexte de crise internationale.
Plusieurs projets voient le jour, comme les incubateurs d'entreprises technologiques, les fonds dédiés à la restructuration de secteurs entiers – ce á quoi je me consacre, les e-entreprises qui se sont lancées dans plusieurs domaines.
Il y a en Tunisie de réelles compétences et des hommes et des femmes qui innovent quotidiennement, des associations qui soutiennent l'entreprenariat, des fonds étrangers ou Tunisiens qui investissent et parient sur la Tunisie.
Des entreprises extraordinaires créées depuis moins de 10 ans qui se sont positionnées a l'international par leur seule valeur ajoutée ; telles que Proxym, Axe finance, Digital mania, Saphon, Webradar et j'en oublie.
Des dizaines de start-ups voient le jour, menées par des entrepreneurs qui croient en la Tunisie post-naphtaline, á un marché dynamique et moderne, qui repense la Tunisie.
Il y a aussi des organisations, des fonds ou des associations qui agissent pour le soutien, l'encadrement de l'entreprenariat comme le Founder Institute, Enactus, Injaz Tunisia, Tounis Ta3mel, ou le Women's Entreprise for Sustainibility.
Mais encore des fonds de capital-risque dédiés aux start-ups tunisiennes, en partenariat avec Flat6Labs, le XV est un des projets les plus innovants dans ce domaine.
Nous avons des ressources indéniables que nous connaissons tous et nous sommes à un moment crucial de notre Histoire. Nous sommes exactement au moment de « go long ».Prendre un risque à court terme pour un investissement rentable à long terme.
Je conclus avec une citation de Mart Laar, l'homme qui a créé le miracle économique Estonien, premier ministre à tout juste 32 ans : « J'étais jeune et fou, je ne savais pas ce qui était possible et ce qui ne l'était pas, alors j'ai fait ce qui était impossible. »
M.K
References:
http://www.webmanagercenter.com/actualite/finance/2015/02/12/160359/banque-le-laborieux-chemin-de-la-restructuration-du-systeme-financier-tunisien
http://www.maghrebemergent.com/economie/tunisie/48303-pas-moins-de-2600-entreprises-etrangeres-et-locales-ont-quitte-la-tunisie-depuis-2011-expert.html
http://www.wipo.int/ipstats/fr/statistics/country_profile/profile.jsp?code=FR


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