L'ambassade de France en Tunisie explique en vidéo le nouveau système d'entrée dans l'espace Schengen    Mercedes CLE Coupé 200 et Honda CR-V Hybride : Plus Belles Voitures de l'Année 2025    Tunisair lance une promotion historique de 77 heures pour ses 77 ans    Nuages et pluies éparses sur le nord du pays    Un nouveau pont entre l'université et la jeunesse : l'IPSI signe avec l'Observatoire National de la Jeunesse    Une brigade blindée de l'occupation sioniste derrière le meurtre de la petite fille gazaouie « Hind Rjab »    Siliana : Appel d'offres en préparation pour la réédification du village d'enfants SOS    « Ouvrons la grenade, ouvrons le dialogue » : un appel à la prévention du cancer du sein en Tunisie    Film Jad : diagnostique de l'état des hôpitaux tunisiens dans un long-métrage qui fait mal    Les diplômés au chômage de longue durée revendiquent leur recrutement dans la fonction publique et le secteur public en 2026    Syndicat des Forces de Sécurité Intérieure : plusieurs membres de l'ancien bureau exécutif incarcérés    Ligue 1- mise a jour de LA 10ème journée – CA – USM (15h00 – Rades) – CA : Un saut de qualité ?    Ligue 1 – mise a jour de LA 10ème journée – CA – USM (15h00 – Rades) – USM : Repartir malgré tout    Clôture du projet Ajyal Egalité à Tunis : trois ans d'actions pour l'égalité des genres au Maghreb    Forbes Middle East consacre Olfa Gam, pionnière tunisienne de l'innovation en oncologie    Ministre de l'Equipement : des experts chinois attendus aujourd'hui à Gabès    Imed Zitouni rejoint Meta en tant que Senior Director of Engineering    Vient de paraître : Une fille de Kairouan de Hafida Ben Rejeb Latta    Sarkozy se rend en prison à bord de sa voiture personnelle    Tunisie : le ministère de l'Agriculture alerte sur un danger imminent menaçant le cheptel    Un ciel radieux au-dessus de la Tunisie ce mardi 21 octobre    Baccalauréat 2026 : Les inscriptions commencent demain    Gabès : un centre anticancer et la relance de l'hôpital universitaire en 2026    Hazar Chebbi à la tête de Pluxee Tunisie, Slim Ben Ammar préside le Conseil d'administration    Japon : pour la première fois, une femme devient première ministre    Nabeul : La production d'huile d'olive estimée à plus de 90 mille tonnes    Tunisie : le nouveau Code des changes entre en mutation    Wushu Kung Fu : La Tunisie décroche 7 médailles aux Mondiaux en Chine    Zoubeida khaldi: La petite gazelle de Gaza    Macron rencontre Sarkozy à la veille de son incarcération    Calendrier des concours Tunisiens Bac 2026, 9ème et 6ème pour l'année scolaire 2025-2026    Histoire générale de l'Afrique : l'UNESCO achève les trois derniers volumes du projet HGA    Programme de la 11e journée de Ligue 1    La Tunisie dévoile ses nouveaux maillots pour la Coupe arabe et la CAN 2025 !    Structuration complète du Club Africain : commissions et administration en action    L'Amiral Mohamed Chedli Cherif : Il aimait tant la mer, il aimait tant l'armée, il aimait tant la Tunisie    Météo en Tunisie : temps nuageux, pluies éparses    Abdelwahab Meddeb, lauréat du grand prix de la Grand Mosquée de Paris (Vidéo)    Seulement 10 personnes encore détenues à Gabès    Mohamed-El Aziz Ben Achour: La médina face aux malheurs de l'histoire    Kharbga City, un festival créatif pour les enfants et adolescents à Tunis    Kais Saied : le projet de loi de finances 2026 au service de la justice sociale et du citoyen    Le Festival National du Théâtre Tunisien 'Les Saisons de la Création' se déroule dans son édition 2025 à Tozeur et Tunis    Tunisie : « The Voice of Hind Rajab » dans la shortlist des European Film Awards 2026    Pétrole russe : Pékin dénonce les “intimidations” de Trump et défend ses achats “légitimes”    Etats-Unis : la Cour suprême pourrait restreindre les protections électorales des minorités    Tunisie vs Namibie : Où regarder le dernier match qualificatif pour la coupe du monde 2026 du 13 octobre    Tunisie vs Sao Tomé-et-Principe : où regarder le match éliminatoire de la Coupe du Monde 2026    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'exercice de la médecine…ou quand le doute plane
Publié dans Leaders le 10 - 04 - 2020

«Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément». C'est le serment que fait tout médecin avant d'entamer sa carrière de sauveteur des vies humaines.
Lors de l'exercice de leurs missions, les médecins sont tenus de respecter diverses obligations à l'égard de leurs patients, ils sont censés respecter les règles de l'Art et les données acquises de la science, même s'ils ont la liberté de prescrire le traitement adéquat. Tout manquement à l'une de leurs obligations peut engager leur responsabilité. Ils peuvent être tenus pour responsables pénalement et civilement en cas de fautes, ç.-à.-.d en cas d'écart de conduite, de comportement qui ne serait pas considéré comme correct, conforme aux normes.
Cette relation médecin/ malade fondée sur la confiance du patient en son médecin qui agit en son âme et conscience conformément aux données de la science se trouve aujourd'hui ébranlée par le doute et l'urgence. A l'occasion de cette pandémie du Covid 19, les professionnels de la santé se trouvent dans une situation où on ne peut parler de données acquises de la science (A), et le traitement possible des symptômes du virus pose un problème de prescription : il devrait être prescrit hors AMM(1) (B).
1/ Absence de données «Acquises» de la science
Pour que les agissements du médecin soient corrects et non fautifs, il faut qu'ils soient conformes au comportement du médecin «raisonnable», agissant en «bon père de famille». Il faut que le soignant respecte les règles de l'Art et les données acquises de la science, c.-à-d. qu'il agisse en total respect des méthodes de diagnostic et de thérapeutique sur lesquelles il y a un consensus et qui ont été jugées adéquates par différents experts et divers essais cliniques. Or, aujourd'hui, face à ce nouveau virus, il y a pas de données « Acquises » de la science, la communauté scientifique au niveau international est encore dans le doute. La contamination par ce virus, sa possible mutation, font encore objet de tâtonnements, les traitements possibles pour arrêter son évolution, tels que l'usage du plasma des personnes guéries ou l'administration de l'hydroxychloroquine et son association à l'azithromicine font encore objet de polémique, les tests et les essais cliniques actuels ne sont pas encore suffisants pour tirer des conclusions, qui ne seraient que hâtives. Les recherches pour trouver un vaccin ont besoin de temps et d'expérimentations pour obtenir un consensus. On est donc en plein doute scientifique, l'attitude à suivre ne fait pas l'unanimité. Alors comment juger le comportement du médecin en ces temps de doutes et comment le protéger juridiquement d'un éventuel engagement de sa responsabilité ?
Les médecins doivent se fonder sur les recommandations qui commencent à voir le jour un peu partout dans le monde et dans les revues scientifiques reconnues et suivre les protocoles établis par l'INEAS(2). Deux guides ont déjà été établis : d'une part, « le Guide Parcours du patient suspect ou atteint par le Covid-19 Consensus d'experts»(3), qui détermine le parcours du patient aux urgences, au niveau des consultations spécialisées, établit certaines règles relatives au diagnostic, aux méthodes thérapeutiques et à la prise en charge du malade. D'autre part, le « Guide parcours du patient suspect ou atteint par le Covid-19. Situations particulières. Consensus d'experts»(4) qui établit les recommandations des sociétés dites « savantes », c.-à-d. les sociétés tunisiennes de médecine spécialisée qui dressent les recommandations spécifiques relatives à chaque spécialité ( l'anesthésie et la réanimation, la cardiologie, la gériatrie, l'ophtalmologie, la radiologie,….) . Ces guides sont formulés de manière dynamique, ils peuvent être mis à jour et actualisés selon l'évolution des données scientifiques et académiques.
Ces différents protocoles issus d'un certain consensus des scientifiques jouent le rôle de normes de comportement qui tentent d'aider les médecins à prendre les décisions idoines. Elles ne sont pas obligatoires mais elles peuvent aider le juge ultérieurement, en cas de litige, à évaluer le comportement du médecin et savoir s'il peut être qualifié de fautif ou pas.
2/ Prescription hors AMM
Le principe est que le médecin est libre de prescrire le traitement qu'il estime adéquat selon l'état de son patient. Mais le principe aussi est que le médecin doit prescrire un médicament qui a respecté les normes de fabrication et de commercialisation en respectant entre autre l'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour soigner les maladies indiquées dans le prospectus dudit médicament.
Toutefois, dans certains cas, les médecins se trouvent contraints d'utiliser le médicament pour une maladie autre que celle pour laquelle il a été mis sur le marché.
«L'ensemble des données disponibles sur le niveau global des prescriptions dites hors AMM ou encore « non conformes » en France permet de retenir un pourcentage de l'ordre de 20%. La prescription hors AMM n'est donc pas une pratique marginale(5)» .
La prescription hors AMM n'est donc pas totalement exclue, ce qui permettrait d'utiliser l'hydroxychloroquine, mise sur le marché pour soigner et prévenir le paludisme, indiquée «pour traiter les maladies articulaires d'origine inflammatoire, telles que la polyarthrite rhumatoïde, ou d'autres maladies telles que le lupus ou en prévention des lucites»(6) , pour traiter les symptômes du covid 19.
Toutefois, ceci nécessite le respect de certaines conditions: d'abord, il faut que le ministère de la santé autorise l'usage de ce médicament hors AMM, décision qui est en train d'être étudiée. Le ministère vient dans ce sens d'accueillir l'avis favorable du Comité de Protection des personnes(7) pour un tel usage.
Néanmoins, une telle autorisation n'est ni une carte blanche pour un usage systématique ni une obligation pour le médecin de le prescrire, s'il estime que l'état de santé de son patient ne le permet pas.
La prescription hors AMM, même si elle est autorisée par le ministère n'exonère pas le médecin de toute responsabilité. En effet, ce dernier doit accomplir convenablement son obligation d'information. Cette obligation déduite du code de déontologie médicale et entérinée par la jurisprudence doit être accomplie convenablement. Le médecin est tenu d'informer son patient du fait que c'est un médicament qui n'est pas à la base destiné au traitement du Covid 19, qu'il risque d'avoir des effets secondaires, et le médecin est tenu de préciser tous les risques possibles encourus par ce produit de santé, qu'ils soient des risques fréquents ou rares, exceptionnels, minimes ou graves.
Le but de cette obligation d'information dument accomplie est de recueillir le consentement «éclairé» du patient, c.-à-d. que son acceptation de subir le traitement soit basée sur une volonté libre et consciente, un accord «en connaissance de cause».
Ce consentement éclairé devrait être formulé par écrit afin de faciliter sa preuve.
Le médecin qui accomplit ses obligations convenablement pourra se prémunir contre tout engagement de sa responsabilité si des risques se réalisent ou des séquelles sont subies par le malade suite à ce traitement même quelques années plus tard.
Par ailleurs, les décisions de suivre cette thérapeutique devraient être fondées sur des examens préalables et concomitants au traitement afin de vérifier et de prouver que le traitement a été administré de manière raisonnable et que le comportement du médecin n'est pas considéré comme fautif.
En outre, une décision collégiale des médecins traitants pourrait être réconfortante pour le malade et protectrice pour les médecins dès lors qu'elle peut être un signe de consensus scientifique.
Pour conclure, il ne faut pas perdre de vue que l'acte médical est en réalité une atteinte autorisée à l'intégrité physique du malade, et que le médecin doit recueillir le consentement éclairé du patient dans les conditions normales d'exercice de la médecine et a fortiori lorsqu'il agit dans un cadre où le doute et l'incertitude sont les maîtres mots.
Aïda Caïd Essebsi Fourati
Agrégée en droit privé,
Maître de conférences
à la faculté des sciences juridiques,
politiques et sociales de Tunis
Responsable du master Droit de la santé


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.