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Pr Slaheddine Sellami - Chloroquine : les raisons de cette polémique
Publié dans Leaders le 30 - 03 - 2020

L'exercice de la médecine vise à rétablir, préserver ou promouvoir la santé dans tous ses éléments: physiques et mentaux, individuels et sociaux. Voilà un bref extrait de notre «serment d'Hippocrate».
La médecine n'est pas une science exacte mais il s'agit d'un art qui obéit à des règles strictes. L'état de nos connaissances actuelles n'est que la résultante de progrès accumulés, durant plusieurs millénaires.
J'ai toujours enseigné à mes élèves ce que l'on m'a enseigné jadis: tout acte médical, quel qu'il soit, comporte des risques et notre rôle en tant que médecin, c'est de faire un choix en fonction des bénéfices et du risque que va encourir le patient ; et cela, en s'appuyant sur l'état actuel de la science.
L'humanité toute entière se trouve aujourd'hui devant une pandémie due au virus COVID-19. Ce virus n'a jamais été auparavant identifié chez l'homme est se révèle très contagieux. Il est vrai que dans 80% des cas, les sujets infectés ne développent que des signes mineurs. En revanche, près de 20% des malades nécessitent une hospitalisation. Dans les formes très graves, une assistance respiratoire est indiquée.
Le nombre très élevé de malades graves risque d'entrainer une saturation complète des structures sanitaires. Plusieurs pays ont déjà atteint ce seuil avec comme conséquence pour les médecins, l'obligation de prioriser et de ne réanimer que les sujets qui ont le plus de chance d'être sauvés en laissant les autres à leur sort et à la volonté de dieu. Il s'agit là d'une situation dont l'horreur est difficile à décrire pour un médecin!
Dans un pays où les structures sanitaires sont fragiles, qui manque de personnel spécialisé (ce qui a eu pour conséquence de pousser ses enfants à l'exode) et qui manque d'équipements nécessaires, personne ne peut hélas prédire les conséquences qui découleront de cette crise. La Tunisie est une nation qui n'a pas encore digéré les conséquences de la révolution qu'elle a vécue en 2011.
Il est vrai que nous avons pris un certain nombre de décisions d'une manière assez précoce par rapport aux pays européens comme le confinement et la fermeture des frontières. Prions pour que ces mesures soient suffisantes pour que le nombre de cas graves soit compatible avec notre capacité à les prendre en charge.
Dans tous les cas le devoir du gouvernement est de se préparer pour le pire des scénarios. Il est donc impératif d'essayer de diminuer au maximum le nombre de malades ce qui aura pour effet mathématique de diminuer le nombre de cas graves. J'ai d'ailleurs mis en exergue ces mesures nécessaires dans un précédent article.
Parmi les mesures envisagées, figure le traitement des patients qui présentent les signes cliniques de la maladie.
Il n'existe à l'heure actuelle aucun traitement ayant montré son efficacité sur la maladie et qui a été validé par des études en double aveugle contre placebo avec inclusion d'un nombre de malades suffisant.
La seule molécule qui a montré une certaine efficacité dans des études de cohorte et dans les essais ouverts est l'hydroxy chloroquine. Il s'agit là d'un problème complexe qui fait intervenir plusieurs éléments et que nous allons essayer d'expliquer:
1) La molécule
Elle est connue depuis les années 1940 et utilisée dans le traitement du paludisme, dans la prévention du paludisme pour les voyageurs dans les zones d'endémie ainsi que dans le traitement de certaines maladies auto immunes comme le lupus ou les polyarthrites. Les spécialistes qui s'occupent de ces maladies en ont une parfaite connaissance. Mon expérience de plus de 35 ans d'utilisation, à la dose de 400 mg par jour, pendant plusieurs mois voire plusieurs années, me permet de dire que les effets indésirables qui entrainent l'arrêt du traitement sont rares, voire exceptionnelles. Certaines précautions sont nécessaires comme la surveillance ophtalmologique régulière afin de rechercher la rétinopathie (qui est en général assez tardive) ainsi que le respect de certaines contre-indications cardiaques (en particulier chez les patients qui présentent un allongement de l'espace QT à l'ECG ou qui présentent des facteurs de risque connus d'allongement de l'espace QT).
L'action de cette molécule in vitro (au laboratoire) est certaine, cependant son action sur le patient semble (d'après quelques études chinoises) peu convaincantes. Dans ces études la chloroquine a été utilisée en mono thérapie.
2) Les chercheurs et les médecins
Il existe deux catégories :
• Les médecins qui connaissent bien la molécule, qui ont l'habitude de l'utiliser et qui l'ont utilisé chez les malades atteints par le virus avec de bons résultats. Je me permets de citer ici le professeur Raoult de l'IHU de Marseille qui vient de publier un article qui conclut à une efficacité certaine chez 80 malades ; ainsi que le docteur Zev Zolenko de New York qui vient d'adresser une lettre ouverte au président Trump et aux médecins du monde dans le but de partager les succès obtenus en traitant 500 patients à risque avec Zéro mort et Zéro hospitalisation.
Ces deux équipes ont utilisé l'hydroxy chloroquine dès le début des signes cliniques en association avec un antibiotique (l'Azithromycine) dans la cohorte française, et avec l'association Zinc et Azythromycine dans la série américaine. Ces deux équipes disent vouloir éviter le Tsunami qui submergera les hôpitaux, ce qui permettrait ainsi de prendre en charge toutes les formes graves. Cette association entraîne en plus une négativation de la charge virale dès le septième jour, rendant ainsi ces patients rapidement non contagieux. Ce dernier élément pèse lourd dans la prise de décision.
• Des chercheurs et d'autres médecins qui exigent au nom de l'éthique et du principe de la médecine fondée sur les preuves, d'attendre les résultats des essais cliniques en cours pour décider. Ces résultats ne seront connus que dans 6 à 8 semaines, c'est-à-dire après la vague de malades en situation critique et après le tsunami que va provoquer cette pandémie. Ces chercheurs mettent en doute l'efficacité de cette association chez les malades et certains accusent l'Azithromycine d'augmenter la fréquence des effets indésirables cardiaques de l'hydroxy chloroquine.
3) Les malades eux-mêmes
Certains malades tiennent à prendre le traitement et refusent la restriction. Une masse encore plus importante de ceux qui ont peur d'attraper la maladie voudrait utiliser l'hydroxy chloroquine comme pour le paludisme en tant que moyen de prévention. Ces attitudes peuvent avoir des conséquences graves sur le stock d'hydroxy chloroquine qui est à ce jour limité. L'auto médication peut aussi s'accompagner de nombreux effets secondaires.
4) Les autorités politiques
Elles n'ont pas prévu un stock suffisant, elles continuent à tergiverser et sont tentés d'instrumentaliser les « experts » en leur demandant de limiter au maximum les indications relatives à cette molécule. Cela risque d'être préjudiciable pour la santé publique. En Tunisie, ces autorités ont même interdit à la pharmacie centrale de distribuer le produit. Cela prive ainsi les malades d'être traités par ce protocole et cela prive également les médecins du principe de la libre prescription.
5) L'industrie pharmaceutique
• les grandes multinationales s'intéressent à cette épidémie qui pourrait représenter une manne financière énorme. Ils sponsorisent les essais cliniques sur des produits onéreux comme l'anti IL6, l'interféron béta, les antiviraux, etc. Une soixantaine de molécules sont à l'étude actuellement.
• Nos producteurs locaux veulent fabriquer les produits qui pourraient s'avérer utiles comme l'hydroxy chloroquine et sollicitent l'état pour l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) rapide en accélérant la procédure, ou en s'assurant que ce produit aura une large utilisation.
Le problème de la chloroquine est multidimensionnel, et cela explique toute la polémique qui en découle; en particulier en France.
En âme et conscience et en connaissance de cause, j'estime que nous devons nous préparer à affronter un afflux de malades qui pourrait saturer nos structures de santé. Il faut ici rappeler que nous n'arrivons pas à faire respecter d'une manière stricte les mesures de confinement. La prescription de l'association « hydroxy chloroquine – Azithromycine » pourrait être l'une des mesures à adopter pour contenir cet afflux.
En revanche, il faut rappeler que cette prescription devra se faire à certaines conditions:
1. prescrire assez tôt avant l'apparition des signes de gravité surtout pour les malades à risques
2. assurer un stock suffisant (150 000 boites au moins)
3. permettre aux médecins qui vont s'occuper de patients COVID- 19 + d'utiliser cette molécule à condition de respecter les contre-indications ainsi que les précautions d'utilisation. Ces médecins doivent avoir une connaissance suffisante des effets secondaires (après avis cardiologique surtout pour les sujets à risque).
4. informer les patients des éventuels effets indésirables
5. imaginer un circuit de distribution qui permet d'éliminer les risques d'auto médication et de spéculation. On peut aller jusqu'à un circuit semblable à celui des anxiolytiques et des antidépresseurs avec un registre nominatif.
6. Les malades jeunes ayant des formes mineures peuvent ne pas recevoir ce traitement à condition d'être surveillé par un réseau de médecins généralistes qui doivent être impliqués dans cette lutte.
Gouverner, c'est protéger les citoyens, mais c'est aussi prévoir et anticiper. Il vaut mieux en effet pécher par excès plutôt que par défaut.
J'aimerais enfin m'adresser au ministère ainsi qu'aux membres de la commission chargée de mettre en place les protocoles thérapeutiques pour leur poser une seule et unique question.
Si après une vague importante de formes graves, suivie de son cortège de morts et de malades non pris en charge, les essais cliniques viennent démontrer que l'hydroxy chloroquine (qui aura été refusée aux malades et aux médecins prescripteurs avant et pendant cette période) s'avère en fait un médicament efficace, serez-vous capables de l'assumer ?


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